Face aux nouvelles accusations de violences policières, l’exécutif infléchit son discours
Face à de nouvelles accusations de violences policières, le gouvernement a décidé d'infléchir sa rhétorique en appelant les forces de l'ordre à ...
Par Gregory DANEL
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Face à de nouvelles accusations de violences policières, le gouvernement a décidé d'infléchir sa rhétorique en appelant les forces de l'ordre à "l'exemplarité" avec un "usage juste et proportionné de la force".
Deux jours après avoir déjà rappelé les forces de l'ordre à leur professionnalisme et à leur déontologie, devant un panel de citoyens, Christophe Castaner a enfoncé lundi le clou en consacrant une bonne partie de ses vœux à la Police nationale au devoir "d'exemplarité" et à "l'éthique", à l'école nationale supérieure des officiers de police (Ensop) de Cannes-Ecluse (Seine-et-Marne).
"L'usage juste et proportionné de la force est ce qui sépare la démocratie de l'arbitraire, ce qui distingue l'ordre et la brutalité, c'est le fondement, aussi, de notre confiance avec les Français", a fait valoir le ministre de l'Intérieur tout en célébrant par ailleurs l'engagement quotidien des policiers, endeuillés lundi par le décès d'un des leurs, renversé dans la nuit de vendredi à samedi par un malfaiteur près de Lyon.
"C'est l'honneur de la police qui est en jeu, on ne fait pas de croche-pied à l'éthique, sauf à s'abaisser, à abaisser la police", a complété le ministre, une référence explicite à une vidéo montrant un policier faisant un croche-pied à une manifestante à Toulouse.
Christophe Castaner a également souligné l'obligation pour les policier de porter leur numéro d'identification, dit RIO.
Des "gilets jaunes" défilent à Valencienne le 23 novembre 2019 contre les violences policières
AFP/Archives
"Le ministre a toujours tenu un discours équilibré sur la question de l'usage de la force, même si son propos a parfois été caricaturé", assure son entourage. "Samedi dernier et ce matin encore, il a voulu mettre l'accent sur l'exigence d'exemplarité après plusieurs interventions litigieuses".
Les images du croche-pied, comme d'autres captées lors des récentes manifestations contre la réforme des retraites ont pour certaines ont donné lieu à l'ouverture d'enquêtes judiciaires. Et provoqué une nouvelle vague d'accusations contre les violences policières, un terme réfuté depuis plus d'un an par l'exécutif et le début de la contestation des "gilets jaunes".
- Mort lors d'une interpellation -
En ce début d'année, elles s'ajoutent à la mort d'un père de famille de 42 ans travaillant comme livreur, le 3 janvier, victime d'une asphyxie avec une fracture du larynx, aux abords de la Tour Eiffel après avoir été plaqué au sol, casque sur la tête, par plusieurs policiers lors d'un contrôle routier houleux. Sa famille sera reçue mardi midi par le ministre.
Une femme tient une photo de Steve Maia Caniço lors d'un rassemblement à sa mémoire à Nantes le 3 août 2019
AFP/Archives
Ces nouveaux cas viennent renforcer l'argumentaire de manifestants, militants, partis politiques d'opposition et défenseurs des libertés publiques qui, dans le sillage du mouvement "gilets jaunes", dénoncent l'omerta et l'inaction du gouvernement sur les "violences policières".
Outre le décompte réalisé par le journaliste David Dufresne depuis le début du mouvement "gilets jaunes" de 24 personnes éborgnées, deux personnes sont mortes en marge d'épisodes de maintien de l'ordre controversées ces derniers mois, Zineb Redouane à Marseille, le 1er décembre 2018 et Steve Caniço, lors de la fête de la musique à Nantes.
Dimanche soir, Edouard Philippe, tout en affichant sa "solidarité" et sa "confiance" aux forces de l'ordre, a lui aussi rappelé que lorsqu'il est "fait un usage disproportionné (de la force), alors il doit y avoir enquête, et sanction le cas échéant."
"Soit c'est le début d'un changement de cap, car la réalité des faits accule le gouvernement dans une posture de moins en moins soutenable. Soit il s'achète une tranquillité médiatique à petit prix", estime le chercheur Sébastian Roché, spécialiste de la police et réputé critique de la stratégie de maintien de l'ordre.
En août, Emmanuel Macron avait déjà évoqué les "blessures inacceptables" de certains manifestants.
Le directeur général de la police nationale (DGPN) Eric Morvan, le 10 janvier 2019 à Châtel-Saint-Germain
AFP/Archives
Alors qu'il doit prochainement passer la main, le directeur général de la police nationale (DGPN) Eric Morvan s'est lui aussi fendu d'un avertissement à ses troupes lors des vœux de ce lundi.
"Je suis inquiet de l'affaiblissement de l'image de la police nationale qui s'installe à la faveur des opérations de maintien de l'ordre", a-t-il déclaré.
"Le maintien de l'ordre ne produit jamais de belles images même quand il est conduit avec une extrême rigueur mais (...) il est plus que jamais indispensable de ne jamais trahir la doctrine", a-t-il souligné, au risque selon lui, d'être "entrainé dans un cercle vicieux".
"La lettre de Maurice Grimaud n'a jamais été aussi actuelle", a-t-il averti en référence à la missive envoyée par l'ex-préfet de police de Paris aux policiers en 1968, restée célèbre par la phrase: "Frapper un manifestant tombé à terre, c'est se frapper soi-même".
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