Selon le Journal du dimanche, le député François Fillon se serait fait offrir pour près de 48.500 euros de vêtements confectionnés par le tailleur de luxe Arnys depuis 2012. Deux costumes auraient été payés en chèque le 20 février dernier, pour un montant de 13.200 euros. « J’ai le droit de me faire offrir un costume, ce n’est pas interdit », s’est défendu lundi sur Europe 1 François Fillon.
Quelles sont règles relatives aux dons et aux avantages en nature dans les deux chambres du Parlement, adoptées pour prévenir les conflits d’intérêts ? Les deux s’entendent sur une déclaration obligatoire de cadeaux et avantages supérieurs à 150 euros, avec quelques atténuations.
Exception pour les cadeaux d’usage au Sénat
Depuis le 1er octobre 2014, les sénateurs doivent déclarer « les invitations à des déplacements financées par des organismes extérieurs au Sénat » ainsi que « les cadeaux, dons et avantages en nature » dès lors que leur valeur « excède un montant de 150 euros ». La déclaration doit se faire à la délégation en charge des conditions d’exercice du mandat de sénateur « dans les 30 jours ».
Le règlement du Sénat précise que les « cadeaux d’usage » ne sont pas concernés par cette obligation. La jurisprudence définit les présents d’usage comme des « cadeaux faits à l'occasion de certains événements, conformément à un usage et n'excédant pas une certaine valeur ». L’article 852 du Code civil précise, lui, que « le caractère de présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant ». En d’autres termes, le cadeau doit être lié à un événement précis (anniversaire, mariage, naissance, réussite à un examen, etc.) et sa valeur doit être raisonnable par rapport au patrimoine et aux revenus du donateur.
En mai 2011, la commission des lois avait publié un rapport d’information pour « prévenir effectivement les conflits d’intérêts pour les parlementaires ». L’une des 40 recommandations du groupe de travail proposait d’exempter pour une obligation de déclaration les cadeaux d’usage mais aussi les « cadeaux offerts par les proches ».
À l’Assemblée nationale, depuis le renouvellement de 2012, les députés ont l’obligation de déclarer au déontologue les dons et avantages en nature « tout don, invitation à un événement sportif ou culturel ou avantage d’une valeur qu’ils estiment supérieure à 150 euros dont ils ont bénéficié en lien avec leur mandat. »
Dons de « proches, dans un cadre strictement privé » écartés à l’Assemblée nationale
Voilà pour les textes réglementaires. Le déontologue de l’Assemblée nationale précise néanmoins dans une lettre aux députés en juillet 2013 que les travaux préparatoires à la décision prise par le Bureau le 6 avril 2011 « permettent d’écarter les dons et avantages émanant de proches, dans un cadre strictement privé ».
Sur son site, l’Assemblée ajoute qu’ « il ne s’agit pas de déclarer tous les présents et cadeaux que reçoivent les députés, mais seulement ceux susceptibles de créer une situation de conflit d’intérêts ».
Dans son appréciation, le déontologue insiste aussi sur le lien ou non avec le mandat parlementaire :
« S’il est clair que le don ou avantage qui vous est consenti n’a aucun lien avec le mandat parlementaire, et si cette absence de lien peut être objectivement justifiée, il n’y a pas lieu de faire, de m’adresser une déclaration. »
C’est ce qu’a indiqué d’ailleurs lundi soir à AFP, Ferdinand Mélin-Soucramanien, le déontologue de l'Assemblée nationale, au sujet des vêtements reçus par François Fillon :
« La question qui se pose est la suivante : ces cadeaux ont-ils été faits exclusivement à titre privé, auquel cas ils échappent à ma compétence, ou bien sont-ils en lien avec le mandat ? »
Sanctions disciplinaires éventuelles
En cas de manquement à ces règles, le déontologue de l’Assemblée nationale peut saisir le Bureau de l’Assemblée nationale, après en avoir informé le député concerné et le Président de l’Assemblée nationale. Si le Bureau considère que le manquement est effectif, ses conclusions sont rendues publiques. Depuis la réforme du règlement du 28 novembre 2014, il peut également prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre du député.
Au Sénat, le Comité de déontologie ne peut s’autosaisir. Il doit l’être par le Bureau, le Président du Sénat ou tout sénateur qui estimerait qu’un collègue est en position de conflit d’intérêts. Si cette situation est avérée, « le Bureau peut décider de rendre cet avis public » et « prononcer des sanctions disciplinaires dans les conditions définies par le Règlement du Sénat ».