Ce ne sont pourtant que quelques dixièmes, mais ils peuvent coûter très cher aux candidats. Placés, de peu, sous la barre des 5 % au premier tour de la présidentielle, Yannick Jadot et Valérie Pécresse se sont vus dans l’obligation de lancer une souscription auprès de leurs partisans. Pour mémoire, ceux qui atteignent la barre des 5 %, voient leur frais de campagne remboursés à hauteur de 8 millions d’euros maximum. En dessous de 5 %, ils n’ont droit qu’à 800 000 euros.
Invité de BFM TV ce jeudi, le président du Modem a relancé son projet phare de voir émerger une banque de la démocratie. « Il est tout à fait anormal que ce soit des instances privées qui décident ou pas d’accorder les moyens nécessaires par emprunt à un candidat ou un mouvement politique » « tous les candidats à l’élection présidentielle devaient à un moment ou à un autre emprunter à titre personnel. (Même) s’ils peuvent avoir des garanties de leur parti politique, c’est un très grand risque qui pèse sur leurs épaules », a-t-il jugé avant d’en conclure : « C’est pourquoi nous devrions avoir une instance démocratique sous le contrôle du Parlement reliée à la caisse des dépôts et consignations qui ait pour mission de garantir le financement de la vie politique ».
Quand François Bayrou dénonçait des « démarches parfois humiliantes » des candidats à l’égard de banques privées
Lors de la campagne présidentielle de 2017, la création d’une banque de la démocratie était l’une des conditions du ralliement du président du Modem au jeune candidat Macron. Elle figure dans le projet de loi pour la confiance dans la vie politique, porté par l’éphémère garde des Sceaux.
A son arrivée place Vendôme, François Bayrou dénonçait des « démarches parfois humiliantes » des candidats à l’égard de banques privées. Il met en avant les difficultés rencontrées par le MoDem lorsqu’il avait sollicité des prêts. Adossée à la caisse des dépôts, la nouvelle la banque publique aura pour mission d’aider les partis à financer leurs activités et notamment leurs campagnes électorales. Mais, l’établissement ne verra pas le jour.
« Emmanuel Macron a bloqué les décrets d’application de la loi sur la banque de la démocratie, pourtant votée par le Parlement et réclamée par ses alliés », a fustigé Marine Le Pen, mardi, lors de la présentation de sa réforme constitutionnelle.
Ce n’est pas l’explication. En septembre dernier, pubicsenat.fr rappelait le parcours législatif de la banque publique. Présenté en conseil des ministres en juin 2017, le projet de loi pour la confiance dans la vie publique démarre son examen au Parlement sans François Bayrou qui a quitté ses fonctions au bout d’un mois à cause de l’affaire des assistants parlementaires du MoDem au Parlement européen.
» Lire notre article : La banque de la démocratie, itinéraire d’une proposition enterrée
Le gouvernement juge le médiateur du crédit « suffisant »
Et entre-temps, la création de la banque de la démocratie a disparu du texte. Dans un avis, le Conseil d’Etat avait fait part de ses doutes sur l’opportunité de créer une nouvelle structure bancaire. Il soulignait que le projet de loi prévoyait déjà, pour garantir la transparence du financement de la vie politique, un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques. A la tête du ministère de la Justice, Nicole Belloubet qui a pris la suite de François Bayrou, décide d’introduire une habilitation à légiférer par ordonnance, censé lui laisser le temps de peaufiner ce sujet complexe, notamment sur le front de la réglementation bancaire.
Le délai de l’habilitation expire à l’été 2018 et la banque de la démocratie n’est toujours pas créée. Seul le « médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques », nommé en août 2018, est devenu réalité. Il est chargé de faciliter le dialogue entre les partis et les banques. « Pour moi le gouvernement n’a pas la légitimité de renoncer à cette disposition […] Je me bats et je me battrai pour cette idée », défend François Bayrou, devant l’association des journalistes parlementaires ».
En pleine affaire Benalla, la banque de la démocratie est enterrée à l’Assemblée nationale par Nicole Belloubet, au détour d’un débat sur la réforme constitutionnelle. La ministre justifie l’abandon par les conclusions d’un rapport de l’Inspection générale de l’administration et de l’Inspection générale des finances. « L’accès au crédit, pour se concentrer sur ce sujet, relève moins d’une absence d’offre bancaire, que viendrait combler la banque de la démocratie, que de questions d’informations ou de délais, qui pourraient être réglées par le médiateur du crédit », justifie Nicole Belloubet. La ministre ajoute au passage que la création d’une telle banque « ne faisait pas consensus », du fait de la lourdeur du dispositif ou de l’immixtion de l’Etat.
Pour Gérald Darmanin, il n’y a pas de défaillance « systématique » des banques
Le débat refait surface un an plus tard. Pour la campagne des européennes, le Rassemblement national peine une fois encore à rassembler des fonds. « La démocratie est verrouillée », dénonce la tête de liste Jordan Bardella. Au Sénat, les centristes posent à nouveau le problème du financement des campagnes électorales. Le président du groupe Union centriste, Hervé Marseille, interpelle le gouvernement dans une question écrite sur les difficultés rencontrées par plusieurs formations politiques dans l’accès au crédit. Dans sa réponse, le ministère de l’Intérieur s’était montré relativement rassurant, affirmant qu’il y avait une absence de défaillance « systématique » des banques et que l’organisation bancaire apparaissait « fonctionnelle ».
En 2020, le rapporteur des crédits de la mission « financement de la vie politique » tempérait nettement cette lecture. « Contrairement au gouvernement, je pense que le financement de la vie politique se heurte à certaines imperfections de marché », expliquait à ses collègues le sénateur (LR) Jacques Genest. Le rapporteur spécial en est convaincu, « il ne faut pas fermer le dossier de la banque de la démocratie ».
53 refus de prêts pour le RN depuis 2017 selon un rapport de l’Assemblée nationale
A l’Assemblée nationale, un rapport de Yaël Braun-Pivet (LaREM) et Philippe Gosselin (LR) relevait en fin d’année dernière que le Rassemblement National avait fait l’objet de « cinquante-trois refus écrits, pas toujours motivés, de banques » depuis la mise en place de la loi de confiance dans la vie politique. La présidente de la commission des lois du Palais Bourbon avait expliqué que les banques ne considéraient les demandes des formations politiques « qu’à partir de 6, 7 parfois 8 points dans les sondages ».
Sans attendre un nouveau texte, les parlementaires demandaient au gouvernement d’autoriser la Banque postale à octroyer des prêts et garanties aux candidats et partis pour la présidentielle et les législatives, avant de voir la Caisse des dépôts et Consignations prendre le relais après les scrutins de 2022.
« Il ne s’agit pas d’avoir des prêts à fonds perdu, qui ne seront pas remboursés. C’est une avance budgétaire, un crédit, qui serait avancé aux candidats », avait rassuré le député LR Philippe Gosselin.