Décentralisation : le Sénat peaufine ses 50 propositions

Décentralisation : le Sénat peaufine ses 50 propositions

Parmi les 50 propositions que va présenter jeudi Gérard Larcher, on devrait retrouver la question du droit à la différenciation locale inscrite dans la Constitution, tout comme le principe du « qui décide paie », ou encore des compétences renforcées. Alors que l’exécutif prépare la relance, c’est aussi la contribution des sénateurs sur les collectivités.
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S’il y a un sujet où on peut difficilement faire sans le Sénat, ce sont les collectivités territoriales. La Haute assemblée, qui représente les collectivités selon la Constitution, a logiquement lancé en février un groupe de travail sur la décentralisation, notamment en vue de la future loi « 3D » (décentralisation, différenciation, déconcentration).

Entre temps, la crise du Covid est passée par là. Avant d’arrêter ses décisions pour la relance et de remanier son gouvernement, Emmanuel Macron consulte et a demandé début juin au président LR du Sénat, Gérard Larcher, de contribuer à la réflexion, notamment sur les collectivités. Certains sénateurs accueillent sur le coup l’idée fraichement (lire ici). Mais en réalité, cela tombe plutôt bien, le groupe de travail mis en place par le président du Sénat est justement proche de ses conclusions.

Il en ressort 50 propositions « pour le plein exercice des libertés locales », que Gérard Larcher présente ce jeudi 2 juillet. Cette « démarche issue du Sénat » devient ainsi sa « contribution sur les collectivités », explique le sénateur UDI du Haut-Rhin Jean-Marie Bockel, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Co-rapporteur des propositions, aux côtés du président LR de la commission des lois, Philippe Bas, Jean-Marie Bockel explique avoir mené « un travail de maîtrise d’œuvre ». Tous les groupes y ont participé, mais ces propositions ont néanmoins davantage le sceau de la majorité sénatoriale. « Je partage les deux tiers des propositions » glisse ainsi un président de groupe d’opposition.

Thèmes qui sont chers aux associations d’élus

Le groupe de travail, pour lequel Gérard Larcher s’est « fortement » impliqué, s’est réuni une dernière fois la semaine dernière. Les 50 propositions y ont été présentées. Selon le document que nous avons pu consulter, qui n’est pas définitif – certains points peuvent encore bouger d’ici la présentation – le Sénat se penche sur plusieurs thèmes qui sont chers aux associations d’élus : autonomie financière, compétences et organisation, ou encore droit à la différenciation.

« Le document, c’est un draft inachevé. Le document définitif a été finalisé ce midi » met en garde Jean-Marie Bockel, qui se réserve pour la présentation. Le président de la délégation aux collectivités territoriales précise que « les groupes politiques ont apporté leurs remarques et contributions hier soir. Et avec Gérard Larcher et Philippe Bas, nous nous sommes nous-mêmes réunis pour passer en revue tous les articles » explique l’ancien ministre et secrétaire d’Etat. Rendez-vous donc jeudi, à 11 heures, pour tous les détails lors d’une conférence de presse (à voir sur Public Sénat).

Autoriser les collectivités à déroger aux lois et règlements sur certains points

S’il faut donc attendre de voir le document définitif, parmi les propositions, on ne sera pas surpris d’y voir un chapitre consacré « au droit à la différenciation dans le respect de l’unité nationale ». La question devait se retrouver dans la seconde réforme constitutionnelle. Elle est aussi portée par le futur projet de loi « 3D » (décentralisation, différenciation, déconcentration). Sous réserve de la confirmation de la formulation, les sénateurs se prononcent ainsi, comme l’a révélé Contexte, pour « instituer un droit à la différenciation constitutionnellement garanti en permettant au législateur de confier des compétences distinctes à des collectivités territoriales appartenant à une même catégorie, et d’autoriser les collectivités à déroger aux lois et règlements, pour un objet limité ». De son côté, le gouvernement a transmis mardi dernier au Conseil d'Etat un projet de loi organique relatif aux expérimentations territoriales.

On retrouve une mesure que les habitués des congrès de l’Association des maires de France connaissent bien : « Inscrire dans la Constitution le principe selon lequel « qui décide paie » », formule souvent défendue par François Baroin, président de l’AMF. Un « moratoire » sur la réforme des finances locales serait aussi bien vu, tout comme la mise en place de « mécanismes de garantie de ressources des collectivités territoriales » ou « une péréquation plus juste ».

Compétences renforcées pour les départements et les régions

Quand on parle des collectivités, difficile de ne pas parler des compétences et de l’organisation. On trouve ainsi l’idée de « permettre aux intercommunalités de déléguer certaines de leurs compétences » ou l’élargissement des possibilités de délégation de compétences entre collectivités.

Concernant les communes, une autre mesure impliquerait une modification de la loi fondamentale : « Consacrer dans la Constitution la clause générale de compétence des communes », ce qui leur permet d’agir sur tous les sujets.

Pour les départements, qui sont chargés du social et de la solidarité, l’idée serait d’« élargir » ces compétences. Même idée de renforcer les compétences des régions, en leur confiant « les stratégies de développement et d’aménagement du territoire, avec un bloc cohérent de compétences pour l’emploi, la formation professionnelle » ou encore « l’enseignement supérieur ». Alors que les agences régionales de santé (ARS) ont été décriées durant la crise du Covid (voir l’audition au Sénat sur le sujet), il est proposé de confier leur présidence au président du conseil général.

Droit de pétition local élargi

Autre proposition dans l’air du temps : un droit de pétition local élargi, avec inscription d’une délibération à l’ordre du jour de l’assemblée de la collectivité.

L’idée de renforcer le rôle de l’Etat au niveau local, via le préfet, est mise sur la table, notamment « pour faire face aux situations de crise ». Les sénateurs veulent par ailleurs « renforcer le contrôle du Parlement pour garantir les libertés locales », avec notamment un débat annuel sur les finances locales.

« La majorité sénatoriale est maître d’ouvrage »

Parmi ces propositions, certaines font consensus au sein des autres groupes, d’autres pas. « Ça n’engage pas le Sénat. C’est une réflexion à laquelle nous avons contribué. C’est le travail de la majorité sénatoriale, sur lequel nous sommes favorables sur beaucoup de points » nuance le président du groupe PS, Patrick Kanner, interrogé par publicsenat.fr. Reste des différences. « Par exemple, nous sommes favorables à un projet de loi de finances pour les collectivités territoriales, qui n’est pas dans les propositions » souligne l’ancien ministre de la Ville.

« La majorité sénatoriale est maître d’ouvrage » ajoute le socialiste, reprenant le même terme que Jean-Marie Bockel. Le groupe PS a présenté de son côté une proposition de résolution « pour une nouvelle ère de la décentralisation », qui propose notamment une « dotation verte territoriale » pour des territoires « décarbonés ». Elle a d’ailleurs été adoptée par le Sénat. Patrick Kanner « y voit un clin d’œil amical de Gérard Larcher à son groupe d’opposition. Il a dû estimer que c’était utile à la réflexion ». Le texte socialiste sera publié en annexe des 50 propositions. Histoire de montrer que sur les collectivités, chacun a son mot à dire au Sénat.

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