Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Du complot camerounais, à l’abandon français, le cas Michel Thierry Atangana
Par Priscillia Abereko
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Les souffrances physiques et morales, Michel Thierry Atangana vivra avec toute sa vie. Depuis près de vingt années, il ressasse inlassablement cette journée du 12 mai 1997 où sa vie a basculé : « le 12 ami 1997, je revenais de la messe. C’est à ce moment-là que je suis arrêté par une escouade impressionnante, de militaires, de policiers, tous armés. Je ne réalisais pas qu’il s’agissait de ma dernière journée de liberté. Sirène hurlante, ils m’ont fait faire le tour de la ville pour finalement m’emmener à la police judiciaire. Ma garde à vue a duré 52 jours ».
Une détention illégale, selon la loi camerounaise la garde à vue ne doit excéder quatre jours, mais ce n’est en réalité que le début d’un long combat pour Michel Thierry Atangana.
Plus de vingt ans après le calvaire de Michel Thierry Atangana, Katia Clarens revient sur son histoire et sur ce scandale d’État. Ce film, riche de témoignages et de confidences met en lumière un complot à l’échelle nationale et internationale : Pourquoi Michel Thierry Atangana a été détenu pendant 17 années ? Pourquoi l’État français a mis si longtemps à réagir ? Pour la première fois, victimes de ce complot, politiques et journalistes dénoncent ce scandale longtemps resté sous silence.
Michel Thierry Atangana, un homme au mauvais endroit, au mauvais moment
Diplômé de l’université de Clermont-Ferrand en restructuration des actifs financiers et des multinationales, Michel Thierry Atangana a 30 ans lorsqu’il retourne au Cameroun. Le pays est alors en pleine campagne présidentielle : Paul Biya, d’abord élu en 1982 promet pour la prochaine présidentielle de 1992 de moderniser le réseau routier camerounais.
Pilier de la Françafrique et courtisé par François Mitterrand, Paul Biya fraîchement réélu crée le Comité de pilotage et de suivi des projets routiers qui réunit entre autres le groupe Lefebvre, leader de la construction routière, le groupe Lyonnaise des eaux et le groupe Elf. À sa tête, il nomme Michel Thierry Atangana : « J’étais chargé de trouver des financements privés pour permettre au Cameroun de bénéficier des infrastructures routières modernes […] Avec les deux axes routiers que nous avions à faire, nous devions avoir dans les 800 km, un projet énorme ».
Ce comité d’entreprise majoritairement française est supervisé jusqu’en 1996 par le secrétaire général de la présidence camerounaise, Titus Edzoa. Un an plus tard, il est écarté du cercle du pouvoir et décide de se présenter à l’élection présidentielle, une décision qui sans le savoir scellera le sort de Michel Thierry Atangana : « j’ai pris cette décision que je savais lourde car non seulement je démissionnais du gouvernement mais en plus je me présentais à l’élection présidentielle de 1997. À 20 heures, ma maison a été entourée de chars et je me suis dit que je ne pouvais aller nulle part tant que je n’aurais pas de convocation de la justice. Mais les soldats m’ont dit que si je n’obtempérais pas ils allaient le faire de force. Comme ma femme était à mes côtés et que je ne voulais pas que ça se passe de cette façon, je les ai suivis ».
Dans le gouvernement de Paul Biya, aucune contestation, aucun écart n’est permis et l’acte de Titus Edzoa est très rapidement pris comme une trahison. Pour le président camerounais, il ne fait aucun doute que Michel Thierry Atangana, un proche de Titus Edzoa est dans le coup : puisque l’un tombait, l’autre devait suivre.
De la détention au procès, l’enfer de Michel Thierry Atangana
De sa haute fonction qu’il a longtemps occupée, Michel Thierry Atangana va connaître pendant près de 17 années, l’envers du décor et subir de multiples violences : « J’ai été piétiné pendant les premières heures de mon arrestation. L’un des militaires m’a abîmé l’os et ma longue détention n’a pas permis une bonne rééducation et des soins appropriés ».
Accusé d’être le directeur de campagne de Titus Edzoa, l’ex-jeune expert financier va être détenu dans des conditions précaires : une cellule hermétique, une hygiène inexistante par la présence de rats et de souris, seule la foi lui donne assez de force pour se battre : « c’était un endroit très étroit, mais je me forçais à bouger à l’intérieur car le danger c’est de rester coucher donc je restais debout ou assis. Il ne fallait pas non plus avoir le même angle en permanence car ça créait une forme de lassitude ».
Le Cameroun, pays qui se veut démocratique va alors accuser les deux hommes d’avoir détourné l’argent du Comité de pilotage et de suivi des projets routiers alors qu’il n’a aucune preuve. Une décision prise à la hâte, dont Michel Thierry se souvient : « Le procès s’est fait en une nuit, le 3 octobre 1997. Il a commencé à 16 h 30-17 heures, sans avocats, sans que je puisse prendre la parole et à 4 heures du matin je suis condamné à 15 années de détention ».
Le silence de l’État français
Durant les treize premières années, Michel Thierry Atangana alors qu’il est ressortissant français ne recevra aucune visite des membres du consulat français : il est victime d’un déni de nationalité. Ce manque de réaction de l’État Français montre selon Olivier Falorini, député PS de la Charente-Maritime que « pour des raisons d’État obscures et qui finalement ne relèvent pas uniquement de la politique mais aussi de la considération financière assez sordide, on est prêt à sacrifier l’honneur et la vie d’un homme jusqu’au plus haut niveau ».
Pendant plusieurs années, le gouvernement français fermera les yeux sur cette détention arbitraire multipliant les justifications. En 2009, Bernard Kouchner alors ministre des affaires étrangères va déclarer : « Les autorités françaises ne peuvent interférer dans le fonctionnement de la Justice d’un pays tiers » puis en 2011 Alain Juppé, successeur de Bernard Kouchner déclarera à son tour, « le droit international proscrit toute ingérence dans le fonctionnement de la justice d’un État étranger souverain ».
Un abandon de l’État français qui ne prendra fin que grâce à la détermination d’un seul homme : Bruno Gain, ambassadeur de France au Cameroun.
Au risque de ruiner les relations diplomatiques entre la France et le Cameroun, Bruno Gain va s’entretenir avec le président Paul Biya, un acte salué par Michel Thierry : « Monsieur Bruno Gain a été très courageux dans mon dossier. C’est lui va véritablement rétablir la protection consulaire […] sa présence a été forte sur le plan médiatique ». Son combat contre ce scandale politico-judiciaire, fera avancer le dossier « Atangana » et permettra sa libération en février 2014, après 17 ans de captivité.
Retrouvez l'intégralité du documentaire Michel Thierry Atangana, scandales d'états de Katia Clarens, samedi 23 juin à 23h30.