La Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, tenait une table ronde, mercredi, sur la perspective d’inscrire dans la Constitution les enjeux climatiques et environnementaux, à l’occasion de la révision Constitutionnelle actuellement examinée par l’Assemblée nationale. Quatre experts, avocat, chercheurs ou professeurs, ont livré leurs avis, parfois divergents, sur un tel ajout.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a inséré au niveau de l’article 1, dans le projet de réforme constitutionnelle, la formulation suivante : « Elle [la République] agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques ». Michel Prieur, professeur émérite à l'université de Limoges, président du Centre international de droit comparé de l'environnement, y est favorable, pour trois raisons. Pour une raison scientifique, puisque, dit-il, le monde fait face à une « accélération de la crise climatique et de la perte de la biodiversité », qu’il n’y avait pas il y a vingt ans. Mais également pour des raisons économiques et sociétales.
Le professeur constate la place, de plus en plus importante du souci de l’environnement, et « l’exigence » des Français en la matière, et chiffre ses arguments : « augmentation de produits bio de 21% en 2016, et augmentation croissante des jeunes agriculteurs qui se tournent vers l’agriculture biologique, avec une hausse de 40% en deux ans ».
Selon Michel Prieur, si l’Assemblée nationale souhaite inscrire le principe de l’environnement dans l’article 1 de la Constitution, ce serait pour « servir de modèle » en la matière. Cependant, il émet un bémol sur la formulation de l’Assemblée qu’il juge « juridiquement peut satisfaisante ». Selon lui, le terme « agit » n’a pas « grand sens juridique », alors que « garantit », ou encore « assure » ont une connotation « plus forte ».
Environnement : une exigence constitutionnelle ? , Prieur
« C’est une fake news »
Pour Didier Maus, professeur de droit constitutionnel, « il n’y a pas d’exigence constitutionnelle à modifier pour mener une politique de l’environnement plus forte, plus audacieuse », et « dire qu’il faudrait introduire l’environnement dans la Constitution est une fausse nouvelle, c’est une fake news », déclare-t-il avant de rappeler que « 26 lois sur le changement climatique ont été adoptées depuis 2005 » sans que cela ne pose d’obstacle constitutionnel. « L’article 1er aujourd’hui fixe des principes, mais pas un objectif politique » affirme-t-il.
Pour Yann Aguila, conseiller d'État, avocat à la cour, « l’inscription du climat dans la Constitution est utile », puisqu’il y a « des jurisprudences qui attestent des difficultés de son absence », comme notamment la « décision sur la contribution carbone ». Avis rejoint par Dominique Bourg, professeur à l'université de Lausanne qui estime que cela permettrait de mettre une première pierre à l’édifice » dans la lutte contre le changement climatique.
Environnement : une exigence constitutionnelle ?
Article 1 ou charte de l’environnement ?
L’Assemblée nationale a fait le choix de ne pas modifier la charte de l’environnement, mais plutôt d’inscrire le principe de préservation de l’environnement dans l’article 1 de la Constitution. Certains estiment que la modification pourrait se faire plutôt dans la Charte de l’environnement, datant de 2005.
Didier Maus ne voit pas d’inconvénient à modifier un peu la charte de l’environnement : « On peut rajouter quelque chose sur les évolutions climatiques et les objectifs de la politique de la France en matière d’environnement et de biodiversité ». Yann Aguila, est quant à lui réservé pour y toucher : « Cette crise écologique n’est pas une crise comme les autres, elle met en case les modalités de survie de l’humanité, il ya une responsabilité du constituant » argumente-t-il. « Il s’honorerait en inscrivant dans l’article 1er le niveau élevé la protection du climat ».
Dominique Bourg est plus sceptique : « si on modifie un monument historique tous les dix ans, il n’en sera jamais un » déclare-t-il.
Environnement : une exigence constitutionnelle ?, Bourg
Yann Aguila lance également l’idée d’ajouter aux principes de la République la notion d’écologie. La République est indivisible, laïque, démocratique, sociale et écologique » énonce-t-il. « Ca ne me choque pas » commente Didier Maus.