Emmanuel Macron « sur le terrain », à la recherche du temps perdu

Emmanuel Macron « sur le terrain », à la recherche du temps perdu

Arrivé en tête du premier tour, le candidat est aussitôt reparti en campagne. Il compte multiplier les déplacements, comme à Denain, dans le Nord, où il s’est prêté au bain de foule. Emmanuel Macron s’est dit prêt à « compléter (son) projet », vantant la « transformation très sociale » qu’il porte. Il doit convaincre, alors que le second tour pourrait être très serré.
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« Le terrain, le terrain, le terrain ». En sortant de la réunion du bureau exécutif de La République En Marche, ce lundi midi, rue du Rocher, à Paris, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, résume la stratégie pour le second tour. Tout simplement faire campagne, en somme. A l’opposé de l’image renvoyée par Emmanuel Macron depuis sa déclaration de candidature.

Travaux pratiques

Au lendemain du premier tour, où le Président-candidat est arrivé en tête avec 27,8 % des voix, devant Marine Le Pen, Emmanuel Macron est passé aux travaux pratiques. Il est reparti aussitôt à la rencontre des électeurs, dans les Hauts de France, à Denain et à Lens. Un déplacement annoncé dimanche soir. « On l’a appris ce matin, à la dernière minute. J’ai cru que c’était une blague », confie un fonctionnaire de la commune, dirigée par la socialiste Anne-Lise Dufour-Tonini, qui a accompagné le chef de l’Etat.

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A la mi-journée, sous le soleil du Nord, Emmanuel Macron se lance dans un bain de foule prolongé au milieu des habitants et de quelques sympathisants. Sur les images diffusées aux médias, on voit le candidat interpellé sur tous les sujets. « Monsieur le Président, il faut mettre le paquet », lui lance un homme. Une femme lui parle de son fils « confiné à Shanghai (à cause du covid), il a du mal à avoir à manger. Essayez de faire quelque chose ». « On est fier, on est fier de vous » lui dit une femme âgée qui porte le voile. Un autre le « remercie pour le master en alternance en tant que CPE, un dispositif qui marche ». « Merci pour la bretelle » lance un autre. Il parle de l’échangeur autoroutier, pour lequel le candidat est déjà venu quand il était ministre. Autre scène de campagne, quand le candidat prend une petite fille dans les bras : « T’es belle comme tout. T’es Wonder Woman. Tu me fais un bisou ? »

« A l’hôpital de Denain, on est toujours à flux tendu. Les conditions de travail sont exécrables », alerte une habitante

Moins favorable, une femme sort de son portable une photo de son « ami éborgné ». « Je ne connais aucun policier, aucun gendarme, qui est arrivé pour être violent », lui rétorque le Président, qui a réponse à tout. Une autre l’interpelle sur la situation à l’hôpital de Denain (voir la première vidéo) : « C’est grave. Depuis l’arrivée de la nouvelle direction, il y a eu zéro titularisation. On est en train de paupériser ce service. […] Le Ségur n’a pas suffi. On est en manque de bras, on est toujours à flux tendu. Les conditions de travail sont exécrables ».

Un homme au survêt de l’OM engage la conversation : « Il y a des gens ici qui n’ont pas la carte pour faire partie de vos milieux. Il y a certaines personnes à Paris qui ne savent même pas que les gens ici, ils existent ». « Vous savez, moi je suis né à Amiens, je ne suis pas né dans les milieux parisiens », tente Emmanuel Macron.

« Je veux défendre la force sociale du projet que je porte », affirme Emmanuel Macron, qui a « eu des échanges par texto » avec Jean-Luc Mélenchon

Le candidat répond aussi à la presse. Alors que Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième avec 21,95 %, se retrouve en position d’arbitre, Emmanuel Macron envoie à nouveau un signe aux électeurs de gauche, comme il l’avait fait lors de son unique meeting d’avant premier tour. « Je veux défendre la force sociale du projet que je porte », lance le candidat, qui assure que son projet porte une « transformation très sociale, pour l’école, la santé ». Il défend sa réforme des retraites. Plutôt que le passage à 65 ans, il insiste sur l’indexation des pensions « dès cet été », la prise en compte « de la pénibilité ». Emmanuel Macron confie au passage qu’il a « eu des échanges par texto » avec Jean-Luc Mélenchon. Il parlera aussi « dans les prochaines heures à l’ensemble des candidates et candidats qui n’ont pas eu accès au second tour ». Il attaque au passage Marine Le Pen et son projet : « Qu’il soit apparu comme un projet de pouvoir d’achat, c’est juste de la fausse monnaie ». Un mot aussi pour les grands brûlés du scrutin : « Je constate que les deux grandes formations du champ républicain se sont effondrées, ce n’est pas ma responsabilité », dit sans rire Emmanuel Macron.

