En tant que magistrat pénaliste, Philippe Courroye estime que les mesures prévues dans la réforme de la justice concernant l’exécution des peines vont « dans le bon sens », l’objectif étant de faire en sorte qu’une peine de prison inférieure à six mois soit mise à exécution immédiatement après qu’elle a été prononcée.
L’avocat général auprès de la Cour d’appel de Paris est « plus réservé » sur l’expérimentation d’un tribunal criminel à la place des assises souhaitée par le gouvernement pour les crimes punis jusqu’à vingt ans de prison. Ceux-ci seront jugés par des magistrats et non plus par des jurés, mettant ainsi à mal, de l’avis de Philippe Courroye, « la rencontre entre les citoyens et la justice ». « Les jurés sortent transformés d’une affaire », explique-t-il.
Si le magistrat n’est pas certain que la réforme permette de « raccourcir les délais de procédures et d’amoindrir les coûts de la justice », il regrette toutefois les journées « justice morte » organisées par les principaux syndicats de magistrats et certains greffiers et avocats : « On est dans un pays où, dès qu’on propose une réforme, on se mobilise. Il y a un tropisme vers le conformisme qui n’est pas forcément une bonne chose. »
« Rétablir un certain nombre de vérités »
Quelques jours après la publication de son livre « Reste la justice… », Philippe Courroye est également revenu sur certaines affaires qui ont marqué l’actualité des dernières années. Avec cet ouvrage, il a souhaité « rétablir un certain nombre de vérités par rapport à des mensonges, des contre-vérités ». L’affaire Bettencourt, dont il a diligenté les poursuites, en a été un exemple : « On a dit que le parquet de Nanterre avait mis la poussière sous le tapis, ce qui est un énorme mensonge (…) On a transformé cette affaire en machine de guerre politique (…) C’était une entreprise de démolition. » Le magistrat avait été accusé d’une certaine proximité avec Nicolas Sarkozy : « J’ai été associé à lui, dès mon arrivée en 2007. Cela part d’un journaliste du Monde qui m’a demandé si je connaissais le président du Conseil général des Hauts-de-Seine, candidat à la présidentielle. J’ai dit la vérité : oui je le connais. À partir de ce moment-là, je suis devenu le séide de Sarkozy. Et comme il était resté dans la magistrature, il y a eu un amalgame. » Et d’ajouter : « Je n’ai pas eu de lien avec Sarkozy, j’ai rencontré Hollande aussi dans les années 2000 ça n’a dérangé personne. »
Il estime que, comme lui, Fabrice Burgaud, qui fut le juge d’instruction de l’affaire Outreau, « a été un peu chargé de tous les péchés de ce Tchernobyl judiciaire » : « Les autres magistrats sont passés inaperçus. Il a canalisé sur lui les péchés de l’institution et c’était un peu injuste. »