Écriture inclusive : êtes-vous partisan.e ?

Écriture inclusive : êtes-vous partisan.e ?

Au nom de l’égalité entre les sexes, devra-t-on écrire les professeur.e.s ? L’Académie française évoque un « péril mortel » pour la langue française et le ministre de l’Éducation juge que « c’est une façon d’abîmer notre langue. » Jean Birnbaum, directeur du « Monde des livres » et Jean-Marie Rouart, membre de l’Académie française en débattent dans On va plus loin.  
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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C’est un ouvrage destiné au CE2, édité par Hatier, qui a rallumé le débat courant septembre. Questionner le monde rédigé selon les règles de l’écriture inclusive a suscité la colère des pourfendeurs de cette écriture. L’écriture inclusive « n’est que l’aboutissement d’une dégradation de la langue française qui est épouvantable et qui dure depuis 50 ans » pour Jean-Marie Rouart, journaliste, écrivain et membre de l’Académie française. Sur le plateau d’On va plus loin, l’académicien s’oppose à la vision « plus nuancée » de Jean Birnbaum, directeur du « Monde des livres ». Lui salue le fait que ce débat amène à « une discussion sur ce que la langue charrie en termes de pouvoir (…) notamment par le pouvoir qu’on appelle la domination masculine. »

Qu’est-ce que l’écriture inclusive ?

« Le masculin l’emporte sur le féminin » c’est une règle de grammaire apprise par tous les élèves français. Une règle aujourd’hui remise en cause par les tenants de l’écriture inclusive qui prônent également la féminisation des métiers ou des titres. Certains plaident aussi pour le retrait de la majuscule de prestige à « Homme » ce qui reviendrait à parler de droits humains et non plus de droits de l’Homme. Si l’on suit les règles de l’écriture inclusive, il faudrait, pour évoquer un groupe de personnes, décliner les mots au féminin et au masculin. C’est ce qui s’appelle la double-flexion. Écrivez donc « les candidates et candidats à l’élection présidentielle » ou bien « les candidat.e.s à l’élection présidentielle ». Auteur d’un manuel d’écriture inclusive, Raphaël Haddad définit trois conventions « simples pour cesser d’invisibiliser les femmes » :

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Source : Mots clés

Ce manuel est inspiré par le guide pratique « Pour une communication publique sans stéréotype de sexe », publié par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en 2015. Par le passé, d’autres ont prôné une forme d’écriture inclusive. Dans les colonnes du Monde, Éliane Viennot, professeure émérite de littérature et historienne, rappelle l’entreprise de masculinisation de la langue française opérée en 1651 par le grammairien Scipion Dupleix « parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins. » Éliane Viennot rappelle également que le mot « autrice » a par exemple été employé en 1570 sans que cela ne pose problème. Sur Public Sénat, Jean Birnbaum rappelle, lui, que « Madame de Sévigné – au moment où l’Académie avait décidé que les superlatifs seraient mis au masculin c’est-à-dire qu’une femme ne dira plus "je suis la mieux" habillée mais "je suis le mieux habillée" – avait dit "j’aurais l’impression d’avoir une barbe si je dis « je suis le mieux habillée." »

L’écriture inclusive : Une hystérie féminine ?

Dans un communiqué publié le jeudi 27 octobre, l’Académie française met en garde contre « cette aberration inclusive » qui met la langue française en proie à « un péril mortel. » Les immortels considèrent que « la démultiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. » Sur le plateau d’On va plus loin, Jean-Marie Rouart, membre de l’Académie française renchérit. Selon lui, « on se sert de la langue française pour des combats qui n'ont rien à voir. » Le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, ainsi que la ministre de la Culture, se disent également défavorables à l’instauration de l’écriture inclusive. Sur un ton plus polémique, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles qualifie cette initiative d’« hystérie féministe. » Une formule qui fait dire au directeur du « Monde des livres », Jean Birnbaum, que ce débat révèle « l’hystérie masculine. » Selon lui, « poser ce débat, c’est poser la question de la société, de la  domination masculine. »

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