Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Dyslexie, troubles de l’attention, hyperactivité… Véritable augmentation ou phénomène de surdiagnostic ?
Par Hugo Ruaud
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Depuis plusieurs années, nombreux sont les parents qui se pressent aux portes des cabinets de psychologues, d’ergothérapeutes, et bien sûr d’orthophonistes. Leurs enfants rencontrent des difficultés d’apprentissage ou de comportement en classe, et c’est tout naturellement qu’ils cherchent à en identifier les causes pour mieux les accompagner, non sans difficulté. « En tant que parents, on se retrouve totalement démunis face aux difficultés qui apparaissent. Petit à petit, on découvre que notre enfant a vraiment du mal à l’école. Pour nous, c’est nouveau, c’est de l’inconnu : on nous donne des mots comme dyslexique, dyspraxique, dyscalculie… des mots qu’on ne connaît même pas », explique Ahlam Marque, maman d’enfant « dys », qui décrit leur accompagnement comme « un parcours du combattant ». Pour l’école, aussi, la prise en charge de ces enfants peut être compliquée, d’autant que parfois, la distinction entre trouble réel et simple retard peut être ténue et difficile à caractériser :
« Sur le plan comportemental, c’est relativement facile, mais sur le plan de l’apprentissage, distinguer ce qui relève de la dyslexie forte ou d’un petit retard de l’élève prend un peu plus de temps », témoigne Gilles Vernet, instituteur en réseau d’éducation prioritaire. D’où l’importance d’un diagnostic précis, effectué par des spécialistes : « C’est très important de le faire, car l’aide porte ses fruits », insiste Gilles Vernet.
Gare aux surdiagnostics
Mais si le diagnostic et la prise en charge semblent importants et indispensables, des questions se posent quant à la tendance au « surdiagnostic » observée ces dernières années. « La vraie question n’est pas de savoir si le diagnostic est une bonne ou mauvaise chose, mais de savoir s’il permet ou non à l’enfant d’évoluer vers une vraie amélioration ».
Or, au niveau de la société, la limite entre ce qui est sain et pathologique a évolué, selon le psychologue Alessandro Elia : « C’est absolument fondamental que l’on ait des professionnels qui puissent distinguer les troubles dont les enfants souffrent. Mais il y a une médicalisation croissante des inadaptations infantiles. Dans le fond, l’enfant est petit à petit devenu un patient, et c’est à nous, les professionnels de la santé, de faire la différence ». Une idée à laquelle adhère Gilles Vernet : « Cela peut engendrer une dramatisation, or je crois beaucoup qu’il peut y avoir une dimension psychologique dans des troubles qui ne sont pas trop graves. Avec de la confiance, de l’aide et surtout du temps, on peut y faire face ».
La bienveillance, le maître-mot pour éviter « l’étiquette »
D’autant que parfois, les parents sont confrontés à la crainte que leur enfant soit stigmatisé, seulement perçu par le prisme du handicap dont il souffre. « On a peur de l’étiquette », explique Ahlam Marque, pour qui « les enfants ne sont pas tendres entre eux. Pour certains, celui qui bénéficie d’une assistante de vie scolaire est privilégié, alors que ce n’est de gaieté de cœur qu’ils en ont besoin. Par chance, les enseignants bienveillants ont su expliquer aux enfants que ce n’était pas un plus ». La bienveillance, une notion indispensable à la réussite de ces enfants, comme l’explique Corinne Picariello, orthophoniste au CHU de Nîmes : « dans la bienveillance, tous les enfants peuvent progresser, y compris les enfants « dys », et si le monde scolaire était un peu plus bienveillant, on aurait peut-être moins besoin de nous, orthophonistes ».
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