La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
« Emmanuel Macron a découvert la ruralité à l’occasion du mouvement des gilets jaunes »
Par Public Sénat
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Rien de tel que la campagne pour battre campagne. Pardon, pour un déplacement présidentiel sur le thème de la ruralité, la jeunesse, les services publics et les déserts médicaux. Emmanuel Macron était ce lundi dans la Creuse, avant d’aller en Haute-Vienne ce mardi. Un jeune du lycée agricole d’Ahun lui a bien demandé s’il était candidat. « En temps voulu, j’annoncerai ma décision. Je vais continuer à me battre jusqu’au bout », a botté en touche le chef de l’Etat. Un vrai-faux suspense à l’intérêt limité, qui ne devrait plus durer très longtemps.
« Lui seul sait quand il se prononcera. A mon avis, je pense que la dernière semaine de février, la dernière dizaine, ce serait bien. J’espère que ce sera de façon très simple », imagine François Patriat, à la tête du groupe des sénateurs macronistes. « Où est l’urgence de déclarer sa candidature ? Il est maître des horloges », ajoute le sénateur LREM de la Côte-d’Or.
21 millions de Français résident dans plus de 30.000 communes rurales
A dix semaines du premier tour, le Président, à défaut encore d’un projet, peut dresser le bilan de son action pour la ruralité. Il est d’ailleurs accompagné des ministres de l’Agriculture Julien Denormandie, de la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault, ou encore du secrétaire d’État à la Ruralité, Joël Giraud. Quand on sait que 21 millions de Français résident dans plus de 30.000 communes rurales, ça fait aussi beaucoup d’électeurs… Pour Emmanuel Macron, décrit en « Président des villes » par l’opposition au début de son mandat, l’enjeu n’est pas mince.
« Il faut qu’on sorte collectivement des discours » négatifs, a plaidé Emmanuel Macron, rappelant au passage avoir consacré plus de 8,5 milliards d’euros au monde rural. « C’est plus loin, il y a plus de solitude, c’est moins bien connecté, il y a des problèmes de santé, il faut mettre le paquet pour le corriger, mais il y a des forces formidables », a lancé le chef de l’Etat.
« Efforts sans précédents pour la ruralité »
Outre les dispositifs de revalorisation « action cœur de villes », « petites villes de demain » ou la mise en place d’un « agenda rural », l’exécutif peut mettre en avant la création de 2.058 maisons France services et de 110 bus France services, dispositifs lancés après le grand débat et les gilets jaunes pour renforcer l’accès aux services publics. Côté santé, on peut évoquer la création des maisons de santé ou la fin du numerus clausus pour répondre au problème des déserts médicaux. Pour la couverture mobile et les zones blanches, « 1.227 nouveaux pylônes » ont été mis en service, selon le ministère de la Cohésion des territoires, depuis le « new deal mobile » de 2018.
Pour François Patriat, il n’y a pas débat : beaucoup a été fait. « Moi, j’habite un hameau de 18 habitants et un canton de 6.000 personnes. Depuis 4/5 ans, l’Etat nous a aidés à faire une maison de service public, à faire une maison médicale de santé, à installer la fibre, à augmenter les dotations de l’Etat, à faire la loi Egalim 2 pour les agriculteurs, etc. Ce sont », soutient le président du groupe RDPI. Côté santé, malgré « des efforts inédits », François Patriat reconnaît « qu’il y a bien sûr encore des déserts médicaux ».
« On voit un désengagement de l’Etat dans la plupart des départements »
Macron, président des villes ? « Ça fait partie des caricatures. Il s’est déplacé beaucoup dans les campagnes. Lors du grand débat, il est allé beaucoup dans les territoires ruraux », rappelle François Patriat. Mais pour Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire et agriculteur, l’image reste « largement vraie ».
