Fin des régimes spéciaux et des départs anticipés pour la plupart des fonctionnaires, mais "solidarité" renforcée pour les carrières courtes et hachées... De l'aveu même du haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, le "système universel" fera "des gagnants et des perdants". Lesquels?
Plutôt gagnants
CARRIERES COURTES ET HACHEES
Le système se veut plus favorable pour les plus modestes et les carrières heurtées ou incomplètes, avec un minimum de retraite porté à 85% du Smic net, contre 81% pour les salariés et 75% pour les agriculteurs actuellement.
"Chaque jour travaillé permettra" désormais "d'acquérir des points", insiste M. Delevoye, même "l'étudiant qui fait la cueillette des pommes".
Les congés maternité, le chômage ou les arrêts maladie donneront également droit à des points, garantissant une amélioration de la future pension.
L'instauration d'un âge du taux plein à 64 ans, assorti d'une décote/surcote, est également présentée comme une avancée. Ceux qui actuellement n'ont pas assez cotisé et doivent travailler jusqu'à 67 ans pour ne pas subir de décote pourront de fait partir plus tôt. Reste à voir avec quelle pension...
A l'inverse, avec la fin de la prise en compte des 25 meilleures années chez les salariés ou des six derniers mois dans la fonction publique au profit de l'ensemble de la carrière, les trajectoires ascendantes seront "particulièrement perdantes" selon la CGT des cadres, leurs pensions "mathématiquement moins élevées" selon FO.
D'autant que les hauts revenus ne seront plus pris en compte au-delà de 120.000 euros brut annuels, tout en étant soumis à une cotisation de 2,81% pour financer la solidarité.
FEMMES ET FAMILLES NOMBREUSES
La révision des droits familiaux doit favoriser les femmes, bénéficiaires des pensions de réversion dans neuf cas sur dix.
Le dispositif de réversion imaginé par M. Delevoye doit garantir "70% du total des retraites perçues" par le couple.
Une majoration des droits de 5% par enfant et dès le premier enfant pourra par ailleurs être partagée entre les deux parents et sera à défaut attribuée à la mère. Une bonne nouvelle pour les femmes et les familles monoparentales, désavantagées par le système actuel qui octroie 10% de majoration à chaque père et mère de trois enfants et plus.
"Que le père de trois enfants perde cet avantage au profit des femmes dès le premier enfant me paraît juste", justifie M. Delevoye.
Avec 15% de majoration à se partager, les parents de trois enfants seront perdants, mais pas ceux de quatre enfants (20%), tandis que les parents de 5 enfants gagneront au change (25%).
Plutôt perdants
FONCTIONNAIRES ET REGIMES SPECIAUX
La réforme fera des perdants chez les fonctionnaires et les employés des régimes spéciaux amenés à disparaître, comme leur droit à une retraite avant 62 ans.
Parmi les fonctionnaires de "catégorie active", seuls les métiers "régaliens" (policiers, douaniers, pompiers, surveillants pénitentiaires) resteront autorisés à partir en retraite à 57, voire 52 ans. D'autres, comme les aides-soignantes, pourraient toutefois profiter du compte professionnel de prévention (ex-pénibilité) pour partir au mieux à 60 ans.
Plus généralement, les fonctionnaires pâtiront du nouveau mode de calcul des pensions. En compensation leurs primes seront prises en compte, mais cela "pénalisera" les catégories qui en touchent peu "comme les enseignants", a reconnu M. Delevoye, plaidant pour un "new deal" avec la fonction publique.
INDEPENDANTS ET LIBERAUX
Les indépendants, qui cotisent moins que les salariés, bénéficieront d'un "régime adapté". Ils devront, comme tout le monde, abonder le pot commun à hauteur de 28,12% jusqu'à 40.000 euros de revenu brut annuel, à 12,94% ensuite, en échange d'une baisse de la CSG.
Les "exploitants agricoles, artisans, commerçants..." pourront ainsi bénéficier du minimum de retraite.
Mais la fronde s'organise chez les libéraux, notamment chez les avocats. Défendant un "régime de retraite autonome, solidaire, équilibré financièrement", le Conseil national des barreaux appelle à manifester en septembre contre une "mise à mort économique".
Réunis au sein de l'association Pro'Action Retraite, les dentistes, pharmaciens, sages-femmes, vétérinaires, notaires et experts-comptables entendent également défendre la spécificité de leurs caisses et de leurs réserves, de plus de 20 milliards d'euros.