Crise migratoire : existe-t-il une véritable politique européenne commune ?

Crise migratoire : existe-t-il une véritable politique européenne commune ?

Alors que l’Aquarius, symbole de la crise migratoire en Europe, peine à trouver un pavillon et un point d’accroche, et que les pays européens ferment de manière croissante leurs portes aux migrants clandestins, la voie espagnole est devenue le principal point d’entrée pour les migrants, en particulier via l’extrême sud de l’Espagne, en Andalousie. Entre responsabilité humanitaire et manque de moyens disponibles pour réagir, les pays européens semblent rencontrer des difficultés à trouver un terrain d’entente. Europe Hebdo fait réagir plusieurs eurodéputés.
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Par Marie Oestreich

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Dans le port d’Algéciras, en Andalousie, le service maritime de la Guardia Civil, initialement concentré sur le trafic de drogues, se retrouve aujourd’hui chargé d’une mission humanitaire de secours aux migrants. Il recense à ce jour plus de 14 000 migrants tentant de traverser les 14 kilomètres qui séparent l’Afrique de l’Europe, contre 3 000 l’année précédente. Cette multiplication du nombre de traversées clandestines est en partie due aux fermetures successives des frontières en Europe et à la réticence croissante de certains pays à accueillir les personnes secourues en mer. La route des Balkans étant aujourd’hui fermée, les arrivées en Grèce ayant diminué depuis l’accord de l’UE avec la Turquie et la route de la Libye étant rendue de plus en plus difficile d’accès par l’augmentation des garde-côtes Libyens, l’Espagne, qui a ouvert les bras à l’Aquarius le 11 juin dernier à Valence, est devenue aujourd’hui une des portes d’entrée principales. Les associations, comme « Algeciras Acoge » qui apporte son aide aux réfugiés depuis 1991, sont présentes pour prendre le relais, mais pour son président, Pepe Villahos, les solutions sont « cosmétiques » face à une « dure réalité » qui contraint l’accueil à rester précaire sans véritables moyens pour faire face.

Immigration en Europe - Reportage en Espagne de Jérôme Rabier
06:08

En cause : L’absence de politique européenne migratoire commune

Si l’Espagne a accueilli l’Aquarius en juin dernier à Valence, on se souvient qu’elle renvoyait quelques semaines plus tard 116 migrants qui venaient d’entrer à Ceuta. Pour Juan Lopez Aguilar, membre du PSOE (le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol), et appartenant au groupe des socialistes et démocrates au Parlement européen, cette contradiction « n’est pas un problème espagnol, mais un problème européen, surtout après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne » qui prévoit une clause de solidarité entre les États membres, en rappelant que « La solidarité, ce n’est pas de la bonne volonté, c’est un mandat juridique contraignant pour tous les pays européens ». Un avis que partage Franck Engel, eurodéputé luxembourgeois du parti social chrétien, qui qualifie de « lamentable », l’idée d’ « éternellement se passer la balle quand il y a un bateau avec des migrants qui doit accoster », tout en admettant que la répartition des migrants à un niveau européen reste « une solution nécessaire car il n’y en a pas d’autre ».

Extrait Europe Hebdo Juan Lopez Aguilar
01:25

Le manque de solidarité et la difficulté pour l’Union Européenne à fédérer autour d’une politique migratoire commune est donc en question, comme l’admet Franck Engel : « Nous avons laissé l’Italie seule, comme nous avons laissé la Grèce seule avant, et comme nous laisserons seule très vraisemblablement l’Espagne suite au décalage géographique des principaux mouvements. »

Pour Mario Borghezio, membre de la Ligue, parti d’extrême droite au pouvoir en Italie et parti de Matteo Salvini, la crise migratoire actuelle est due à un manque d’anticipation et une hypocrisie de l’Union Européenne face à la situation actuelle et les rapports politiques avec l’Afrique. L’Italie ferme aujourd’hui ses portes car l’Europe a été trop longtemps « aveugle » devant la réalité qui est telle que « les peuples veulent une immigration bien réglée et chaque pays selon sa possibilité d’accueil ». Dès lors, la solution choisie par l’Italie apparaît pour l’eurodéputé italien être la seule solution après une période migratoire vécue comme oppressante et invasive accentuée par un manque de solidarité de la part des autres États membres.

Extrait Europe Hebdo Mario Borghezio
00:23

 

Le règlement de Dublin III en question

Si pour Juan Lopez Aguilar, il est clair qu’il y a bien une « faillite » de la politique migratoire européenne, la fermeture des frontières ne semble pas être une solution. L’eurodéputé espagnol entend plutôt « établir des voies régulières et une approche plus constructive par rapport à la politique migratoire » et cela pourrait s’envisager notamment par la réforme du règlement de Dublin pour répartir les demandeurs d’asile sur le territoire européen. Pour Franck Engel, eurodéputé luxembourgeois, « Nous faisons de la politique de gestion de crise, et le règlement de Dublin n’a jamais été fait pour gérer des crises, c’est une loi pour le beau temps ». Considéré comme « anti solidaire par excellence », ce règlement devrait donc être remis en question puisqu’il laisse les pays seuls décisionnaires des réponses aux demandes d’asile des demandeurs qu’ils reçoivent. Mais cette réforme semble difficile à mettre en place, tant certains pays de l’Union européenne, notamment le groupe de Višegrad (Groupe informel incluant la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie), composé en majorité par des pays à sensibilités politiques populistes, s’opposent à cette idée et rendent les débats difficiles à mettre en place. À quelques mois des élections européennes de 2019, ce débat s’annonce être un point central sur lesquels les différents partis européens auront l’occasion de se prononcer.

