En janvier dernier, en pleine période de grand débat national, une fuite dans la presse de l’avant-projet de loi « pour une économie circulaire et pour une meilleure gestion des déchets » avait provoqué la colère des sénateurs, et poussé Brune Poirson à revoir sa copie. Composé de simplement 6 articles, la plupart transposaient simplement dans notre droit des directives européennes sur les déchets, les emballages, déchets d’emballages, et la mise en décharge, tout en autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances pour se faire.
Quand les sénateurs fustigeaient le « mépris » du gouvernement
Dans un communiqué, le président centriste de la commission de l’aménagement du territoire, Hervé Maurey et le président LR du groupe d’études sur l’économie circulaire, Didier Mandelli, allaient jusqu’à parler de « mépris » dont témoignait l’exécutif à l’égard du Parlement ». « Il serait incompréhensible qu’au moment où le Président de la République se déplace dans toute la France pour débattre du quotidien et des priorités des Français, le "grand débat" s’arrête aux portes du Parlement ! (…) Ce sujet, qui concerne le quotidien des Français et des collectivités locales, mérite incontestablement un débat parlementaire public, démocratique et transparent » soulignait Hervé Maurey.
« 18 mois de concertation »
6 mois plus tard, la secrétaire d’État auprès du ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire, annonce un projet de loi « qui se veut ambitieux ». « Une économie dans laquelle on consomme moins. On consomme mieux. On arrête de produire pour détruire et on favorise partout où c’est possible le recyclage après avoir encouragé le réemploi ». À l’issue du Conseil des ministres, Brune Poirson a tenu à rappeler que ce projet de loi avait été rédigé « collectivement ». « Ce projet de loi émane de 18 mois de concertation. C’est-à-dire de consultations en ligne (…) C’est aussi un comité de pilotage qui a réuni près de 200 personnes ».
Le texte, désormais étoffé de 13 articles, souhaite fixer le principe du « pollueur payeur » pour les industriels et les distributeurs, développant les filières REP (responsabilité élargie du producteur). En d’autres termes, il s’agira d’un bonus-malus qui incitera l’incorporation de matières recyclées dans les produits. Il existe actuellement 14 REP comme par exemple, pour les emballages ménagers, les meubles, les équipements électriques et électroniques, les papiers ménagers, les médicaments non utilisés, les piles ou les pneus. Le texte étendra ces filières aux articles de bricolage, de jardinage, de sport, les jouets, ou encore les mégots.
« Une bonne base pour la discussion au Parlement »
Le gouvernement se fixe comme objectif, 100% de plastiques recyclés en 2025. Il souhaite donc aller plus loin que l’objectif fixé par la Commission européenne de 90% de collecte des bouteilles en plastique en vue du recyclage en 2029. « Je suis souvent très critique sur le gouvernement mais je trouve que sur cette question spécifique des plastiques, il y a beaucoup d’ambitions. Il y a des propositions assez fortes sur la table notamment la consigne des bouteilles, l’interdiction des plastiques à usage unique. C’est une proposition de loi qui est une bonne base pour la discussion au Parlement » a jugé Ronan Dantec, sénateur écologiste, et membre du groupe d’études sur l’économie circulaire.
Le dispositif de consigne inquiète les collectivités locales
Pour arriver à cet objectif de 100% de plastiques recyclés d’ici 2025, le gouvernement mise sur le développement d’un dispositif de consigne sans toutefois donner des détails sur ce point. Le comité de pilotage devra notamment déterminer quels matériaux seront concernés. Bouteilles en plastique ? en verre ? Les canettes ? Le montant de la consigne n'est pas non plus fixé, le chiffre de 15 centimes a été évoqué par le collectif Boîte Boisson. Didier Mandelli, sénateur LR, président du groupe d’études sur l’économie circulaire et également membre du comité de pilotage s’interroge sur le manque à gagner des collectivités locales, en charge actuellement de collecter les emballages. « Beaucoup de collectivités ont fait des investissements importants dans des centres de tri. Un certain nombre de produits est ensuite revendu à des industriels qui les recyclent. Ce qu’on appelle le crédit circulaire. Il me semble difficile de dire maintenant, faisons table rase du passé ». Pour Ronan Dantec, les deux systèmes « sont amenés à cohabiter ». « Je n’ai pas un avis négatif même si j’entends la question financière soulevée par les maires ».
Recyclage et consigne: les deux systèmes « sont amenés à cohabiter » selon Ronan Dantec
Le projet de loi sera examiné au Sénat à la fin du mois de septembre, puis à l’Assemblée nationale à l’automne.