Stop ou encore ? La révision constitutionnelle inscrivant la préservation de l’environnement à l’article 1 de la Constitution n’est officiellement pas enterrée. Une semaine après le vote non conforme du Sénat, le premier ministre Jean Castex a annoncé devant la Haute assemblée son intention de laisser la navette parlementaire se poursuivre. Prochain arrêt : le Palais Bourbon. Le projet de loi sera en effet inscrit à l’Assemblée nationale pour une seconde lecture.
« Nous n’allons pas renoncer à notre ambition »
« Nous n’allons pas renoncer à notre ambition. Nous allons donc faire cheminer le texte et saisir à nouveau l’Assemblée nationale, en espérant qu’elle puisse rétablir les intentions initiales du gouvernement. Et puis, nous aviserons », a affirmé le premier ministre lors des questions d’actualité au gouvernement, répondant à une question du président du groupe écologiste, Guillaume Gontard. Pour rappel, contrairement aux autres textes où les députés ont le dernier mot, une réforme constitutionnelle doit être adoptée dans les mêmes termes par les députés et les sénateurs. De plus, la navette parlementaire n’a pas de limite… Jusqu’à ce que le chef de l’Etat décide de siffler la fin de la récré, en cas de désaccord insurmontable.
Si la réforme ne repose que sur une seule phrase, le désaccord ne tient lui quasiment qu’à un seul mot, ou plutôt un verbe : garantir. Quand le texte du gouvernement dit que « la France garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique », la majorité sénatoriale de droite et du centre veut inscrire que la France « préserve l’environnement ainsi que la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement ». Un jeu de sémantique qui change pas mal de choses.
Castex « constate avec regret que le Sénat a abaissé l’ambition » du texte
Le rapporteur et président LR de la commission des lois, François-Noël Buffet avait expliqué vouloir « établir une articulation claire entre l’article 1er de la Constitution et la charte de l’Environnement ». Les sénateurs craignent aussi « une République des juges » et la multiplication des recours contre l’Etat qui aurait une « quasi-obligation de résultat » en matière de préservation de l’environnement.
Une réécriture que l’écologiste Guillaume Gontard « regrette vivement », car « sans portée normative ». « En laissant la maison brûler, (la majorité sénatoriale) a montré que l’héritage de Jacques Chirac était un lointain souvenir », attaque le président du groupe écologiste. « Comme vous, je regrette que le Sénat n’ait pas voté le texte » dans la version de l’Assemblée, a rebondi Jean Castex, qui « constate avec regret que le Sénat a abaissé cette ambition ».
Un référendum « éventuellement », dit Jean Castex qui n’exclut pas une ratification par « le Congrès »
Emmanuel Macron avait assuré que la réforme, issue des travaux de la Convention citoyenne sur le climat, « sera soumise à référendum ». Mais devant les sénateurs, Jean Castex s’est fait moins affirmatif et n’a pas écarté une réunion du Congrès, l’autre solution pour ratifier la réforme. « Le texte doit être voté en termes identiques par les deux assemblées, avant que le Président ne décide éventuellement d’un référendum, c’est une possibilité qui lui est offerte, comme celle de réunir le Congrès », lâche le premier ministre.
Avant même le vote des sénateurs, le JDD avait affirmé qu’Emmanuel Macron avait décidé d’enterrer le référendum, faute d’un accord avec les sénateurs. L’Elysée avait aussitôt démenti, assurant que la révision n’était « en rien enterrée », « la bataille n’est pas finie ». En réalité, il semble très difficile qu’un accord puisse être trouvé. Sur le plan politique, le Sénat de droite n’aurait pas intérêt à faire ce cadeau à Emmanuel Macron, à quelques mois de la présidentielle. Du côté de l’exécutif, inscrire le texte en seconde lecture permet officiellement de laisser vivre la réforme. Pour mieux renvoyer la responsabilité de l’échec sur les sénateurs, si le désaccord persiste avec le Sénat. Comme lors de la première réforme constitutionnelle, dont la navette n’a jamais démarré.