C’est l’une des clés du déconfinement. Emmanuel Macron l’a souligné lors de son allocution télévisée, lundi 13 mars : « L’utilisation la plus large possible des tests et la détection sont une arme privilégiée pour sortir au bon moment du confinement. »
« Le 11 mai (date provisoire du déconfinement, nldr) nous serons en capacité de tester toute personne présentant des symptômes » a assuré le chef de l’état, afin que les personnes infectées soient placées en quarantaine.
Si le dépistage apparaît comme un outil essentiel pour accompagner notre retour à une activité normale, plusieurs questions restent en suspens au lendemain de l’annonce présidentielle.
Impossible de tester toute la population
Première interrogation, le fait que le virus puisse continuer de circuler entre des personnes qui ne présentent aucun symptôme et ne seront donc pas testées. « Faire des tests du tout-venant des asymptomatiques, c'est-à-dire plus de 60 millions de Français, est impossible » explique Lionel Barrand, du Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM). « Que ce soit en termes de temps, de matériel, de réactif ou de capacités d’analyses. »
Dès lors, il faut se concentrer sur l’isolement et le placement en quarantaine des cas positifs, ainsi que remonter la piste de leurs contacts, possiblement infectés aussi. « Un effort logistique conséquent » reconnaissait le ministre de la santé Olivier Véran mardi 14 avril du RTL.
Cette stratégie de dépistage devra être assortie d’un port du masque généralisé ainsi que « d’un système de traceur, que ce soit sur nos téléphones ou ailleurs, qui identifie si vous avez pu être en contact avec quelqu’un qui est porteur du virus » prévient François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes.
De quels tests parle-t-on ?
Il existe plusieurs types de tests pour dépister le COVID19. Les tests sérologiques, réalisés à partir d’une prise de sang, ne sont pas encore homologués par les autorités de santé. Notre réaction immunitaire au virus n’étant pas encore pleinement identifiée par les scientifiques.
« Nos premiers anticorps peuvent apparaître deux semaines après l’infection, mais la personne peut rester contagieuse pendant encore 7 à 15 jours » explique Lionel Barrand. « Donc dire à quelqu’un ‘vous avez des anticorps donc vous êtes immunisé et donc plus contagieux’ serait très grave. » Et quand bien même un test sérologique 100% fiable serait-il disponible, « on ne va pas piquer tout le monde » prévient François Blanchecotte. Ces tests s'adressent donc en priorité aux professionnels de santé.
A grande échelle, il s’agit dès lors de pratiquer le dépistage par prélèvement naso-pharyngé, à l’aide d’un écouvillon inséré dans le nez, dit « PCR ». Une technique qui peut elle aussi présenter une marge d’erreur (on estime à 25% le taux de « faux négatifs ») si le test n’est pas pratiqué correctement.
Il faut pour cela attendre que les symptômes soient installés et « faire un prélèvement profond. C’est-à-dire enfoncer un écouvillon sur 7 ou 8 cm dans le nez, ce n’est pas rien, et prélever des cellules infectées » précise François Blanchecotte. Ces tests doivent être pratiqués par des professionnels formés.
Enfin, des tests rapides sont en cours d’évaluation, dont un test salivaire développé par le CNRS.
Fédérer les énergies
Reste à généraliser le dépistage. « Moi je souhaite que l’on innove, que l’on mobilise toutes les bonnes volontés » expliquait Olivier Véran mardi 14 avril sur RTL. « La multiplication des points de dépistage n’est pas l’enjeu central et nous saurons faire » a-t-il affirmé.
En réalité, l’Etat a connu quelques retards à l’allumage pour fédérer toutes les énergies. Ainsi, ce n’est que depuis le 5 avril et un décret du gouvernement que l’ensemble des laboratoires privés, notamment de recherche, sont autorisés à produire les tests dits « PCR ». Les appels en ce sens n’avaient pourtant pas manqué. Sans feu vert des autorités de santé, les laboratoires privés ont attendu plusieurs semaines avant de se lancer dans la réalisation de tests.
De même le 25 mars, quatre présidents de départements appelaient dans un courrier Olivier Véran à s’appuyer sur les laboratoires départementaux d’analyse pour réaliser les tests. Ces structures, habituellement dévolues à la sécurité sanitaire ou vétérinaire, possèdent l’équipement et les compétences nécessaires, rappelaient les élus.
Le 8 avril au Sénat, Edouard Philippe affirmait finalement que le dépistage dans les Ehpad, avec l'appui des laboratoires départementaux, serait une « priorité. » « Nous n'avons que peu d'informations à ce stade » affirme-t-on une semaine plus tard du côté de la FNADEPA, association qui regroupe les directeurs d'Ehpad de 70 départements. Tandis que certains départements, tel le Haut-Rhin, prennent eux-même l'initiative pour dépister les personnes âgées et le personnel soigants dans les Ehpad.
Combien de tests sont réalisés ?
Actuellement la France effectue « environ 30 000 tests » chaque jour estime Lionel Barrand, du Syndicat des jeunes biologistes médicaux. Les dernières données de Santé Publique France indiquent, pour la première semaine d’avril, une moyenne quotidienne d’environ 20 000 tests en laboratoires hospitaliers et dans les structures privées.
Une montée en puissance poussive, au regard des capacités de test déployées en Allemagne ou en Corée du Sud, pays où un demi-million de personnes ont déjà été testées.
« En France, notre stratégie de dépistage est adaptée à nos moyens (et non l'inverse) : là où la Corée fait du dépistage massif et un confinement ciblé, la France fait un confinement massif et un dépistage ciblé » regrette le Syndicat des jeunes biologistes médicaux dans une réponse écrite à un questionnaire de la commission des affaires sociales du Sénat.
Pénuries
Les capacités augmentent néanmoins. « Nous sommes en train d’aller vers les 200 000 tests par semaine » affirmait Olivier Véran mardi 14 avril, en précisant que la France avait passé commande de « millions de tests ». « Le secteur privé est en capacité de faire 50 à 70 000 tests par jour et environ 350 000 tests par semaine » estime même François Blanchecotte.
A condition de lever certaines pénuries dans les labos, qui manquent de matériel tant pour pratiquer les tests (écouvillons, réactifs) que pour protéger leurs personnels. « Nous sommes encore très en tension » s’alarme Lionel Barrand. « Des fois on ne peut pas faire le test parce qu’il nous manque des cotons-tiges ! On attend de l’Etat qu’il débloque les commandes, qu’il fasse pression pour obtenir des approvisionnements plus réguliers et plus conséquents. »