S’il n’avait rien mis sur la table de nouveau avant le premier tour, ce que regrettaient certains de ses proches soutiens, Emmanuel Macron ouvre la porte à de nouvelles propositions, sans dire encore lesquelles. « Le projet doit être enrichi », « sur des sujets comme l’écologie, le travail, il faut entendre aussi les voix ». Il se dit « prêt à discuter le rythme » des réformes. « Je ne peux pas faire comme si de rien n’était », avance Emmanuel Macron, qui veut « bâtir, intégrer une dynamique plus large ». Avant d’ajouter :

Je veux convaincre les gens de faire avec moi et peut-être de compléter mon projet.

En fin de journée, il est finalement revenu sur le totem de la réforme des retraites. « On ne peut pas dire le dimanche soir "je veux rassembler" et quand on va écouter les gens dire "je ne bouge pas". Les 65 ans ne sont pas un dogme », a-t-il souligné. « J'ouvre la porte très clairement » à un âge de départ à 64 ans, a-t-il assuré sur BFMTV. « Peut-être que s'il y a trop de tensions, il faut s'arrêter en 2027, et ne pas préempter la suite », afin de « faire un consensus ».

Eviter le « discours moralisateur » sur le vote d’extrême droite

Pendant que le candidat rattrape le temps perdu, au même moment, les dirigeants de la macronie sont donc rassemblés au siège de LREM pour un bureau exécutif élargi, avec plusieurs ministres présents autour de la table. Stanislas Guérini, délégué général d’En Marche, met en garde lors de son propos d’ouverture. « Il ne faut pas manquer de lucidité, pour ne pas voir que rien n’est joué. Une nouvelle campagne commence avec toutes les possibilités sur la table. Cela doit amener une mobilisation totale sur le terrain. Notre candidat y est, sur des territoires qui ne nous sont pas forcément favorables », soutient le numéro 1 de LREM, a appris publicsenat.fr de source interne. A Denain, Marine Le Pen est en effet arrivée largement en tête, à 41,67 %, contre 28,59 % à Jean-Luc Mélenchon et seulement 14,73 % pour Emmanuel Macron (voir notre carte interactive des résultats).

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Le parti présidentiel est face à la question de la stratégie à adopter pour contrer Marine Le Pen. « On doit avoir ce moment de confrontation mais je ne crois pas au discours moralisateur. On doit montrer la réalité des différences de projet », selon Stanislas Guérini. Devant l’entrée du QG, la ministre chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, ne dit pas autre chose : « On ne va pas rentrer dans un débat d’autorité, en disant qu’il y a les méchants et les gentils ». Tout simplement parce que ça ne marche plus. « Ça ne prend plus de l’attaquer sur les valeurs de l’extrême droite », constatait déjà la semaine dernière un proche d’Emmanuel Macron. « On ne peut pas la diaboliser », confirme ce lundi un responsable de la majorité.

« Il faut aller à la rencontre des Français, plutôt que faire des réunions dans l’entre-soi », met en garde François Patriat

S’il ne faut pas la diaboliser, il convient selon l’équipe de campagne de décortiquer ses propositions. « Il faut d’abord démontrer tous les dangers et inconséquences du programme de Marine Le Pen. Et mieux faire ce qu’on n’a pas fait jusqu’à présent : faire connaître notre programme », souligne à la sortie François Patriat, président du groupe RDPI (LREM) du Sénat. En insistant sur les mesures de gauche ? « Il faut parler à tous les Français, on ne va pas les segmenter », assure le sénateur de la Côte-d’Or, attitude pourtant devenue courante en politique. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, défend lui l’idée de faire « du social concret, du social faisable », avant d’ajouter : « Notre objectif n’est pas de pencher à gauche, ou de pencher à droite. Il est de pencher pour la France ».

Emmanuel Macron va en faire un peu le tour, dans les deux semaines qui le séparent du second tour. Un autre déplacement est déjà prévu ce mardi dans l’Est, à Mulhouse et Strasbourg, avant sûrement un meeting à Marseille samedi prochain, et « peut-être un ou deux autres », selon François Patriat (voir vidéo ci-dessous, images de Cécile Sixou et Sandra Cerqueira). Mais il prévient : « Si on fait un meeting par département, ça ne suffira pas. Il faut faire du porte à porte, du phoning, aller à la rencontre des Français, plutôt que faire des réunions dans l’entre-soi ». Une nouvelle campagne commence pour Emmanuel Macron.

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