 

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Procès de l'assassinat de Samuel Paty : tous les accusés ont été reconnus coupables

Les deux amis de l’assassin du professeur Samuel Paty, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, ont été reconnus coupables de complicité d’assassinat et condamnés à 16 ans de réclusion criminelle. Le verdict a été accueilli par des cris et des pleurs de la part de la famille de Naïm Boudaoud, âgé de 22 ans. « Ce soir, c’est la République qui a gagné », s’est félicité Thibault de Montbrial, avocat de Mickaëlle Paty, une des sœurs du professeur assassiné. La cour a également déclaré coupables d’association de malfaiteurs terroriste les deux auteurs de la « campagne de haine « qui ont fait de Samuel Paty une « cible » : Brahim Chnina, 52 ans et le prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, ont écopé respectivement de 13 et 15 ans de réclusion criminelle. « J’ai compris que vous avez fait de la politique, pas de la justice », s’est exclamé depuis son box Abdelhakim Sefrioui avant d’être sèchement interrompu par le président, tandis que la famille de Brahim Chnina, très nombreuse sur les bancs du public, éclatait en sanglots et cris de désespoir. Vincent Brengarth, un des avocats d’Abdelhakim Sefrioui, a annoncé aussitôt que son client faisait appel de sa condamnation. Ouadie Elhamamouchi, autre avocat du prédicateur, a estimé que son client était désormais « un prisonnier politique ». « Je me désolidarise de ces propos-là », a cependant nuancé Me Brengarth, montrant des failles dans la défense du prédicateur. Avocat de la compagne de Samuel Paty et de leur fils, présent à l’audience, Francis Szpiner s’est félicité d’un « verdict équilibré ». Le fils de Samuel Paty, âgé seulement de 9 ans, a compris que « justice a été rendue pour son père », a-t-il ajouté. Si le quantum des peines n’est pas très différent de ce que réclamait le parquet, la cour présidée par Franck Zientara a choisi de maintenir l’infraction de « complicité » pour les deux amis d’Abdoullakh Anzorov, un islamiste radical tchétchène de 18 ans, abattu par la police peu après son acte. Les quatre autres accusés, dont une femme, appartenant à la « jihadosphère » qui était en contact avec Anzorov sur les réseaux sociaux, ont également tous été condamnés à des peines de prison ferme ou avec sursis. Pour deux d’entre eux (Ismaël Gamaev et Louqmane Ingar) la cour a retenu l’association de malfaiteurs terroriste tandis qu’elle a déclaré coupable Priscilla Mangel de provocation au terrorisme et Yusuf Cinar d’apologie du terrorisme. La veille de l’attentat, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov avaient accompagné Anzorov à Rouen pour y acheter un couteau (pas celui qui a servi à décapiter Samuel Paty) qui sera retrouvé sur la scène de crime. A l’audience, Boudaoud et Epsirkhanov ont répété qu’Anzorov leur avait expliqué que ce couteau était « un cadeau » pour son grand-père. Le jour de l’attentat, le 16 octobre 2020, Boudaoud, le seul sachant conduire, avait accompagné le tueur dans un magasin de pistolets airsoft puis l’avait déposé à proximité du collège où enseignait Samuel Paty. « Volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers » Les deux jeunes gens « avaient conscience de la radicalité » d’Anzorov et qu’il « avait la volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers », a estimé la cour. Cependant, a souligné le président Zientara, « il n’est pas démontré que (les deux jeunes gens) étaient avisés de l’intention d’Anzorov de donner la mort à Samuel Paty ». Les magistrats du Pnat avaient requis 14 ans de réclusion assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Boudaoud et 16 ans de réclusion également assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Epsirkhanov. La cour n’a cependant pas retenu la période de sûreté des deux tiers à leur encontre. Brahim Chnina, père de la collégienne qui a menti en accusant le professeur d’avoir discriminé les élèves musulmans de sa classe lors d’un cours sur la liberté d’expression où il a présenté une caricature de Mahomet, avait lui posté des messages et une vidéo hostile au professeur dès le 7 octobre. Quant à Abdelhakim Sefrioui, fondateur de l’association (aujourd’hui dissoute) pro-Hamas « Collectif Cheikh-Yassine », il avait qualifié Samuel Paty de « voyou » dans une autre vidéo. Mais rien ne prouve qu’Anzorov avait vu la vidéo d’Abdelhakim Sefrioui, avaient mis en avant ses avocats, ajoutant que leur client n’avait pas rencontré l’assassin de Samuel Paty. « La cour a considéré que (MM. Chnina et Sefrioui) avaient préparé les conditions d’un passage à l’acte terroriste », a indiqué M. Zientara. (Avec AFP)

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