Participer à l'élaboration des programmes, impliquer les adhérents, faire remonter les revendications et débattre... À trois mois des élections européennes, plusieurs partis lancent leurs "Civic Tech", ces outils numériques qui tentent de les rapprocher des citoyens.
Les "Civic Tech", un concept importé des Etats-Unis, regroupent "l'ensemble des outils numériques qui peuvent contribuer à la participation du citoyen dans la vie politique", explique la chercheuse Tatiana de Feraudy, doctorante à Paris 1 : outils de pétition en ligne, applications de signalement, ou encore plateformes participatives comme celle du grand débat national, qui frise désormais les 900.000 contributions.
Trois plateformes de partis sont nées depuis début 2019 : "L'atelier des idées" de La République en marche, l'"Agoradem" du MoDem et la "Place aux idées" de Place Publique, sans compter "Le vrai débat" lancé en janvier par un groupe de "gilets jaunes" pour contrer le grand débat national. Le PS avait posté dès l'été dernier sa "Ruche socialiste" ouverte à tous.
Sur ces différentes plateformes tout le monde peut soumettre une idée, enrichir celles des autres ou donner son avis sur une proposition finie. Les contributions sont ensuite synthétisées puis viennent enrichir les propositions du mouvement.
Actuellement le Rassemblement national et Les Républicains ne proposent pas ce type de plateforme ouverte au public sur leur site internet. Aucune trace non plus chez La France insoumise qui utilise cependant régulièrement son site internet pour élaborer avec "les signataires" du mouvement leur programme, notamment lors de la dernière élection présidentielle.
- "Prendre le pouls" -
Pour Sarah El Hairy, porte-parole du MoDem, les Civic Tech répondent avant tout au problème de proximité auquel sont confrontés les partis politiques : "Agoradem fait participer des gens qui ne viennent pas aux réunions de section, et fait débattre ensemble des personnes qui ne sont pas sur la même partie du territoire".
Au total, ajoute-t-elle, "le débat est finalement plus complet et le parti se nourrit de ces idées pour ne jamais arrêter de réfléchir".
Pour Aurore Bergé, porte-parole de LREM, les plateformes permettent de "prendre le pouls des adhérents" et d'être "en avance sur un certain nombre de sujets et d'idées". Selon elle, les Civic Tech sont aujourd'hui incontournables, "dans une logique de délibération permanente et d'horizontalité qui correspond à notre époque".
Corinne Narassiguin, numéro deux du PS, estime que "les citoyens ont besoin de s'engager différemment" et que "La Ruche socialiste" agit comme un "outil numérique de participation démocratique qui permet de faire mieux vivre le débat".
- Les Civic Tech sous les projecteurs -
"Avec le grand débat, on arrive en pleine lumière", se félicite Cyril Lage, cofondateur de la start-up Cap collectif, leader des Civic Tech en France et qui a développé, entre autres, la plateforme du grand débat en ligne. Les ventes de Cap Collectif augmentent de 80% par an depuis 2014.
Alors que de nouvelles Civic Tech émergent chaque mois, à l'instar de Cogito, un "réseau social politique" lancé le 13 février, d'autres prennent plus d'importance, comme Acropolis. Ce site décrypte l'actualité politique et organisé le "grand débathon" le 19 février, où dix ministres se sont succédé pour débattre en direct sur la plateforme Twitch.
Les Civic Tech séduisent aussi les collectivités locales. Certaines en sont déjà dotées, comme la Mairie de Paris, la région Ile-de-France et la région Bourgogne Franche-Comté, mais aussi les villes de Lille, Biarritz ou encore Nantes métropole.
"À l'avenir, il devrait y avoir plus de Civic Tech, c'est inéluctable. On va dans le sens de l'histoire", estime le cofondateur du Cap Collectif. En attendant, il devrait proposer bientôt une plateforme "candidat et citoyen" spécifiquement dédiée aux candidats aux municipales de 2020 souhaitant un site participatif.