Un jour de deuil national aura lieu, lundi 23 décembre, en hommage aux victimes du cyclone Chido qui a dévasté l’archipel la semaine dernière. A 11 heures, tous les Français seront notamment invités à se recueillir.
Crise migratoire : existe-t-il une véritable politique européenne commune ?
Par Marie Oestreich
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Dans le port d’Algéciras, en Andalousie, le service maritime de la Guardia Civil, initialement concentré sur le trafic de drogues, se retrouve aujourd’hui chargé d’une mission humanitaire de secours aux migrants. Il recense à ce jour plus de 14 000 migrants tentant de traverser les 14 kilomètres qui séparent l’Afrique de l’Europe, contre 3 000 l’année précédente. Cette multiplication du nombre de traversées clandestines est en partie due aux fermetures successives des frontières en Europe et à la réticence croissante de certains pays à accueillir les personnes secourues en mer. La route des Balkans étant aujourd’hui fermée, les arrivées en Grèce ayant diminué depuis l’accord de l’UE avec la Turquie et la route de la Libye étant rendue de plus en plus difficile d’accès par l’augmentation des garde-côtes Libyens, l’Espagne, qui a ouvert les bras à l’Aquarius le 11 juin dernier à Valence, est devenue aujourd’hui une des portes d’entrée principales. Les associations, comme « Algeciras Acoge » qui apporte son aide aux réfugiés depuis 1991, sont présentes pour prendre le relais, mais pour son président, Pepe Villahos, les solutions sont « cosmétiques » face à une « dure réalité » qui contraint l’accueil à rester précaire sans véritables moyens pour faire face.
En cause : L’absence de politique européenne migratoire commune
Si l’Espagne a accueilli l’Aquarius en juin dernier à Valence, on se souvient qu’elle renvoyait quelques semaines plus tard 116 migrants qui venaient d’entrer à Ceuta. Pour Juan Lopez Aguilar, membre du PSOE (le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol), et appartenant au groupe des socialistes et démocrates au Parlement européen, cette contradiction « n’est pas un problème espagnol, mais un problème européen, surtout après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne » qui prévoit une clause de solidarité entre les États membres, en rappelant que « La solidarité, ce n’est pas de la bonne volonté, c’est un mandat juridique contraignant pour tous les pays européens ». Un avis que partage Franck Engel, eurodéputé luxembourgeois du parti social chrétien, qui qualifie de « lamentable », l’idée d’ « éternellement se passer la balle quand il y a un bateau avec des migrants qui doit accoster », tout en admettant que la répartition des migrants à un niveau européen reste « une solution nécessaire car il n’y en a pas d’autre ».
Le manque de solidarité et la difficulté pour l’Union Européenne à fédérer autour d’une politique migratoire commune est donc en question, comme l’admet Franck Engel : « Nous avons laissé l’Italie seule, comme nous avons laissé la Grèce seule avant, et comme nous laisserons seule très vraisemblablement l’Espagne suite au décalage géographique des principaux mouvements. »
Pour Mario Borghezio, membre de la Ligue, parti d’extrême droite au pouvoir en Italie et parti de Matteo Salvini, la crise migratoire actuelle est due à un manque d’anticipation et une hypocrisie de l’Union Européenne face à la situation actuelle et les rapports politiques avec l’Afrique. L’Italie ferme aujourd’hui ses portes car l’Europe a été trop longtemps « aveugle » devant la réalité qui est telle que « les peuples veulent une immigration bien réglée et chaque pays selon sa possibilité d’accueil ». Dès lors, la solution choisie par l’Italie apparaît pour l’eurodéputé italien être la seule solution après une période migratoire vécue comme oppressante et invasive accentuée par un manque de solidarité de la part des autres États membres.
Le règlement de Dublin III en question
Si pour Juan Lopez Aguilar, il est clair qu’il y a bien une « faillite » de la politique migratoire européenne, la fermeture des frontières ne semble pas être une solution. L’eurodéputé espagnol entend plutôt « établir des voies régulières et une approche plus constructive par rapport à la politique migratoire » et cela pourrait s’envisager notamment par la réforme du règlement de Dublin pour répartir les demandeurs d’asile sur le territoire européen. Pour Franck Engel, eurodéputé luxembourgeois, « Nous faisons de la politique de gestion de crise, et le règlement de Dublin n’a jamais été fait pour gérer des crises, c’est une loi pour le beau temps ». Considéré comme « anti solidaire par excellence », ce règlement devrait donc être remis en question puisqu’il laisse les pays seuls décisionnaires des réponses aux demandes d’asile des demandeurs qu’ils reçoivent. Mais cette réforme semble difficile à mettre en place, tant certains pays de l’Union européenne, notamment le groupe de Višegrad (Groupe informel incluant la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie), composé en majorité par des pays à sensibilités politiques populistes, s’opposent à cette idée et rendent les débats difficiles à mettre en place. À quelques mois des élections européennes de 2019, ce débat s’annonce être un point central sur lesquels les différents partis européens auront l’occasion de se prononcer.