Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Européennes: le centre-droit affirme ses volontés d’indépendance
Par Paul AUBRIAT
Publié le
Quasiment acquise il y a six mois, l'idée d'une liste centrale europhile autour de la majorité pour les élections européennes est désormais contrariée par des ambitions d'indépendance de plusieurs partis de centre-droit, qui espèrent gagner en visibilité et se démarquer d'un exécutif à l'image écornée.
"La situation politique d'aujourd'hui est différente d'il y a six mois", fait valoir la députée Agnès Firmin-Le Bodo, l'une des cadres du parti Agir qui regroupe des ex-LR, en faisant référence autant à l'affaire Benalla qu'aux résultats économiques en demi-teinte ou à la baisse de popularité de l'exécutif.
Dès lors, l'hypothèse d'une liste indépendante de "la droite pro-européenne" est désormais "sérieuse", confirme Franck Riester, la patron du parti, "mais aucune autre n'est fermée".
Destiné à affirmer un européisme fort face aux replis populistes, notamment incarnés par Marine Le Pen, le projet de vaste coalition du centre-gauche au centre-droit semble désormais menacé.
Jean-Pierre Raffarin, jusqu'alors considéré comme l'un de ses fervents partisans, avait déjà instillé le doute la semaine dernière, en évoquant l'hypothèse de "l'affirmation d'une entité spécifique par la formation d'une liste".
Mardi, le président des Centristes, Hervé Morin, a renchéri en plaidant pour "une troisième alternative" entre les listes Macron et Wauquiez, "celle de la droite modérée", en citant Valérie Pécresse, Xavier Bertrand ou Christian Estrosi.
Dès juin, le patron de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, avait lui aussi annoncé songer à faire cavalier seul, en précisant qu'il prendrait sa décision en janvier 2019.
Idem au Mouvement radical (MR), fusion du PRG et des radicaux valoisiens, traversé par les mêmes doutes: certains de ses cadres militent aujourd'hui pour une liste estampillée de leur seul nom, notamment "pour gagner en notoriété", font-ils le pari.
- "Faire monter les enchères" -
Mais à un hypothétique coup d'éclat, les partisans de la grande liste commune mettent en garde: "Il y a peut-être un vrai risque des populistes", lors des prochaines européennes, craint le co-président du MR, Laurent Hénart.
"Compte tenu de la situation en Europe, le seul chemin possible est le rassemblement des progressistes", théorise également le député macroniste Pieyre-Alexandre Anglade, selon qui "la division ne mènera qu'à faire progresser les anti-européens en France."
Outre le risque de dilution des candidats pro-Européens dans une multiplication des listes, la difficulté est également programmatique: au-delà du socle de "relance de l'Union européenne" cher à Emmanuel Macron, dont il avait dessiné les contours lors de son discours de la Sorbonne l'année dernière, les chapelles centristes formulent des proposition parfois antagonistes.
Farouchement fédéralistes, les Radicaux et l'UDI, proches des centristes européens de l'ALDE, appellent à davantage d'Europe - "ce que dit Macron aujourd'hui, c'est seulement 30% de ce qu'il faut faire", martèle Jean-Christophe Lagarde - , quand Agir, qui a adhéré au parti de droite européen PPE, se montre autrement plus prudent: "La confédération que prône l'UDI est un point de divergence avec nous qui est, pour nous, important", relève Agnès Firmin-Le Bodo.
Fidèle partenaire de la majorité, le MoDem de François Bayrou milite pour sa part toujours pour la grande liste d'union.
Le casse-tête illustre l'éclatement du centre, toujours plus atomisé depuis l'élection d'Emmanuel Macron, et jusqu'alors incapable de recomposition.
"L'option des deux listes (pro-Europe) ne me semble pas une alternative crédible, ça me semble illusoire", souffle un cadre LREM, qui fait état de "discussions informelles existant au niveau des états-majors" et "de négociations plus directes à l'automne", en faisant remarquer que nombre d'entre eux sont des très proches d'Édouard Philippe.
D'aucuns s'interrogent en outre sur le rôle d'Alain Juppé, partisan déclaré d'une grande liste centrale à l'automne dernier mais qui, selon Agnès Firmin-Le Bodo, a encouragé les troupes d'Agir "à ne pas s'interdire d'y aller tout seul" - le maire de Bordeaux doit par ailleurs réunir ses troupes dans son fief pour un grand raout début septembre.
Un député LREM résume: "Je ne vois même pas comment ils auraient la faculté de monter cette deuxième liste. Après, si certains veulent faire monter les enchères..."