Droit d’amendement: bronca de l’opposition à l’Assemblée

Droit d’amendement: bronca de l’opposition à l’Assemblée

Episode inédit dans la bataille de la révision constitutionnelle: la quasi totalité de l'opposition, indignée par des propos de Nicole Belloubet...
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Par Isabelle CORTES

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Episode inédit dans la bataille de la révision constitutionnelle: la quasi totalité de l'opposition, indignée par des propos de Nicole Belloubet sur le droit d'amendement, a quitté mercredi les questions au gouvernement, du "buzz" et des "postures" pour la majorité.

L'incident de séance, premier de cette ampleur depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron, a éclaté vers 15H30 après une interpellation du LR Philippe Gosselin sur la volonté de l'exécutif de limiter le droit d'amendement au nom d'une plus grande efficacité et rapidité dans la fabrique des lois.

"Nous ne voulons pas être les muets du sérail" car "les oppositions bâillonnées, ce serait le peuple bâillonné", a clamé l'élu de la Manche.

"L'amendement fait partie du droit d'initiative législative, mais je crois qu'il faut cesser de confondre la forme, c'est-à-dire le nombre, et le fond, c'est-à-dire la qualité", lui a répondu la ministre de la Justice et ancienne membre du Conseil constitutionnel.

La Constitution garantit que "les membres du Parlement et le gouvernement ont le droit d'amendement". Les uns et les autres en usent de plus en plus, au fil des législatures. Plus de 260.000 ont été déposés lors du précédent quinquennat, dont 60.000 adoptés.

Le président de l'Assemblée nationale François de Rugy le 21 mars 2018
Le président de l'Assemblée nationale François de Rugy le 21 mars 2018
AFP

Des protestations ont alors fusé depuis les bancs de droite. En même temps, le chef de file des socialistes Olivier Faure, furieux, a appelé son groupe à se lever. Et presque tous les élus d'opposition, de gauche et de droite, y compris FN et corses, ont quitté l'hémicycle, laissant vide environ un tiers des sièges de velours rouge.

La séance de questions s'est cependant poursuivie. Le président de l'Assemblée François de Rugy, qui a plaidé que "jamais (il) n’interromprai(t) un collègue sur la base de ce qu'il dit" pas plus qu'un ministre, a invité, en vain et à distance, l'opposition à revenir.

- "Le souverain est ici" -

Dans les couloirs, nombre de ténors du Palais-Bourbon ont alors protesté. "De quel droit un ministre se permet de porter un regard sur la qualité du travail législatif?", a tonné le chef de file communiste André Chassaigne. "Mépris du gouvernement à l'égard de la démocratie", a dénoncé la présidente du FN, Marine Le Pen.

Le président du groupe majoritaire LREM, Richard Ferrand, a raillé "un comportement de potaches qui ont voulu faire un incident". Pour cet ancien socialiste, l'expression de la ministre, "c'est peut-être maladroit, mais c'est tellement vrai". "Du buzz et de belles images pour les médias mais... pas très sérieux! Le débat sur la mérite de sortir des postures", a tweeté Mathieu Orphelin (LREM).

Le président du groupe majoritaire LREM à l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, le 21 mars 2018
Le président du groupe majoritaire LREM à l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, le 21 mars 2018
AFP

La polémique s'est prolongée peu après la reprise des débats sur le projet de loi de programmation militaire.

André Chassaigne a demandé à François de Rugy, qui ne présidait plus les travaux, de condamner l'"atteinte manifeste à la séparation des pouvoirs". Jean-Luc Mélenchon a déploré que le président de l'Assemblée n'ait pas répliqué à la ministre alors que "le souverain est ici".

Si, avec la réforme, certains "représentants du peuple" avaient "plus de droits que d'autres, ce serait une remise en cause fondamentale de ce que nous avons, depuis plus de deux siècles, écrit mois après mois, parfois avec des lettres de sang", a enchaîné Olivier Faure.

Le candidat Macron avait déploré que "chaque loi nécessite presque un an de débats" et nombre de parlementaires LREM ou MoDem se plaignent de lectures répétitives des textes ou d'"obstruction".

Les pistes de réforme institutionnelle soumises par Matignon aux ténors du Parlement prévoyaient un "contingentement du nombre d'amendements par lecture et par groupe" politique, ou une recevabilité des amendements plus encadrée.

Après une levée de boucliers, le président de l'Assemblée avait appelé le 10 mars le gouvernement à "davantage respecter" le Parlement. Opposé notamment à une limitation du nombre d'amendements par groupe politique, il s'était dit en même temps soucieux de contrer "la possibilité d'obstruction".

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