Depuis que les services de réanimation saturent, le curare devient une denrée rare. Cette molécule permet « d’anesthésier les muscles respiratoires, en les mettant au repos afin de ‘curariser’ le patient, avant de l’intuber avec un respirateur », explique Bernard Jomier, sénateur de Paris et médecin à l’unité Covid 19 de l’hôpital de Melun (Seine-et-Marne).
Pouvoir paralysant
Le curare est une substance extraite de certaines lianes en Amazonie au pouvoir paralysant très puissant. Les médicaments du laboratoire Medipha Santé basé aux Ullis en région parisienne sont fabriqués à base de molécule de synthèse. « Nous fonctionnons à flux tendu. Nous nous sommes réorganisés depuis 1 mois environ, en réduisant la quantité de médicaments par commande pour tenter de satisfaire tous les hôpitaux », explique Luc Lamirault, président de Medipha Santé, qui travaille avec 200 hôpitaux. L’Agence du médicament a demandé à ce petit poucet de l’industrie pharmaceutique de favoriser les hôpitaux des zones géographiques les plus touchées comme le Grand Est et l’île de France. Avec un objectif : ne pas dépasser 7 jours de consommation par commande.
Tensions très fortes
Le Premier ministre Édouard Philippe a reconnu jeudi 2 avril des « tensions très fortes » sur l’approvisionnement de certains médicaments et sur certains consommables comme les embouts des respirateurs. Medipha Santé produit 3 médicaments à base de curare : l’Atracurium, le Cisatracurium et le Rocuronium. Pour le Cisatracurium, les stocks des hôpitaux ne sont que de « quelques jours » et « ceux des industriels ne donnent pas la visibilité que nous souhaitons », explique Matignon.
Stocks limités
A Medipha Santé « on vit sur nos stocks » raconte Luc Lamirault, car le réapprovisionnement est prévu « début mai, pas avant ». Les matières premières viennent d’Espagne et d’Italie. Face à la pandémie, la demande internationale a bondi de 2000%. La difficulté pour ces médicaments est qu’ils se périment au bout de 18 mois, une période trop courte qui ne permet pas de faire beaucoup de stocks. Autre obstacle au-delà du réapprovisionnement en matières premières : l’acheminement des médicaments vers les hôpitaux. Pour transporter ces produits, il faut des camions avec enregistreur de température, car ils doivent être maintenus entre 2 et 8°C. « Un directeur d’hôpital est venu chercher lui-même les médicaments pour son service de réanimation pour les transporter avec sa voiture, je n’avais jamais vu ça ! », s’étonne Luc Lamirault qui donne au jour le jour l’état de ses stocks à l’Agence régionale de santé.
« On gère la pénurie »
Aujourd’hui, « il faut en moyenne 300mg par patient et par jour en moyenne et on fournit des ampoules de 10 ou 20mg », explique le directeur de Medipha Santé. La difficulté pour les infirmières est de manipuler une trentaine d’ampoules par jour pour un patient. A l’hôpital, « on gère la pénurie », explique Bernard Jomier, sénateur de Paris qui travaille à l’hôpital de Melun en Seine et Marne pour renforcer les équipes de l’unité Covid 19. « Quand on ouvre une ampoule et qu’on n’utilise pas tout le produit, habituellement on jette l’ampoule, en ce moment on fait très attention à récupérer ce qui reste », raconte le sénateur de Paris.
Système D
Idem pour les tenues, masques FFP2 et surblouses : « Quand on doit entrer dans la chambre d’un patient positif au Covid 19, on garde la même tenue si on va dans la chambre d’un autre patient positif », pour rationaliser le matériel de protection explique-t-il. Au centre hospitalier de Melun, comme dans la plupart des hôpitaux en France, face à l’épidémie de Covid 19 les soignants en sont réduits au système D.