Arrangement entre camarades ou vraie rupture ? Le député du Nord Fabien Roussel a été choisi mardi soir pour succéder à Pierre Laurent à la tête du Parti communiste, un peu plus d'un mois après un vote inédit qui a mis la direction en minorité.
Ce choix de la commission des candidatures du PCF doit encore être entériné dimanche à midi, à l'occasion du 38e Congrès du parti à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Le sénateur de Paris prendra lui la tête du Conseil national (le parlement du parti). L'ancien journaliste âgé de 61 ans avait pris en main en 2010 les destinées du Parti communiste, qui peine aujourd'hui à exister dans le paysage politique, concurrencé par La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon.
M. Laurent avait lui-même ouvert la porte lundi à cette solution de compromis en faisant savoir qu'il était prêt à laisser la place de numéro un à M. Roussel, à condition de se voir attribuer une place éminente.
Fait inédit pour le Parti communiste, sa direction a été désavouée début octobre lors d'un vote des adhérents. Le texte du secrétaire national Pierre Laurent a, avec 37,9% des voix, été battu par "le Manifeste pour un PCF du XXIe siècle" (42,1%), porté notamment par le patron des députés communistes André Chassaigne et par Fabien Roussel.
Âgé de 49 ans, M. Roussel a été élu député de la 20e circonscription du Nord en juin. Lui aussi ancien journaliste, il incarne au PCF une ligne "identitaire", affirmant haut et fort la volonté du parti de sortir de l'ombre de la France insoumise pour exister de manière autonome dans le débat public.
- "Petits arrangements au sommet" -
Ses partisans critiquent notamment le choix de Pierre Laurent de ne pas présenter de candidat PCF lors des deux dernières élections présidentielles, pour soutenir Jean-Luc Mélenchon.
M. Roussel a reçu dimanche le soutien du maire adjoint d'Anne Hidalgo, Ian Brossat, chef de file du PCF aux européennes.
Depuis le coup de tonnerre d'octobre, les discussions sont allés bon train entre les partisans des deux textes, afin d'éviter d'en passer par un vote fratricide.
"Je sais que les communistes ne veulent ni de la division, ni de la victoire des uns sur les autres. J'ai consulté. J'ai beaucoup parlé avec Fabien Roussel. Tout le monde souhaite qu'une liste unique soit construite demain (mardi) par notre commission des candidatures", a reconnu Pierre Laurent lundi.
Le compromis entre les deux hommes a été vivement critiqué par la députée des Hauts-de-Seine Elsa Faucillon, signataire d'un troisième texte intitulé "Pour un printemps du communisme" (11,9% des voix), favorable à un rapprochement avec la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon.
"On est sur de petits arrangements au sommet. C’est du grand n'importe quoi, une tragicomédie", a-t-elle affirmé au Monde, en se montrant peu encline à participer à la future direction.
"Mon souhait, c'est qu'Elsa Faucillon participe à la direction. Il n'y a que ça qui m'anime, qu'on travaille tous ensemble", a réagi M. Roussel. Le député a affirmé mardi soir à l'AFP que des "camarades signataires du texte de Mme Faucillon (avaient été) proposés" pour rejoindre la future direction. La liste des dirigeants peut encore évoluer d'ici à dimanche.
Sous couvert d'affirmation identitaire, certains à gauche soupçonnent le PCF de tourner le dos à la France insoumise pour mieux discuter avec les socialistes. "Que font-ils à part préparer un accord avec le PS pour les municipales ?", se demande un député LFI qui a requis l'anonymat.
"Il n'y a pas plus +stal+ que le PCF du Nord. Mais ils discutent avec le PS", s'amuse de son côté un ténor socialiste.
"On ne tourne le dos à personne, on va désormais se faire respecter, c'est tout à fait différent", répond un cadre communiste.