Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Des crèches à l’emploi : que contient le plan pauvreté d’Emmanuel Macron ?
Par Public Sénat
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Sa présentation avait été repoussée plusieurs fois. Le contenu du plan pauvreté d’Emmanuel Macron a été finalement été présenté ce jeudi matin. Pas de surprises dans les orientations que le chef de l’État a déclinées pendant une heure vingt au Musée de l’Homme à Paris. Les grandes lignes avaient déjà été exposées il y a près d’un an, et le président de la République a repris plusieurs des éléments qu’il avait théorisés dans sa campagne et dans son livre « Révolution » paru en 2016. Le slogan du discours, « faire plus pour ceux qui ont moins », est d’ailleurs le titre d’un de ses chapitres.
Le chef de l’État a usé des superlatifs pour sonner la « mobilisation » autour de la lutte contre un « scandale auquel nous nous sommes trop souvent habitués » et qui frappe neuf millions de Français. Devant le gouvernement – représenté par 7 ministres et secrétaires d’État – Emmanuel Macron a fait part d’une « ambition extrême ». « Je pense que nous pouvons, à hauteur d’une génération, éradiquer la grande pauvreté dans notre pays. »
Promettant de lancer un « combat neuf », le chef de l’État a néanmoins réfuté l’idée d’un « tournant social ». Pour lui, cette politique visant à « ne plus oublier personne » est indissociable des autres menées par l’exécutif.
Attaché à sa métaphore montagnarde, Emmanuel Macron a appelé à « ne pas oublier les derniers de cordée ». « Il n’y a personne qui est premier de cordée, si le reste de la société ne suit pas ».
« La qualité des modes de garde doit être massivement améliorée »
À travers les mesures annoncées, le président de la République a voulu mettre en avant un changement de méthode, davantage axée sur la prévention que sur le traitement de la pauvreté : lutter contre le « déterminisme social » et la reproduction des inégalités. « La pauvreté ne doit plus se transmettre en héritage », a-t-il insisté.
Partant du principe que « le cœur des inégalités se structure dans les premières années de la vie », une partie du plan se concentre notamment sur la petite enfance et l’éducation. Emmanuel Macron annonce notamment une « réforme en profondeur des modes de garde ». Cela passera notamment par une nouvelle formation des 600.000 professionnels du secteur dès l’an prochain.
Les aides pour les gardes d’enfants seront « versées immédiatement, sans avance de frais » à compter de 2019. Pour favoriser l’emploi des parents isolés, le nombre de crèches à vocation d’insertion professionnelle passera de 40 à 300 d’ici 2020.
Pour lutter contre les inégalités territoriales, l’Élysée promet également d’aider les communes les plus pauvres dans la construction de nouvelles crèches, en limitant leur participation à 10% du coût des constructions. Le gouvernement prévoit également de soutenir financièrement les communes les plus pauvres qui n’ont pas encore installé de tarifications sociales dans les cantines.
Un meilleur accompagnement des décrocheurs scolaires
Le plan pauvreté vise également les 60.000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. Pour ces personnes, le gouvernement prévoit de rendre obligatoire à partir de 2020 une « obligation de formation » jusque 18 ans (au lieu de 16 actuellement). En clair : aucun mineur ne pourra se « trouver sans solution », comprendre sans formation ou sans emploi.
Comme il l’avait annoncé, le président de la République veut étendre la garantie jeunes, un dispositif d’accompagnement destiné aux 16-25 ans sans emploi ni formation lancé à la fin du quinquennat précédent, « qui a fait ses preuves », selon Emmanuel Macron. Le nombre de bénéficiaire doit être multiplié par 5, pour atteindre 500.000 personnes. 350 millions d’euros supplémentaires y seront consacrés.
Emploi : « que chacun retrouve sa place »
Emmanuel Macron a également été très clair sur sa stratégie. « Doubler le RSA ? Rien de tout cela ». « Pas de plan charité », mais le travail sera la voie, selon lui, pour permettre aux personnes pauvres de « retrouver la dignité » et « sa place » dans la société.
