Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Emmanuel Macron à Calais : un discours ferme sur l’immigration
Par Héléna Berkaoui
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Le chef de l’État s’est déplacé à Calais et dans ses environs, ce mardi. Devant les forces de l’ordre, il a tenu un discours ferme sur la question migratoire. Un discours très attendu sur un sujet extrêmement sensible. Si les contestations au sein du groupe LREM se sont atténuées, comme s’en félicite Richard Ferrand, d’autres voix dissonantes se sont faites entendre. Pourtant proche du président de la République, l’économiste Jean Pisani-Ferry a étrillé sa politique migratoire. Dans une tribune cosignée dans Le Monde, il dénonce le « mépris du principe d’accueil inconditionnel. » Plusieurs associations, dont Médecins du Monde, ont boycotté la rencontre avec Emmanuel Macron prévue ce mardi.
Emmanuel Macron appelle « les associations à la responsabilité »
« Lorsque des associations encouragent ces femmes et ces hommes à rester là, à s’installer dans l’illégalité voire à passer clandestinement de l’autre côté de la frontière, elles prennent une responsabilité immense », tance Emmanuel Macron. Les mots sont durs et les accusations sont lourdes. La charge du président de la République ne risque pas d’apaiser le dialogue avec des associations, pour la plupart, vent debout contre sa politique migratoire. Hier encore, le Secours Catholique et l’Auberge des migrants ont porté plainte contre X pour « destruction et dégradation d’un bien appartenant à autrui » (voir le tweet ci-dessous). Rappelons qu'il y a quelques jours, la concertation entre le gouvernement et les principales associations avait été particulièrement houleuse (Lire notre article).
Emmanuel Macron a également fustigé les « commentateurs » coupables de propager des « contre-vérités. » En opposition, le chef de l’État a salué le « travail » des forces de l’ordre. « Un travail remarquable mais peu connu, parfois décrié, souvent caricaturé. Les approximations sur votre action à Calais, parfois les mensonges, souvent les manipulations ne visent au final qu’un seul but, mettre à mal la politique mise en œuvre par le gouvernement » a-t-il affirmé. Cette déclaration n’est pas sans rappeler la Une de L’Obs et les critiques formulées par les associations sur le comportement des forces de l’ordre.
Les forces de l’ordre doivent être « exemplaires », rappelle Macron
La question « des manquements » des officiers à Calais est particulièrement sensible. Plusieurs associations actives sur place dénoncent régulièrement des abus : utilisation disproportionnée de gaz lacrymogène, destruction de tentes etc. Un rapport commandé par Beauvau qualifiait de « plausibles », les « manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière » dénoncés par Human Rights Watch, en octobre dernier (Lire notre article).
« Votre mission est hors norme » et « je ne laisserai personne caricaturer votre travail », a assuré Emmanuel Macron aux officiers.
Dans un souci d’équilibre, le chef de l’État a appelé les forces de l’ordre à « l’exemplarité. » « Je ne peux pas laisser accréditer l'idée que les forces de l'ordre exercent des violences physiques ou confisquent les effets personnels » des migrants, a-t-il poursuivi. Emmanuel Macron a prévenu que si de tels faits étaient « prouvés », la « réaction sera proportionnelle à la confiance sans faille que nous plaçons en vous. »
« Il n’y aura aucune reconstitution de la jungle » de Calais, promet le président
Extrêmement ferme sur ce point, le président de la République a assuré qu’il « n’y aura aucune reconstruction de la jungle et aucune tolérance sur une occupation illégale du domaine public ou privé à Calais ou dans ses environs. » Une grande partie des campements de migrants dans cette zone a été démantelée il y a quinze mois. Emmanuel Macron a tenu à rappeler que Calais ne serait plus « une porte dérobée vers l’Angleterre. »
Mineurs isolés : des annonces à venir
La question des mineurs étrangers non accompagnés est un sujet cher aux départements qui sont en charge de la protection de l’enfance. Le nombre des mineurs isolés a presque doublé en un an, ce qui a entraîné un surcoût important pour l’aide sociale à l’enfance.
En novembre dernier, le Défenseur des droits réclamait « la consolidation des budgets et leur lisibilité » indispensables à la prise en charge de ces mineurs. Jacques Toubon interpellait également le gouvernement sur le fait que « certains jeunes se voient opposer un refus de prise en charge et d’évaluation sans justification » en dépit des obligations de non-refoulement (Lire notre article).
Ce mardi, le chef de l’État a annoncé « des réponses spécifiques dans les prochaines semaines. » Emmanuel Macron a tenu a rappelé qu’un « dispositif d’accueil spécifique a été mis en œuvre pour offrir à tous ceux qui le souhaitent un hébergement digne et un suivi social adapté. Sur l’ensemble de l’année 2017, un peu plus de 2.200 personnes étrangères se déclarant mineures ont été prises en charge à partir de Calais. »
« Protéger les uns » et « raccompagner les autres »
Le président de la République a clarifié quelques points autour du texte de loi Asile-immigration qui devrait être présenté en Conseil des ministres en février. Notre ligne est claire, à chacun nous devons un accueil digne et humain en particulier la mise à l’abri lorsque c’est nécessaire (…) Mais à ceux qui ne sont pas admis, après l’exercice des voies de recours qui leur sont ouvertes, nous devons faire en sorte qu’ils regagnent effectivement leur pays » résume-t-il.
« L’accueil inconditionnel ne veut pas dire l’accueil indifférencié », affirme Emmanuel Macron.
Pour ce qui est des annonces concrètes, le chef de l'État a annoncé la nomination d’un « délégué interministériel à l’accueil et à l’intégration des réfugiés », dès la semaine prochaine. Emmanuel Macron a également assuré que l’État prendrait désormais en charge « l’accès à la nourriture » pour les migrants. Aussi, une « prime exceptionnelle de résultat » sera donnée aux officiers affectés dans le Calaisie en 2018.
Le président de la République a terminé son discours en élargissant son propos à la zone européenne. « Nous vivons ici les incompétences, les incohérences de la politique européenne », a-t-il déclaré. Emmanuel Macron appelle à une harmonisation de la politique migratoire dans l’UE, notamment pour ce qui concerne les délais d’examen des demandes de séjour.