Certes, le rythme des contaminations continue de baisser en France, mais le variant Delta réalise des percées par endroits. La situation commence à préoccuper sérieusement les autorités. Et le gouvernement pourrait annoncer avant septembre une obligation des soignants à se faire vacciner contre le covid-19, pour « anticiper » une possible quatrième vague, selon le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Mercredi déjà, le Premier ministre Jean Castex, a annoncé au Sénat qu’il consulterait « dans les jours qui viennent » les associations d’élus locaux ainsi que les présidents de groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat pour recueillir leurs propositions concernant l’évolution de la situation sanitaire, et leurs avis sur l’obligation vaccinale des soignants. Le Sénat veut aller plus loin.
Stratégie de « circulation minimale du virus »
Car les parlementaires travaillent déjà de longue date aux scénarios des mois à venir. Lancée en février, sur proposition du président du Sénat, Gérard Larcher, la mission d’information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions a rendu ses conclusions ce jeudi sur l’évolution de la politique sanitaire. S’appuyant sur une étude de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes, le président Bernard Jomier (apparenté socialiste), et les sénateurs centriste et LR, Jean-Michel Arnaud et Roger Karoutchi, alertent sur le « risque élevé » d’une quatrième vague dès l’automne. « Une quatrième vague est probable d’ici deux à trois mois et elle sera alimentée par la contagiosité plus importante du variant Delta. Elle aurait eu lieu de toute façon car nous n’atteindrons pas le seuil d’immunité. Dans l’hypothèse moyenne, cette vague provoquera un afflux dans les hôpitaux tout à fait comparable à celui de l’automne dernier. Ce ne sera pas une vague de cas bénins », a expliqué Bernard Jomier, qui est aussi médecin. Cette semaine, le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, a affirmé s’attendre à une quatrième vague à l’automne, mais elle sera « beaucoup plus nuancée que les trois premières », grâce, selon lui, au niveau de vaccination atteint.
« Les taux actuels de couverture vaccinale sont, si l’on en croit les hypothèses de l’étude, nettement insuffisants pour qu’un scénario d’une quatrième vague sans mesure restrictive de type couvre-feu soit vraisemblablement envisagé », insistent les sénateurs qui demandent au gouvernement de mettre en œuvre une « stratégie de circulation minimale du virus ».
Politique de proximité et obligation vaccinale
Pour transformer « la future vague en vaguelette », les membres de la chambre Haute formulent plusieurs recommandations. D’abord, ils jugent « insuffisant » le nombre de vaccinés en France. « 34 millions de Français ont reçu une dose. C’est insuffisant, il en faut 10 millions de plus », a prévenu Bernard Jomier. Pour faire repartir des vaccinations qui stagnent, les parlementaires proposent donc de développer une stratégie « d’aller vers ». Comprendre : ne plus se contenter des centres de vaccination et mettre en place une politique active : « aller vers les populations qui vivent dans des quartiers, des communes très touchées », notamment via la médecine de ville.
Surtout, les sénateurs préconisent la vaccination obligatoire, en se concentrant, dans un premier temps « vers les seules classes d’âge intermédiaires (24-59 ans) ». « La vaccination des soignants est légitime. Mais son impact n’est pas de nature à changer totalement l’épidémie. Les 18-59 ans sont très contributifs à la circulation du virus. Une décision doit être prise d’ici mi-juillet », a demandé Bernard Jomier. Les sénateurs souhaitent donc « la saisine en urgence du Haut Conseil de la santé publique et de la Conférence nationale de santé, afin que l’avis de ces deux organismes […] puisse asseoir la légitimité des décisions à venir. »
Pour l’heure, interrogé sur la possibilité de rendre la vaccination obligatoire pour, par exemple, se rendre au restaurant ou au musée, Gabriel Attal a posé deux conditions ce jeudi sur LCI : qu’une telle « évolution » soit « efficace » pour convaincre de se faire vacciner, et qu’elle soit « faisable », c’est-à-dire que le contrôle des personnes à l’entrée des établissements soit « opérationnel » techniquement. Toutefois, avant d’en arriver là, il faut « continuer à déployer des efforts pour aller convaincre ceux qui ne sont pas vaccinés », en « mobilisant les médecins traitants » et en posant « à partir d’un certain moment la question de la gratuité du test ». L’élargissement du recours au pass sanitaire, déjà activé depuis le 9 juin, ou le fait de rendre payants les « tests de confort », sont aussi en discussion.
« Il faut renforcer l’incitation, mais la question de l’obligation vaccinale n’est pas un tabou, et n’est pas une atteinte aux libertés individuelles », a martelé Bernard Jomier en conférence de presse.
Relancer le « tester/tracer/isoler » et instituer le dépistage massif en milieu scolaire
Du reste, les sénateurs plaident pour relancer la stratégie du « tester/tracer/isoler », mais de manière efficiente. « Nous devons reprendre cette stratégie sans réitérer les erreurs précédentes », a souligné Bernard Jomier, qui la jugeait « défaillante » dans son application l’été dernier. D’autant qu’il lui paraît primordial de « ne pas tout miser sur la vaccination ».
Autre inquiétude : la rentrée scolaire 2021. « Dans l’étude qui nous a été remise se pose particulièrement la question du dépistage en milieu scolaire. Elle démontre qu’un dépistage systématique, hebdomadaire, par le test salivaire est à même de réduire fortement la circulation du virus. Elle est un outil important pour transformer la vague en vaguelette », a développé Bernard Jomier. Jusqu’ici, il juge la politique de test du ministère de l’Education nationale « aléatoire ». Il réclame donc une stratégie « ambitieuse » pour la rentrée prochaine.