« Franchement, le compte n’y est pas et il n’y a pas grand-chose de fait, sinon des attaques en règle contre la ruralité », épingle le sénateur LR. Il pointe d’abord « la suppression de la taxe d’habitation » et ses conséquences « pour les petites communes rurales », « la baisse des dotations pour les territoires ruraux ». Quant à France Services, Laurent Duplomb y voit avant tout « un désengagement de l’Etat. C’est à la charge des collectivités, sans transfert de compétences, ni de moyens ». « On voit un désengagement de l’Etat dans la plupart des départements », dénonce encore le sénateur LR, dont la candidate, Valérie Pécresse, veut cependant supprimer 150.000 postes de fonctionnaires. Selon Laurent Duplomb :
Quand on stigmatise celui qui fume des clopes et roule au diesel, qu’on stigmatise les maisons individuelles, la consommation du foncier en milieu rural ou les chaudières à gaz ou a fioul, on stigmatise la ruralité.
« De par son parcours, Emmanuel Macron ne connaît pas la France profonde »
« On est encore loin du compte », confirme le socialiste Franck Montaugé. « Des actions intéressantes, comme action cœur de ville, petites villes de demain, sont amenées à se développer », veut bien reconnaître le sénateur PS du Gers, « mais l’essentiel reste à faire pour la reconnaissance de la ruralité au plan national ».
Sur le rural, Emmanuel Macron serait parti avec un temps de retard. Avant un déclic, lors de l’occupation des ronds-points, fin 2018. « Le président de la République a découvert la ruralité à l’occasion du mouvement des gilets jaunes », lance Franck Montaugé. « De par son parcours, Emmanuel Macron ne connaît pas la France profonde. Ou ne la connaissait pas. Depuis, il s’est déplacé et s’est fait une culture de la ruralité, mais il a démarré très léger, en la négligeant », ajoute le sénateur PS.
« La ruralité et la ville sont complémentaires »
Françoise Gatel, présidente centriste de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales, partage l’analyse. « Ce n’est pas lui faire injure de dire que c’est un citadin. Il était entouré de cette génération start-up. Après, il y a eu la crise des gilets jaunes. Et des gens comme Jacqueline Gourault et Joël Giraud lui disent des choses. Il a sans doute découvert ça avec la crise des gilets jaunes, et avec quelqu’un qui a été un marqueur, Vanik Berberian, qui était président de l’Association des maires ruraux (décédé en 2021, ndlr), avec cette image qu’on aime beaucoup de la ruralité heureuse », souligne la sénatrice UDI d’Ille-et-Vilaine. La crise du covid-19 est aussi venue « montrer l’enjeu de l’efficacité de l’action publique jusqu’au dernier kilomètre », ajoute la présidente de la délégation. « Quand vous êtes loin d’une gare ou d’une autoroute, des jeunes sont un peu assignés à résidence, les personnes âgées aussi car elles sont face au manque de médecins et services, et les autres aussi, car le travail n’est pas toujours là », constate-t-elle.
A l’heure du bilan, Françoise Gatel dirait en définitive « peut mieux faire ». La centriste salue « l’agenda de la ruralité, les maisons France services », parlant même « d’une invention géniale ». Mais pour la sénatrice, il faut voir les choses de manière plus globale. « Il ne faut pas opposer ville et campagne, sinon on est morts », met en garde Françoise Gatel, « la ruralité et la ville sont complémentaires, il ne faut pas les opposer ». Les métropoles, « qui ont été conçues comme des locomotives, perçoivent qu’elles vont s’atrophier si elles ne travaillent pas avec l’arrière-pays ».
« La ruralité est très moderne »
Pour le socialiste Franck Montaugé, qui voit la question « de l’accès à la médecine générale en territoires ruraux comme un grand échec du quinquennat », « on ne peut pas se limiter à distribuer les chèques. Il faut s’inscrire dans une politique générale d’aménagement du territoire prenant en compte le logement, les transports, avec les routes, le rail et les lignes désaffectées à relancer, et le numérique ».
Autre problème, plus récent : « Une montée du foncier et du prix des loyers, avec l’installation de nouvelles personnes » venues des villes. Avec le covid, des urbains tentés de se mettre au vert sont en effet de plus en plus nombreux, ce qui n’est pas sans effets. « La ruralité est très moderne », constate Françoise Gatel. La centriste en est persuadée : « Pour la ruralité, on ne fait pas un geste de charité. Ce sont des territoires qui peuvent avoir de l’avenir ».