Pas assez de temps, ni de dialogue: huit syndicats de fonctionnaires ont demandé mardi au Premier ministre de "suspendre" la réforme de la fonction publique qui doit être présentée jeudi par le gouvernement, et dont le calendrier jette selon eux "un trouble" sur le grand débat.
Après plus d'un an de concertations et une opposition unanime des organisations syndicales, le projet de loi qui s'accompagne notamment de la suppression de 120.000 postes d'ici 2022 sera présenté à la presse jeudi par le secrétaire d'État Olivier Dussopt, avant un passage en Conseil des ministres fin mars, à l'issue du débat national.
C'est justement car il sera "question de la réorganisation de l'État" "au moment du grand débat", que les organisations s'interrogent sur le calendrier de l'exécutif et "demandent la suspension du projet de loi", écrit dans une lettre adressée à Édouard Philippe l'intersyndicale CGT, CFDT, Unsa, FSU, Solidaires, FA-FP, CFE-CGC et CFTC, soit huit des neuf représentations des fonctionnaires, à l'exception de FO (3e).
"La conception qu'affiche pour l'instant le gouvernement du dialogue social, qui consiste à ne strictement rien retenir de ce que proposent les syndicats, avec un calendrier extrêmement forcé, jette un trouble sur la sincérité du grand débat", a déploré mardi lors d'une conférence de presse Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT-Fonctionnaires, premier syndicat de la branche.
Lui et les autres représentants regrettent la "méthode" du gouvernement, consistant selon eux à imposer sa réforme lors de concertations communes ou bilatérales de façade.
Le secrétaire d'État en charge du dossier doit les rencontrer mercredi à Bercy pour leur soumettre le texte, laissant six semaines avant sa présentation en Conseil des ministres.
Suffisant pour y apporter de réels amendements du texte ? Les syndicats n'y croient pas.
- Grève en vue ? -
"La manière dont se profile la dernière phase d'échanges nous semble beaucoup trop ramassée, beaucoup trop courte, pour que le gouvernement se donne les moyens d'entendre les revendications", assure Mylène Jacquot, représente de la CFDT Fonction publique (2e).
"Pour Olivier Dussopt, les chantiers semblent être terminés. Pour nous, cela ne peut pas être terminé et (...) nous refusons les orientations et les mesures", abonde Gaëlle Martinez, chez Solidaires (6e).
Les syndicats affirment donc avoir déjà prévu "diverses initiatives pour permettre à tous les agents d'intervenir et d'agir afin de peser" si elles n'obtiennent pas, comme elles le réclament, la création d'emplois statutaires "dans tous les services qui en ont besoin".
Y compris une grève ? "C'est dans le paysage. Tout est posé, tout est possible", répond Bernadette Groison, de la FSU (5e).
Force Ouvrière, qui ne s'est pas joint à l'appel de l'intersyndicale et réclame depuis des semaines une réaction plus forte, a appelé dans le même temps, mardi, "les salariés (du) public et (du) privé" à "s'arrêter ensemble le même jour pour dire: stop, on ne peut plus subir".
"Nous voulons être entendus. Tel est le sens d'une action de grève interprofessionnelle", ajoute FO, qui a déjà organisé jeudi dernier une manifestation parisienne qui a rassemblé plusieurs milliers de fonctionnaires.
Ils réclamaient, à l'instar des autres organisations syndicales, une revalorisation salariale et un dégel du point d'indice, qui fige leurs salaires depuis 2010 - à l'exception de 2016 et 2017.
Depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, l'État a "accumulé les mesures négatives", ajoute l'intersyndicale, prenant l'exemple du rétablissement du jour de carence et désormais la crainte d'une part de rémunération au mérite.
"Comment on va évaluer le mérite ? C'est quoi le mérite dans les hôpitaux ?", s'interroge encore Bernadette Groison. "Ca ne colle pas à ce qu'est la fonction publique..."