Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Faut-il interdire les emplois familiaux au Parlement ?
Par Public Sénat
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L’affaire Pénélope Fillon a poussé les candidats de la primaire de gauche à réagir. Interrogés lors du dernier débat sur l’idée d’empêcher les emplois familiaux à l’Assemblée nationale et au Sénat, Benoît Hamon comme Manuel Valls se sont dit favorables à leur interdiction (voir la vidéo).
Embaucher son conjoint ou son enfant comme collaborateur parlementaire est parfaitement autorisé. Au Sénat, 59 sénateurs sont dans ce cas, selon les chiffres communiqués par la Haute assemblée (voir notre article sur les règles). Depuis la réforme du Sénat en 2015, la liste des collaborateurs est même publique. Elle est en ligne sur le site de la Haute assemblée. Il est facile d’y constater que plusieurs sénateurs ont des assistants portant le même nom.
« Pour faire accepter le changement de vie, la meilleure façon que j’ai trouvée, c’est de faire participer mon épouse à mon mandat »
Qu’en pensent les premiers intéressés ? Chez les sénateurs, le sujet fait clairement débat. Le sénateur PS Henri Cabanel, « pas d’accord du tout » avec Benoît Hamon ou Manuel Valls sur l’interdiction, emploie sa femme et l’assume parfaitement, notamment pour des raisons personnelles. « Moi, j’emploie mon épouse à des tarifs bien moindres, car elle est à 800 euros par mois. Elle gère mes transports, le secrétariat, les vœux » explique le sénateur de l’Hérault.
« Ma femme avait son travail. Elle travaillait à plein temps dans une société privée. Il faut comprendre les difficultés qu’on peut avoir au niveau familial. Aujourd’hui, si je suis sénateur, c’est que quelque part ma femme l’a accepté. Je viens de l’Hérault. Je suis trois jours par semaine à Paris. Dans le changement de notre vie, cela a été un peu compliqué. Pour faire accepter tout cela, la meilleure façon que j’ai trouvée, c’est de la faire participer à mon mandat aussi. (…) elle a quitté son entreprise » raconte Henri Cabanel. Pour lui, « ce ne sont pas les emplois familiaux qui doivent être visés. Ce sont les emplois fictifs ». Regardez (images de Aurelien Romano et Flora Sauvage) :
« Il faudrait voir aussi dans les mairies, les conseils départementaux, les conseils régionaux »
Le questeur PS du Sénat, Dominique Bailly, s’oppose aussi à l’interdiction. « Il faut faire attention à ne pas tomber dans la démagogie » dit-il. Le sénateur du nord travaille avec sa fille, « qui a fait Sciences Po ». « Tout se fait dans la transparence. A partir du moment où il y a un travail réalisé », il n’y voit pas d’inconvénient. S’il soutient Valls, il « regrette » que les candidats « se prêtent à ce jeu là ». Et de demander : « Pourquoi viser uniquement les parlementaires ? A quel niveau de populisme est-on ? ».
Pour Dominique Bailly, une telle règle poserait un problème de délimitation. « Dans ce cas, il faudrait demander qui couche avec qui ? » ironise-t-il. « Et les pacsés ? Ceux qui vivent en concubinage ? » Il ajoute : « Il faudrait voir aussi dans les mairies, les conseils départementaux, les conseils régionaux, s’il n’y a pas d’embauches familiales… ou s’il n’y a pas des encartés des partis politiques ». Et on sait qu’il y en a.
« Qu’on interdise les emplois des amants, des maîtresses »
Même réaction de la sénatrice LR Catherine Procaccia : « Qu’on interdise les emplois des amants, des maîtresses, des cousins issus du troisième degré… La famille n’a plus le droit de faire quoi que ce soit ».
Isabelle Debré, vice-présidente LR du Sénat et filloniste, ne souhaite pas non plus faire évoluer le règlement. « C’est de l’argent public, ce n’est pas comme dans le privé », reconnaît-elle, mais elle ne « pense pas qu’il faille interdire cette pratique ».
« Quand on est élu, je pense qu’on ne peut pas avoir sa femme, son mari, comme salarié »
Quant à Didier Guillaume, président du groupe PS et directeur de campagne de Manuel Valls, il dit avoir « toujours été opposé à cela. Quand on est élu, par l’exemplarité, la clarté, je pense qu’on ne peut pas avoir sa femme, son mari, comme salarié » a-t-il affirmé jeudi matin dans Territoires d’Infos sur Public Sénat et Sud Radio, sans explicitement dire qu’il est pour l’interdiction. Regardez :
Si beaucoup de sénateurs ne semblent pas vouloir changer les règles, d’autres sont cependant prêts à revoir les conditions d’embauche de leurs assistants. C’est le cas du sénateur EELV André Gattolin.
Il explique pourquoi : « Je suis résolument hostile à ce qu’on emploie des gens de sa famille comme collaborateur parlementaire même si le travail est effectif. Ça crée une confusion dans l’esprit des choses. Moi, j’ai ma femme qui est au chômage. Souvent elle m’aide, elle lit des choses pour moi, j’aurais très bien pu dire je l’embauche. Et bien je m’interdis cette chose là. C’est une question d’éthique personnelle. (…) Ce n’est pas parce que quelqu’un est proche de vous, qu’il est nécessairement meilleur. (…) Il faut s’empêcher d’avoir des interférences entre la vie privée et la vie publique » selon le sénateur écolo des Hauts-de-Seine. Regardez :
« Il faut aller dans ce sens, entendre les demandes de la société »
Eliane Assassi, présidente du groupe communiste, est aussi « tout à fait favorable » à l’interdiction. « Il faut un certain niveau d’éthique en politique. C’est de l’argent public, il faut faire attention à son utilisation ». Pour le sénateur EELV Ronan Dantec, « il faut aller dans ce sens, entendre les demandes de la société ». Son collègue LR Alain Gournac souhaite « faire comme le Parlement européen », qui interdit déjà l’emploi d’un membre de sa famille.
Pour la sénatrice Sophie Primas, soutien de longue de date de François Fillon, « c’est toujours compliqué. A partir du moment où on embauche des gens qui ont une valeur professionnelle, c’est difficile de les priver d’une opportunité. En même temps, je comprends la demande sociétale qui est de ne pas mélanger les genres. (…) Je ne serais pas choquée si les règlements des assemblées stipulent qu’on ne doit pas avoir de lien de parenté » avec ses collaborateurs. Mais Sophie Primas ajoute : « On ne lavera jamais assez blanc pour tout le monde. Ça ne suffit jamais ».