« Le plus important pour les personnes en situation de pauvreté, c’est de s’en sortir. Je ne veux pas d’un plan pour que les gens pauvres vivent mieux pauvres. Je veux qu’on leur donne le choix et la possibilité parce qu’ils ne veulent plus l’être, et ne pas avoir l’impression de devenir dépendant d’un système d’aides », a expliqué Emmanuel Macron.
Le président de la République entend soutenir les dispositifs comme « territoires zéro chômeur de longue durée » (voir notre reportage : Des CDI pour des chômeurs de longue durée, une expérimentation qui marche dans la Nièvre)
Un projet de loi refondant les aides sociales en 2020
Mais la mesure phare du plan pauvreté reste l’annonce d’un projet de loi, dont l’adoption au Parlement est prévue pour 2020. Le chef de l’État imagine un « véritable service public de l’insertion », marqué par un guichet unique pour « garantir l’universalité des droits » et un meilleur accompagnement des citoyens éloignés de l’emploi. L’exécutif veut que l’accompagnement soit « réhumanisé » et, surtout, « immédiat » pour les nouveaux allocataires du RSA.
L’État, qui « réinvestit » ces problématiques, sera le « garant » de ce nouveau système et s’appuiera sur les collectivités territoriales, sans se reposer sur elles. « L’État ne peut pas se défausser vers le département », a prévenu Emmanuel Macron. Une réflexion avec les différentes collectivités locales, sur la gouvernance de cette nouvelle structure, doit être engagée dès le premier trimestre 2019.
Brocardant le « maquis des prestations » et des acronymes inintelligibles, qui éloigne une partie des Français les plus modestes qui devraient normalement en bénéficier, le président de la République a également annoncé que le gouvernement reverrait « en profondeur notre système de minima sociaux », toujours dans le cadre de cette loi attendue pour 2020. Ce « filet de sécurité », dont l’État « sera entièrement responsable », fusionnera « le plus grand nombre de prestations ». Le changement est de taille pour les départements, chargés du versement de différents minima sociaux.
Des « devoirs » pour les allocataires
La ministre des Solidarités et de la Santé a d’ailleurs tenu à préciser qu’il n’y avait « aucune intention cachée de remettre en cause certains droits », comme les « aides monétaires », qui « augmenteront encore ».
En contrepartie de ce futur « revenu universel d’activité », incitant davantage vers le « retour à l’emploi », seront assorties des obligations. « Il est inacceptable que certains qui peuvent reprendre un emploi ne le fassent pas. Au droit à l’accompagnement doit correspondre un devoir. Il doit aussi y avoir une sanction si tel n’est pas le cas », a averti Emmanuel Macron, qui espère que « chacun s’efforce réellement de retrouver une activité ». Dans le futur « contrat d’engagement et de responsabilité réciproque », sera notamment spécifiée l’interdiction de refuser plus de « deux offres raisonnables » d’emploi ou activités.
Huit milliards d’euros sur quatre ans
Selon le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, le plan pauvreté dans sa globalité sera doté de huit milliards d’euros répartis sur quatre ans, soit deux par an. À titre de repère, les dépenses liées au versement des minima sociaux s’élevaient à 26 milliards d’euros en 2015 (soit 3,6% du montant des prestations de protection sociale et 1,2% du PIB), selon la DREES.
Le niveau n’a pas échappé à la gauche, qui a ramené Emmanuel Macron à son étiquette de « président des riches ». « 8 milliards sur 4 ans pour le plan pauvreté et en même temps, 20 milliards sur 4 ans pour la suppression de l’impôt de la fortune », a ainsi réagi le sénateur Xavier Iacovelli.
À droite, le sénateur (LR) Marc-Philippe Daubresse, ancien ministre de la Jeunesse et des Solidarités actives sous Nicolas Sarkozy, a affirmé que les mesures allaient « dans le bon sens » mais que les moyens n’étaient « pas à la hauteur ». « On est très loin des moyens mis pour le plan de cohésion sociale en 2004 : les résultats ne pourront être que très partiels pour lutter contre la pauvreté », a-t-il mis en garde.