D’une brillante primaire aux soupçons, la spectaculaire faillite de François Fillon
Ce jour de décembre 2016, en vacances sur les pistes des Alpes, François Fillon peut y croire : l'Elysée est à portée de main. L'ancien Premier...
Par Juliette MONTESSE et Paul AUBRIAT
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Ce jour de décembre 2016, en vacances sur les pistes des Alpes, François Fillon peut y croire : l'Elysée est à portée de main. L'ancien Premier ministre vient de remporter la primaire de la droite.
Un mois plus tard, le 24 janvier, le Canard enchaîné tweete: "Les 600.000 euros gagnés par Penelope qui empoisonnent Fillon". L'hebdomadaire révèle que Penelope Fillon a été employée comme assistante parlementaire de son mari et à la Revue des deux mondes, mettant en doute la réalité du travail accompli.
Au QG de campagne, cet après-midi-là, on fête les rois. Dans les galettes, la fève est un chat noir. Et le trouble s'installe: personne ne savait que Mme Fillon était l'employée de son député de mari. Déjà, d'aucuns craignent que l'emploi, dûment rémunéré, fut de pure complaisance. La justice aussi: dès le lendemain, une enquête est ouverte, alors que le candidat dénonce "une campagne de calomnie".
La déflagration est aussi rapide et puissante que fut son triomphe à la primaire, lorsqu'il était passé de 12 à 44% en moins de trois semaines en doublant Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, fort de son image d'homme intègre aux promesses de redressement.
Pressé par ses troupes d'aller s'expliquer au 20H00 de TF1, il défend le travail de son épouse et, étonnamment, révèle qu'il a également employé deux de ses enfants. "La seule chose qui m'empêcherait d'être candidat, c'est si mon honneur était atteint, si j'étais mis en examen", lance encore, bravache, celui qui sait que les magistrats rechignent généralement à perturber les campagnes électorales.
François et Penelope Fillon le 29 janvier 2017 lors d'un meeting de campagne à La Villette à Paris
AFP/Archives
Trois jours plus tard, lors d'un show monstre à La Villette, le candidat se résout à mettre en scène son couple. Mais, lorsque les écrans géants projettent l'image des époux Fillon assis au premier rang, mains emmêlées pour appuyer une complicité réputée inébranlable, c'est un immense vertige que filment les caméras: celui de Penelope Fillon, née Clarke 62 ans plus tôt au Pays de Galles, hagarde et au bord des larmes, brûlée par les flashs des photographes.
- "Rends l'argent" -
Empêtré, le candidat, bientôt donné battu dès le premier tour, durcit le ton contre la presse et la justice et dénonce un "coup d'Etat institutionnel" venu "de la gauche". Il fait imprimer quatre millions de tracts contre la "chasse à l'homme". Sans convaincre.
Car à droite, la question d'une solution de rechange agite les esprits. Fillon n'en ignore rien, mais s'accroche: "C'est trop tard maintenant. Mon retrait poserait un problème démocratique majeur", balaie-t-il en petit comité.
L'affiche officielle du candidat Fillon taguée du mot "voleur" en avril 2017 à Paris
AFP/Archives
Reste que c'est au son des casseroles et aux cris de "Rends l'argent" qu'il est accueilli à chaque déplacement, alors que chaque semaine ou presque, la presse exhume d'autres contrats litigieux et preuves d'un train de vie dispendieux.
Attendu le 1er mars au matin au Salon de l'agriculture, François Fillon annule brusquement sa visite, faisant bruisser les rumeurs les plus folles. A midi, les journalistes sont finalement conviés à son QG. Coup de tonnerre: il révèle qu'il est convoqué en vue d'une mise en examen. La fin de sa candidature ? "Je ne me retirerai pas, j'irai jusqu'au bout parce qu'au-delà de ma personne, c'est la démocratie qui est défiée", clame-t-il en accusant la justice d'"assassiner" la présidentielle, devant plusieurs pontes de LR atterrés.
