Fin de vie : le point sur la législation

Fin de vie : le point sur la législation

L’arrêt des soins de Vincent Lambert, en état végétatif depuis plus de dix ans, a commencé aujourd’hui. Le point sur la législation française sur la fin de vie.
Public Sénat

Par Ariel Guez

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Depuis 2008, et un accident de voiture qui l’a rendu tétraplégique et plongé dans un état végétatif, Vincent Lambert est hospitalisé et maintenu en vie grâce aux soins qui lui sont prodigués. Ces soins ont arrêté de lui être administrés ce lundi 20 mai 2019. Un arrêt possible grâce à un avis rendu par le Conseil d’État le 24 avril. Celui-ci avait été saisi par les parents de Vincent Lambert après la décision collégiale des médecins en 2018 d’arrêter les traitements de nutrition et d’hydratation artificielles.

En dix ans, l’affaire Vincent Lambert est devenue un symbole du débat sur la fin de vie. Mais quelle est la législation française dans ce domaine ?

L’euthanasie active (ou suicide assisté) n’est pas légale en France. Un médecin ne peut pas proscrire une injection d’une substance létale à un patient. C’est ce qui explique pourquoi Anne Bert, écrivaine atteinte de la maladie de Charcot, avait dû se rendre en Belgique pour « choisir sa fin de vie ». La Suisse et les Pays-Bas sont les deux seuls autres pays européens qui ont légalisé l’euthanasie. La condition nécessaire est que les patients doivent être dans un état incurable.

Lutter contre « l’obstination déraisonnable » des soins

Néanmoins, il existe des textes en France. La Loi Leonetti « relative aux droits des malades et à la fin de vie » a été votée en avril 2005. Ce texte, adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, a pour but de lutter contre « l’obstination déraisonnable » des soins. « Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris », selon l’article premier de la loi.

Aussi, s’il n’y a pas d’autres recours, le texte permet au corps médical de soulager le patient en lui administrant un traitement « qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie ». Dans ce cas, il doit en informer le malade ou à défaut sa famille ou la personne de confiance.

Lorsqu’un patient est dans l’impossibilité de s’exprimer, la limitation ou l'arrêt de traitement doit se réaliser après une décision collégiale « définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés ».

Le droit à une « sédation profonde et continue »

La loi Leonetti a été complétée par la loi Claeys-Leonetti, adoptée en janvier 2016. Celle-ci apporte notamment le droit à une « sédation profonde et continue », qui ne peut être administrée qu’aux personnes atteintes de maladies graves et incurables en phase terminale.

Selon le texte, « la nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés » lorsqu’il s’agit d’une « obstination déraisonnable ». C’est cet article 2 de la loi Claeys-Leonetti qui est avancé par les médecins du CHU de Reims dans le cas de Vincent Lambert.

Plusieurs médecins considèrent néanmoins que la loi ne le concerne pas. 70 d’entre eux avaient signé une tribune dans Le Figaro le 18 avril 2018, expliquant que Vincent Lambert « n’est pas en fin de vie ». Le Monde a également publié un appel semblable de médecins lundi 20 mai 2019.

Quelles évolutions possibles ?

Si aucun texte nouveau n’a été voté depuis 2016, le choix d’Anne Bert a permis de relancer le débat sur la fin de vie. Le 27 septembre 2017, le député LREM Jean-Louis Touraine a déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi sur la fin de vie qui s’ouvre à l’euthanasie et au suicide médicalement assisté. Mais il n’avait reçu qu’une cinquantaine de soutiens dans l’hémicycle.

Rebelote en février 2018, avec le renvoi en commission de la proposition de loi « relative à l'euthanasie et au suicide assisté, pour une fin de vie digne », signée par Caroline Fiat (LFI). Pourtant, quelques jours plus tard, 156 députés signaient une tribune au journal Le Monde pour qu’une nouvelle loi soit votée « sans délai ».

La ministre de la Santé Agnès Buzyn expliquait alors qu’il fallait d’abord évaluer l’application de la loi Clays-Leonetti avant d’envisager un nouveau texte. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales publié en avril 2018 concluait alors que l’application de la loi du 2 février 2016 avait un « bilan encourageant », et préconisait « quelques ajustements limités ».

Le gouvernement devait déjà présenter la révision de loi de bioéthique en avril 2018, mais elle avait été repoussée en raison du calendrier parlementaire chargé. Il serait possible qu’elle soit étudiée en Conseil des ministres en juin 2019.

Durant sa campagne, Emmanuel Macron expliquait qu’il « ne se précipiterait pas pour légiférer sur le sujet ». Reste à savoir si la fin de l’affaire Vincent Lambert poussera l’exécutif à un élargissement dans les prochains mois de la loi Clays-Leonetti.

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