À chacun sa copie. Et surtout, à chacun sa méthode. C’est le 9 avril que le projet de loi du gouvernement « pour un nouveau pacte ferroviaire » sera examiné par les députés. Cette loi d’habilitation autorisant l’exécutif à légiférer par la voie des ordonnances vise, entre autres, à réformer la SNCF mais aussi à ouvrir à la concurrence le transport ferroviaire des voyageurs, une concurrence imposée par le quatrième paquet ferroviaire européen.
Le sujet sera à l’agenda du Sénat dès demain, mais il s’agira là d’un débat sur une proposition de loi sur l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, celle que le sénateur Hervé Maurey (Union centriste) avait déposée en septembre avec son collègue (LR) Louis Nègre au mois de septembre 2017.
« La ministre s’était engagée à ce que cette proposition soit soutenue par le gouvernement »
Travaillant sur la question depuis 2016, le sénateur Hervé Maurey, qui préside la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, a une fois de plus regretté que son texte n’ait pas été retenu par l’exécutif :
« On avait prévu de l’inscrire à l’ordre du jour de janvier. Et puis la ministre des Transports nous a demandé d’attendre les conclusions de la mission de M. Spinetta [conduite pour le gouvernement, NDLR] pour que cet examen ait lieu. En échange, elle s’était engagée à ce que la proposition de loi soit soutenue par le gouvernement et à ce que ce soit le véhicule législatif qui devait permettre cette ouverture à la concurrence. »
Les sénateurs contestent la rapidité des ordonnances
Pour le sénateur de l’Eure, toujours remonté contre le recours aux ordonnances sur ce sujet d'une « grande importance », la réforme « mérite un vrai débat ». Prenant acte de la volonté du gouvernement d’aller vite, afin de préparer l’ouverture à la concurrence, obligatoire à partir de 2019 pour les TER et Intercités (2020 pour les TGV), Hervé Maurey réfute toutefois l’argument de la méthode gouvernementale. « On prouve qu’on peut aller encore plus vite que par les ordonnances. Une proposition de loi est prête et va être examinée ». Présenté comme un texte livré clé en main, sur lequel le Conseil d’État a même rendu un avis (un cas qui ne s’est produit que quatre fois pour les propositions de lois), il devrait en effet être adopté en fin de semaine par la Haute assemblée.
Sensibles aux équilibres territoriaux, les sénateurs ont voulu veiller à encadrer cette ouverture à la concurrence, qui peut être synonyme d’opportunités selon eux. « Elle doit conduire à réduire les coûts au profil des usagers », a défendu le rapporteur du texte, Jean-François Longeot. « L’ouverture à la concurrence ne doit pas se faire au détriment des territoires », a rappelé l’auteur du texte.
"On ne veut pas que l'ouverture à la concurrence se traduise par un moindre service", déclare Hervé Maurey
Images : Jérôme Rabier
Un « garde-fou » pour préserver les liaisons les moins rentables
Si dans les réseaux TER, un seul acteur sera retenu après l’appel d’offres, la problématique n’est pas la même sur le réseau à grande vitesse, où plusieurs opérateurs se livreront une concurrence dans un milieu régi par le principe du libre accès. Les sénateurs ont imaginé un « garde-fou » pour éviter les travers des conséquences de la concurrence.
Selon le texte, l’État devra signer des contrats de service public avec les compagnies, et ces contrats combineront « des services rentables et des services non rentables ». L’objectif est de préserver la desserte « directe » des villes moyennes par les trains à grande vitesse et d’assurer une continuité du service. « On ne veut pas ce qui existe en matière de téléphonie mobile où les opérateurs se battent comme des chiffonniers dans les secteurs rentables et où n’a pas de couverture dans les secteurs non rentables », prévient Hervé Maurey.
Concurrence dans le ferroviaire : "On souhaite un garde-fou", explique Hervé Maurey
Images : Jérôme Rabier
Garantir les droits des personnels transférés
La proposition de loi entend aussi préciser les modalités de transfert des personnels dans le cas de l’arrivée d’un nouvel opérateur. Elle veut garantir le maintient des droits des personnels de la SNCF (rémunération, facilité de circulation ou encore retraite).
Le texte aborde également la question des données, qui pourraient éventuellement faire obstacle au développement de la concurrence. Selon l’article 7, SNCF Mobilités et SNCF Réseau devront fournir aux autorités organisatrices « toute information relative à l’exécution des missions relevant d’un contrat de service public », « sans que puisse y faire obstacle le secret industriel et commercial ».
Si l’adoption de la proposition de loi Maurey-Nègre au Sénat ne fait pas de doute, le rapporteur du texte Jean-François Longeot affiche un objectif très clair pour la suite du parcours législatif. « Il faut tenir des avis venant d’horizons différents. C’est vraiment important que l’Assemblée nationale s’en saisisse », explique le sénateur (Union centriste) du Doubs. L’inscription à l’agenda de l’Assemblée n’étant pas certaine, la proposition pourrait, le cas échéant, venir en tout cas nourrir la réflexion de l’exécutif. « C’est important aussi que le gouvernement puisse se dire qu’il y a un certain nombre de sujets intéressant », complète le sénateur.