La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
François Bayrou : « Le contrat social français est insoutenable, si nous n’avons pas l’appareil productif capable de le financer »
Par Steve Jourdin
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Sa nomination au mois de septembre au poste de Haut-commissaire au Plan avait été accueillie plutôt froidement au Sénat. Son audition par la commission d’aménagement du territoire a peut-être dissipé la défiance. Désormais, les sénateurs savent un peu mieux ce que fait François Bayrou au quotidien. Il réfléchit. « Je réfléchis au projet de société que la France a construit et porté. Pour elle-même et face au monde » déclare-t-il dans son propos liminaire. Il réfléchit, et il écrit. Depuis septembre, le Haut-commissaire a livré trois notes, la dernière consacrée à la dette Covid. Sa mission ? « Faire ressortir des lignes de force et les faire remonter. Mais aussi produire des idées », précise celui qui est chargé d’animer et de coordonner les travaux d’une organisation dotée de 15 millions d’euros annuels.
François Bayrou plaide pour une action publique bâtie sur le court, moyen et long terme. « La Chine gouverne à trente ans, nous à trente jours. Il faut réfléchir en trois étapes : sur dix, vingt et trente ans. Nous devons avoir un horizon assez proche pour être perçu, et un horizon plus lointain, l’horizon d’une génération. » D’autant plus que la pandémie a révélé les failles françaises. « Cette crise a été une prise de conscience douloureuse pour la nation. Nous avons découvert nos faiblesses structurelles. La pénurie de médicaments est un exemple parmi d’autres ».
Le modèle social français en péril
Difficile d’écouter le président du Modem sans penser aux échéances électorales à venir. Ephémère garde des Sceaux d’Emmanuel Macron, principal partenaire de la République en Marche depuis 2017, François Bayrou a lancé ces dernières semaines une offensive médiatique sur plusieurs thèmes, notamment l’instauration de la proportionnelle. Devant les sénateurs, il n’est pas revenu sur le mode de scrutin. Mais il a longuement défendu sa position sur la dette Covid, qu’il propose de cantonner. « Les dépenses pour lutter contre l’épidémie sont des dépenses de guerre. Il faut identifier et cantonner cette dette. La nation doit se donner dix ans pour se redresser. » Pas question néanmoins d’effacer cette dette. Sinon, « plus personne ne nous prêtera jamais » assure-t-il.
Pour les années qui viennent, François Bayrou fixe une priorité : la modernisation de notre appareil productif. « Nous avons le contrat social le plus généreux du monde. Mais ce contrat social est impossible à soutenir si nous n’avons pas l’appareil productif capable de le financer ». Or, la désindustrialisation de la France continue. L’industrie ne représente en effet plus que 12 % du PIB français. Paris est même en déficit commercial vis-à-vis de Rome et de Madrid. Le président du Modem propose donc un grand « Plan Marshall », en profitant des facilités de crédit mis à disposition de la Banque centrale européenne (BCE). L’État doit investir massivement dans l’appareil productif, sous peine de « voir s’effondrer le projet national français » prévient François Bayrou.
Le pari de l’électricité, et du nucléaire
Il faut cependant faire la différence entre « relance et reconquête » selon l’ancien ministre de l’Education. Les 100 milliards d’euros débloqués par le gouvernement pour relancer la machine économique ne suffiront pas. « La relance vise à soutenir des secteurs existants. La reconquête, c’est la volonté de reconstruire des secteurs de production qui ont disparu. » Il y a donc un besoin considérable de nouveaux investissements.
Vers quels secteurs devront être dirigés ces investissements ? François Bayrou distingue trois priorités, qui sont autant de défis : la question climatique, la question de la biodiversité, et la question de l’artificialisation des sols. « Le grand mouvement à venir est celui de l’électrification du parc automobile et de l’électrification des chauffages des logements » note-t-il. Mais cette mutation a un coût : elle nécessite une « augmentation de notre consommation électrique de 35 % », selon les calculs du haut-commissaire.
Pour satisfaire ces nouveaux besoins en électricité, l’impératif climatique nous oblige à produire sans émettre de gaz à effet de serre. Une gageure selon François Bayrou, qui ne se défile pas : « Je ne vois pas comment on peut assumer cette exigence de production supplémentaire et demander en même temps de renoncer à la production d’électricité nucléaire en France. » Si l’allié d’Emmanuel Macron considère que l’éolien est une « piste intéressante », son utilisation soulève néanmoins des questions. Comme le bilan carbone d’une telle technique et l’acceptabilité sociale des unités de production. Des questions aujourd’hui non résolues. Mais qui ne manqueront pas de s’inviter dans les débats en vue de la présidentielle de 2022.