De Mélenchon à Macron, la police de proximité revient dans le débat
Symbole controversé de la politique sécuritaire de Lionel Jospin, elle avait été enterrée par Nicolas Sarkozy. Mais à l'approche de la...
Par Gregory DANEL
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Symbole controversé de la politique sécuritaire de Lionel Jospin, elle avait été enterrée par Nicolas Sarkozy. Mais à l'approche de la présidentielle, la "police de proximité" fait son retour dans le débat politique chez plusieurs candidats, de Jean-Luc Mélenchon à Emmanuel Macron.
Le 3 février 2003 à Toulouse, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, torpille cette invention de la gauche devant les caméras et des policiers médusés: "vous n'êtes pas des travailleurs sociaux. Organiser un match de rugby pour les jeunes du quartier, c'est bien mais ce n'est pas la mission première de la police".
En quelques phrases, il ne signe pas seulement l'arrêt de mort technique de cette mesure-phare des années Jospin (1997-2002) censée rapprocher police et population, il la disqualifie aussi pour de nombreuses années.
"En 2007 ou en 2012, la gauche était restée relativement prudente sur cette question", observe Jacques de Maillard, qui a piloté un rapport du think tank Terra Nova, classé à gauche, sur les liens police-population publié en novembre.
Pour ce chercheur, "on peut considérer que Sarkozy a réussi un vrai coup symbolique et politique en associant la police de proximité à une police faible et en valorisant la police d'interpellation comme la seule vraie police". "Même quand la gauche a critiqué la culture du chiffre, cela ne l'a pas conduite à proposer une alternative."
"Un manque de courage", estime Jean-Pierre Havrin, considéré comme l'un des pères de la police de proximité. Selon cet ancien directeur départemental de la sécurité publique passé par le cabinet de Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur de Lionel Jospin, la "pol prox" est pourtant un "vrai marqueur" entre droite et gauche.
- Pas une 'sous-police' -
Alors que la question sensible des relations entre la jeunesse et la police dans les quartiers difficiles revient en force depuis l'"affaire Théo", du nom de ce jeune homme victime d'un viol présumé lors de son interpellation, il n'est donc pas étonnant de retrouver cette proposition du côté de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon ou chez le candidat socialiste Benoît Hamon. Tous deux plaident pour un "retour de la police de proximité" qu'ils ne veulent pas réduire à un "slogan", comme le précise Elisa Martin, secrétaire nationale chargée de la "sûreté" au Parti de gauche et première adjointe au maire de Grenoble.
"On demande l'arrêt de la +bâtonnite+, de la politique du chiffre. La police de proximité c'est poser la question de +comment on évalue le travail de la police+. Mais il faut aussi avoir l'adhésion des policiers pour qu'ils n'aient pas l'impression que cela soit de la sous-police", détaille-t-elle.
Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon plaident pour un "retour de la police de proximité" quand Emmanuel Macron veut "créer une police de sécurité quotidienne"
AFP/Archives
Promettant comme ses deux challengers des milliers de créations de postes dans la police, Emmanuel Macron veut également "créer une police de sécurité quotidienne" qui "construise avec les élus de terrain, avec la population et l'ensemble des acteurs, les solutions de sécurité", a-t-il souligné lundi lors d'une visite dans un commissariat parisien.
La "police de sécurité quotidienne" de M. Macron est-elle la police de proximité de 2017? "Quel que soit le nom qu'on lui donnera, il faudra absolument remettre à l'ordre du jour une organisation policière au plus près de nos concitoyens", déclarait en février le candidat du mouvement En marche au Figaro.
La précaution lexicale n'est pas superflue tant la "pol prox" est l'objet de sentiments contrastés au sein de la police, en raison de sa mise en place à marche forcée au carrefour des années 2000 couplée à l'instauration des 35 heures, qui ont fait tanguer l'organisation quotidienne de la maison police.
"Le retour de la police de proximité? Qu'est-ce que ça veut dire?", interroge Jean-Claude Delage, le patron d'Alliance, premier syndicat de gardiens de la paix. "Si c'est le retour au concept mis en place dans les années 1990 qui a consisté à déshabiller Pierre pour habiller Paul, pour avoir du bleu dans la rue qui récoltait des infos et du contact sans suivi judiciaire derrière, alors il n'y a aucun intérêt à revenir à ces vieilles recettes."
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.