Entre Hamon et Macron, Valls souffle le chaud et le froid
Hamon ou Macron? Discret depuis sa défaite à la primaire socialiste, Manuel Valls a démenti des informations de presse sur son éventuel soutien...
Par Marc PRÉEL
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Hamon ou Macron? Discret depuis sa défaite à la primaire socialiste, Manuel Valls a démenti des informations de presse sur son éventuel soutien au fondateur d'En Marche!, sans pour autant parrainer le candidat PS.
L'ancien Premier ministre retrouve ses proches à huis clos mardi en début de soirée à l'Assemblée nationale, deux semaines après une première réunion similaire où il avait déjà fragilisé la candidature de Benoît Hamon en disant son "inquiétude" quant à l'accord du candidat socialiste avec les écologistes d'EELV.
Manuel Valls lui a porté un nouveau coup de griffe mardi matin. "Je ne peux pas apporter mon parrainage à Benoît Hamon", déclare le candidat battu de la primaire socialiste à Paris Match. Après le ralliement écologiste, "je ne pourrais pas assumer autant de contradictions", justifie-t-il à l'hebdomadaire.
Une position qui contraste avec celle à droite d'Alain Juppé, parrain de François Fillon malgré d'importants désaccords. Et ce choix suscité d'autant plus la consternation des hamonistes, que M. Valls, comme les autres candidats, s'était engagé à soutenir le vainqueur de la primaire.
"Même ses électeurs de la primaire (...) je pense que ce matin ils sont choqués qu'il ne veuille pas donner son parrainage à Benoît Hamon", a lancé Alexis Bachelay, député PS des Hauts-de-Seine.
"Je ne comprends pas ce que Valls fait", s'étonne un des rares soutiens de M. Hamon au gouvernement. "Il a intérêt à soutenir Hamon du bout des lèvres, tout en disant qu'il n'est pas d'accord sur le fond. La politique c'est dur mais ce n'est pas difficile: il faut faire des choses simples", grince-t-il.
Le leader du PS Jean-Christophe Cambadélis (c) avec Manuel Valls (g) et Benoît Hamon le 29 janvier 2017 à Paris après les primaires socialistes
AFP/Archives
Le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis a tenté de désamorcer la dispute en soulignant que Benoît Hamon avait déjà ses 500 parrainages et n'avait donc "pas besoin" de celui de son ancien patron au gouvernement.
Manuel Valls a en revanche démenti à l'AFP un article du Parisien affirmant qu'il allait appeler à voter pour Emmanuel Macron avant le premier tour.
- Des vallsistes "partagés" -
Mais l'information erronée masque les divergences au sein des vallsistes, divisés quant à l'attitude vis-à-vis de l'ancien ministre de l'Economie, nouveau favori des sondages.
Benoît Hamon et Manuel Valls après la publication des résultats du second tour de la primaire organisée par le PS, le 29 janvier 2017 à Paris
AFP/Archives
"C'est partagé chez les vallsistes", résume l'un d'entre eux, entre ceux qui défendent une posture légitimiste, même "silencieuse", en faveur de Benoît Hamon; ceux qui souhaitent un ralliement à Emmanuel Macron s'il parvient au second tour, et ceux qui poussent pour un soutien avant le premier tour du candidat d'En Marche!, plus conforme aux canons vallsistes.
Une dernière option pour M. Valls serait de n'annoncer un soutien à Emmanuel Macron que dans l'hypothèse où le candidat de la droite se rapprocherait dans les sondages, suggère le même. Car selon plusieurs de ses proches, Manuel Valls est convaincu que François Fillon "est le plus mauvais candidat" pour battre Marine Le Pen.
Lors de la réunion mardi soir à l'Assemblée, pour laquelle 200 à 300 soutiens sont attendus, "il va nous dire comme il voit le contexte politique, l'actualité, nous dire comment il voit le futur bien au-delà de la présidentielle et nous verrons ensemble ce qu'il y a de mieux à faire", a affirmé Olivier Dussopt, porte-parole de M. Valls durant la primaire socialiste.
Face à un entourage divisé, ce jeu d'équilibre entre Benoît Hamon et Emmanuel Macron risque toutefois de donner une image de confusion que M. Valls avait justement cherché à éviter en passant du temps sur sa terre natale espagnole, loin de la scène médiatique française.
"La situation est compliquée pour Valls. D'un côté il ne veut pas s'engager à fond pour Hamon, de l'autre, il veut garder ses distances avec Macron et ses ambiguïtés", résume un collaborateur vallsiste, pour qui il est "urgent d'attendre".
Un "+wait and see+" qu'on peut déceler chez d'anciens partisans de François Hollande, comme le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll, ou encore au sein des "réformateurs" de l'aile droite du PS.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.