C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Ehpad : « Nous ne réalisons aucune marge sur les dotations publiques », assurent les dirigeants de Korian
Par Louis Dubar
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« Le livre pointe le système d’une entreprise », souligne Sophie Boissard. Pour la dirigeante du groupe Korian, il ne faut pas jeter l’opprobre sur tout un secteur. Elle dresse les défaillances du système Orpea : l’absence de dialogue social et un système managérial tourné vers la performance économique. Sophie Boissard défend les moyens et l’action éthique menée par son groupe pour lutter contre les dérives et la maltraitance des résidents. « On a une tradition de dialogue social très importante, avec des instances à tous les niveaux », affirme-t-elle. Korian dispose « d’une culture d’entreprise » tournée vers la bientraitance. « Ces métiers sont difficiles et délicats sur le plan humain et nécessitent une maturité émotionnelle assez forte. »
Une gestion financière transparente selon ses dirigeants
Dans son propos liminaire, elle a souhaité se prévenir de toute critique sur les pratiques financières de son groupe. « Nous ne réalisons aucune marge sur les dotations publiques versées au titre du soin et de la dépendance qui sont allouées à nos maisons de retraite en France. » « les dépenses réalisées ont été supérieures au financement alloué », précise la dirigeante. « La bonne utilisation de l’argent public est essentielle pour rétablir un climat de confiance », poursuit-elle.
A la question, Korian bénéficie-t-il du même système de rétrocession qu’Orpea ? Selon Victor Castanet, le groupe Orpea aurait négocié des prix au rabais à ses fournisseurs, mais continue de leur verser des sommes plus élevées, avant de se voir reverser la différence en fin d’année sous forme de RFA. La présidente du groupe joue la carte de la transparence : « Ce ne sont pas de contrats clandestins. » « Les achats sont réalisés à partir d’appel d’offres en fonction d’un cahier des charges. On établit avec les entreprises retenues une liste de prix. L’écart moyen constaté est de 20 % », commente la dirigeante. Les établissements passent directement commandes via un centre de référencement, « il n’y a aucune d’obligation. » Les directeurs des Ehpad ont la possibilité de bénéficier d’autres prestations en recourant à des fournisseurs locaux. « Les tarifs qui sont facturés aux établissements et donc les charges qui figurent dans les comptes qui sont rendus dans les états récapitulatifs des dépenses (ERD) aux ARS, correspondent au tarif négocié, c’est-à-dire avec les 20 % de remise. »
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Devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 9 mars 2022, l’ancien directeur général d’Orpea, Yves Le Masne estimait que la rentabilité économique de son groupe était équivalente à celle de Korian. Pout affirmer ce constat, le dirigeant s’était appuyé sur les résultats d’exploitation des deux entreprises. « Monsieur Le Masne est très gentil mais il parle de la marge de son groupe à l’échelle européenne », explique la présidente de Korian. « Si je regarde dans les documents publics d’Orpea, la marge sur le périmètre France des deux groupes n’est pas la même. En 2020, Korian a réalisé une marge opérationnelle avant loyer de 24,8 %. Orpea sur le même périmètre déclare une marge de 26,8 %. On retrouve systématiquement ces deux points d’écart les années précédentes. Je récuse l’analyse de Monsieur Le Masne. Factuellement, c’est inexact. »
Des missions de contrôle inexistantes
L’enquête du journaliste Victor Castanet interroge sur les missions de contrôle effectuées par les Agences régionales de santé. Les syndicats des corps d’inspection de santé publique avaient partagé avec les membres de la commission sénatoriale leur inquiétude sur la « marginalisation » des activités d’inspection dans les établissements médico-sociaux début mars. Interrogé par le rapporteur Bernard Bonne sur le nombre de contrôles réalisé dans les établissements du groupe Korian, Nicolas Merigot dévoile les chiffres : « En 2018, on a eu 13 contrôles pour toute la France, 10 en 2019, 7 en 2020 et 7 également en 2021. » « Il est extrêmement rare d’avoir des contrôleurs qui arrivent le matin avec leur lettre de mission à la main. » Le dirigeant dit « regretter » que ces activités d’inspection ne débouchent pas sur des rapports de clôture. « De 2018 à 2021, nous avons reçu un seul rapport », explique-t-il. Le groupe Korian comptabilise plus de 300 Ehpad en France.
Interrogée par la sénatrice de Loire-Atlantique Michelle Meunier sur l’enquête de la journaliste de Cash Investigation Marie Maurice dans l’un des établissements du groupe, Sophie Boissard temporise : « Madame Meurice s’est présentée au pied levé dans un établissement en grande difficulté avec une nouvelle vague Covid et le décès de la directrice de l’Ehpad. […] Elle a présenté un CV dans lequel elle indiquait qu’elle avait travaillé pendant trois ans comme auxiliaire de vie. Ce CV est un faux et donc vraiment cette pratique est indigne et dangereuse pour les résidents. » La journaliste à l’origine de cette investigation a été recrutée sans diplôme dans une maison de retraite. L’émission avait mis en lumière plusieurs défaillances dans le fonctionnement de l’établissement du groupe, notamment « dans le circuit du médicament et la traçabilité de l’administration. » La directrice générale assure aux membres de la commission qu’un audit interne a été effectué, des « sanctions ont été prises » après la diffusion de ce document et les informations communiquées à l’ARS. Une action collective à l’encontre du groupe Korian est en cours de préparation depuis février 2022 par l’avocate Sarah Saldmann. Ce recours regroupe plusieurs familles de résidents qui mettent en cause la gestion de l’entreprise. Pour le moment, aucune plainte n’a été déposée.
Nicolas Merigot assure du professionnalisme et des compétences du personnel des établissements du groupe Korian malgré les difficultés à trouver du personnel qualifié. « Nous vérifions tous les diplômes et il nous arrive de mettre fin à des périodes d’essai parce que les personnes tardent à communiquer leur diplôme », explique-t-il.