Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Des privatisations controversées au menu de l’Assemblée nationale
Par Pierre ROCHICCIOLI
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Bataille en vue à l'Assemblée nationale: les députés doivent donner leur feu vert aux cessions d'actifs détenus par l'État dans Aéroports de Paris, la Française des jeux et Engie (ex-GDF), ce que les oppositions dénoncent comme une atteinte au patrimoine national.
"La priorité de l'État n'est pas de toucher des dividendes mais d'investir dans l'avenir", à l'image de ce que font Etats-Unis et Chine, justifie le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, ex-LR passé chez LREM.
Il a prédit mardi soir un "long et beau débat" sur le sujet mercredi dans le cadre de l'examen du projet de loi Pacte, disant assumer que "la place de l'Etat dans l'économie française doit être profondément redéfinie", tout en assurant que "tout n'est pas vendable".
Les cessions doivent servir à alimenter un fonds de 10 milliards d'euros pour l'innovation de rupture lancé en début d'année par le gouvernement. Une partie pourrait également être consacrée au désendettement de l'État.
Les trois sociétés concernées sont des acteurs majeurs du transport, des jeux et de l'énergie. Pour l'heure, l'État détient 50,63% des parts d'Aéroports de Paris (ADP), 72% de la Française des jeux (FDJ) et 24,1% d'Engie, pour un total de quelque 15 milliards d'euros.
Le projet de loi Pacte entend lever les contraintes légales qui obligent l'État à détenir la majorité des parts d'ADP, le tiers du capital d'Engie, et qui figent la détention publique de la FDJ.
Cession en bloc ou d'une partie seulement des parts de l'État? Le scénario pour ADP n'est pas encore arrêté, mais des collectivités pourraient entrer dans le tour de table, via un amendement MoDem. Le gouvernement ne prévoit pas de sortir rapidement du capital d'Engie, et souhaite conserver environ 20% des parts de la FDJ (seule non cotée en Bourse).
Celle-ci devrait être la première société privatisée, fin 2019 ou début 2020, d'après la co-rapporteure Marie Lebec (LREM). Depuis la vente de Saint-Gobain en 1986 sous le gouvernement de Jacques Chirac, les privatisations n'ont jamais cessé, sous neuf gouvernements de droite et de gauche.
- "Les bijoux de famille" -
Pour les socialistes, "il n'y a pas de justification économique à ce projet qui entraîne la perte de contrôle par l’État sur des sociétés stratégiques". Le fonds pour l'innovation "pourrait tout aussi bien être financé par un fléchage des dividendes perçus par l’État", argue la députée Marie-Noëlle Battistel.
"Et ce n'est pas une bonne politique que de vendre les bijoux de famille pour rembourser la dette lorsque l'on emprunte à des taux bas voire à des taux négatifs", ajoute le porte-parole du groupe Boris Vallaud, soulignant notamment qu'ADP "a tout d'un service public national".
"Il y a 3.000 aéroports aux USA, tous publics. Il n'est pas raisonnable de vouloir se défaire ainsi de ses actifs", juge aussi Daniel Fasquelle (LR). "Il s'agit d'une stratégie à court terme" qui "privera l’État de recettes récurrentes et en augmentation", approuve son collègue Ian Boucard.
"Avec ADP, nous touchons aux frontières de notre pays, avec tout ce que cela implique en matière de sécurité", pointe aussi le communiste Stéphane Peu, s’inquiétant d'une éventuelle "fragilisation" d'Air France par une hausse potentielle des redevances.
Tous brandissent en contre-exemple la privatisation des autoroutes en 2005 qui, rappelle LR, "a conduit à une augmentation des prix et à une perte de recettes pour l’État".
Face à ces critiques, Bruno Le Maire a promis que les privatisations se feraient dans "un cadre extrêmement régulé".
Pour ADP, "nous maintiendrons évidemment la régulation des tarifs et le rôle souverain de l’État en matière de contrôle aux frontières" et "nous garderons la possibilité de résilier la concession en cas de faute ou de non-respect du cahier des charges", a expliqué le ministre.
S'agissant de la FdJ, il s'est dit "très attaché à ce que nous conservions la possibilité d'exercer un contrôle fort sur le risque d'addiction" aux jeux.