- Sortie honorable -
Le voici cruellement rattrapé par la formule assassine qu'il avait employée contre Nicolas Sarkozy, sept mois plus tôt, "Qui imagine le général de Gaulle mis en examen?", lorsqu'il s'érigeait en héraut d'une éclatante intégrité.
En renonçant à renoncer, le candidat provoque des défections en série. En coulisses, la droite s'active pour trouver un sauveur avant la fin du dépôt des candidatures; les pressions se multiplient pour qu'il laisse la place à Alain Juppé.
Le candidat LR à la présidentielle François Fillon (d), au côté de son épouse Penelope Fillon, sur la place du Trocadéro à Paris, le 5 mars 2017
AFP/Archives
Il faut maintenant trouver une sortie honorable: ce sera un rassemblement au Trocadéro, où ses partisans lui jureront amour, avant qu'il ne se rende à la télévision pour annoncer qu'il se retire. Mais à 20H00, sur France 2, le candidat Fillon se joue de l'histoire: à la stupeur des siens, il proclame que "personne ne peut (l')empêcher d'être candidat".
Le lendemain, Alain Juppé, qui se disait prêt à prendre la relève sous conditions, renonce définitivement et pointe autant "l'obstination" de Fillon que "son système de défense fondé sur la dénonciation d'un prétendu complot". Les sarkozystes, qui oeuvraient pour que le châtelain sarthois se choisisse un successeur, actent la fin de la partie.
- Goût du lucre -
C'est le moment que choisit un ami généreux pour porter le coup de grâce.
Robert Bourgi le 12 septembre 2011 à Paris
AFP
Car si l'avocat Robert Bourgi apprécie Fillon, il adule surtout Sarkozy. Or, il n'a pas pardonné à l'ancien maire de Sablé-sur-Sarthe sa tirade sur le général de Gaulle et aurait aimé davantage de reconnaissance après le beau cadeau offert pour sa victoire à la primaire: deux costumes sur mesure de chez Arnys, 6.500 euros pièce. L'avocat rancunier prévient Nicolas Sarkozy: "Je vais le niquer".
"L'affaire des costumes" sort le 11 mars dans le JDD. L'enquête sur des soupçons de trafic d'influence se terminera par un non-lieu et François Fillon, contraint, rendra les costumes. Mais le mal est fait. Le cadeau empoisonné affiche au grand jour le goût du lucre du champion de l'austérité.
A trois jours de la clôture des candidatures, le candidat est comme prévu mis en examen. Puis son suppléant, Marc Joulaud, qui avait aussi employé Penelope Fillon. Ainsi, la semaine suivante, que Madame Fillon.
L'ancien Premier ministre crie au "scandale d'Etat", accuse le président Hollande d'être à la tête d'un "cabinet noir" et d'organiser les fuites. "J'ai les dates! Les jours! Les personnes qui ont communiqué les documents!", prétend-il.
Lorsque la campagne officielle débute, le 10 avril, le candidat refuse de répondre aux questions sur l'affaire, accuse les médias de lui "déverser de la boue sur la figure". À ses accusateurs, "Je les poursuivrai tous!", promet-il, sans jamais avoir déposé plainte depuis.
François Fillon vient de terminer son discours après son élimination au 1er tour de l'élection présidentielle, le 23 avril 2017
AFP/Archives
Au soir du premier tour, François Fillon est éliminé, troisième avec 20,01% des voix, une première pour un candidat de droite sous la Vè République. "Les obstacles mis sur ma route étaient trop nombreux, trop cruels", lance-t-il en quittant l'arène. "Le moment venu, la vérité de cette élection sera écrite".
Près de trois ans après, à partir du 24 février devant le tribunal correctionnel de Paris, François Fillon est jugé notamment pour "détournement de fonds publics" et Penelope Fillon pour complicité et recel de ce délit.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.
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