Face à « l’exaspération fiscale », Philippe esquisse une sortie du grand débat
Baisses d'impôts face à une "immense exaspération fiscale", besoin de "lien quotidien", d'une démocratie plus "délibérative" et de répondre à l'...
Par Marc PRÉEL, Gaëlle GEOFFROY
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Baisses d'impôts face à une "immense exaspération fiscale", besoin de "lien quotidien", d'une démocratie plus "délibérative" et de répondre à l'"urgence climatique": Édouard Philippe a esquissé lundi son chemin de sortie de la crise des "gilets jaunes" lors de la présentation du bilan du grand débat national.
A quelques jours des premières annonces du président Macron, attendues mi-avril, il s'agit de répondre à "un immense besoin de justice et d'équité" des Français, a estimé le chef du gouvernement.
Face à une également immense "exaspération fiscale", le gouvernement doit "baisser plus vite les impôts", a insisté le Premier ministre, pour qui les mois de consultations ont confirmé une "tolérance fiscale zéro". "Nous devons baisser, et baisser plus vite, les impôts", a-t-il estimé, sous la verrière du Grand Palais.
"Il y a une exigence très forte à la fois de baisse des prélèvements obligatoires et de la pression fiscale, mais aussi une demande très forte de diminution des dépenses publiques, avec parfois des injonctions contradictoires", a insisté en fin de journée sur franceinfo la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye.
Les documents de synthèse du grand débat consultés par l'AFP font état d'une demande forte de baisse des impôts. En revanche, les dépenses publiques à réduire restent plus imprécises. Les trois quarts des contributions évoquent une "réduction du train de vie de l'Etat" et la lutte contre le gaspillage d'argent public.
Avant de s'adresser au Parlement mardi et mercredi, et à quelques jours des premiers arbitrages du président Macron, le Premier ministre a laissé entrevoir des décisions fortes.
"Nous sommes parvenus à une situation où hésiter serait pire qu'une erreur, ce serait une faute. Le besoin de changement est si radical que tout conservatisme, toute frilosité serait à mes yeux impardonnable", a affirmé M. Philippe devant près de la moitié du gouvernement, les cinq "garants" du grand débat ainsi que des maires ou encore des partenaires sociaux.
Edouard Philippe entouré d'Emmanuelle Wargon et Sébastien Lecornu, le 8 avril 2019 à Paris
AFP
"Le président l'a dit, nous ne pourrons plus gouverner comme avant", a déclaré le Premier ministre, évoquant le besoin d'"une démocratie plus délibérative". Il a évoqué la "défiance" à l'encontre des élus et un "profond malaise" dans la société française, fait d'"isolement", d'"abandon", d'"indifférence" et de "manque de considération".
Quant à l'écologie, les Français sont prêts à faire évoluer leurs comportements face à l'"urgence climatique", mais "ne veulent plus que des taxes leur dictent ce qu'ils doivent faire", a-t-il jugé.
- "Bonne foi" -
Sur les controversés 80 km/h sur les routes secondaires, il s'est dit prêt à "composer", sans pour autant se "résigner à abandonner cette ambition en matière de sécurité routière".
La restitution officielle du grand débat, le 8 avril 2019 au Grand palais
AFP
A gauche, on accuse le Premier ministre d'avoir livré une analyse orientée et de préparer en réalité une accélération, plutôt qu'une correction, des réformes menées depuis le début du quinquennat.
"Non seulement la politique qu’il (Édouard Philippe) conduit ne changera pas de direction, mais pire encore, elle sera amplifiée", a dénoncé Génération.s, le mouvement de l'ex-candidat socialiste à la présidentielle, Benoît Hamon.
"Les Français n’ont pas une +tolérance fiscale zéro+: ils ont une +tolérance privilèges zéro+!", a critiqué le député LFI Éric Coquerel, réclamant de nouveau le rétablissement de l'ISF.
"Ça fait cinq mois que ça blablate", a critiqué à droite l'eurodéputée Nadine Morano, estimant que le gouvernement aurait "mieux fait de lire le programme des Républicains où on demande la réindexation des retraites" sur l'inflation.
Face aux accusations de biais, "toutes les analyses" sont mises en ligne pour assurer la transparence des conclusions, a souligné lundi la secrétaire d’État Emmanuelle Wargon, chargée de l'organisation du débat.
Plus de 1,5 million de personnes ont participé directement au grand débat d'après les comptages officiels: un tiers via le site dédié, un tiers dans les quelque 10.000 réunions locales, un tiers dans les 16.000 cahiers de doléances ou par courrier libre.
- "Eau tiède" -
Emmanuel Macron, dont la prise de parole est attendue autour de la semaine prochaine, s'est engagé à répondre sans "reniement" ni "entêtement" aux souhaits des Français, un "en même temps" qui maintient le flou.
"Si c'était de l'eau tiède, ce serait un échec", a commenté François Bayrou, patron du MoDem et allié de la majorité, tout en disant avoir "la certitude" que ce n'est pas le but du chef de l'Etat.
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