Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Covid-19 : fin février 2020, l’heure est encore à l’union sacrée entre l’opposition et le gouvernement
Par Public Sénat
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Nous sommes le 27 février 2020, à moins de trois semaines d’un confinement généralisé de la France, que personne n’imagine alors encore. Au gouvernement, la gestion de crise prend une tournure plus solennelle ce jeudi-là. Dans un souci d’afficher la mobilisation de son gouvernement, et de préparer toute éventualité, le Premier ministre Édouard Philippe convie à l’hôtel de Matignon tous les responsables politiques du pays : présidents des Assemblées, présidents de groupes parlementaires, présidents de partis et représentants d’associations d’élus locaux. Quatrième épisode de notre série sur les débuts du coronavirus, vus depuis le Sénat.
La dégradation de la situation sanitaire dans le nord de l’Italie crée alors des remous dans les rangs de l’opposition. Il faut donc déminer. Face aux forces politiques, Édouard Philippe rappelle que depuis l’émergence de la crise sanitaire en janvier, les données scientifiques servent de « boussole » aux décisions de l’exécutif, et que la France doit s’adapter en permanence à la menace.
« Il y a lieu ni d’avoir peur, ni d’être négligent », insiste le Premier ministre Édouard Philippe
Aux craintes d’une épidémie sur le sol français, le Premier ministre ne souhaite pas rajouter un conflit politique et laisser un climat de psychose se développer. « Nous voulons répondre à cette inquiétude, en utilisant la seule méthode qui vaille face au risque : la mobilisation, le calme et la raison », fait valoir le Premier ministre, à l’issue de la réunion. Tout est examiné : le nombre de lits ouverts dans chaque territoire, la gestion des masques et des médicaments, les moyens en termes de tests, la politique de quarantaine, les interrogations sur la recherche de vaccin, ou encore l’implication des élus locaux dans la gestion opérationnelle de crise.
Dans la droite ligne de la communication gouvernementale des semaines de février, Édouard Philippe assure dans la cour de Matignon que le pays est prêt. « Aujourd’hui, il y a lieu ni d’avoir peur, ni d’être négligent », conclut-il. L’exécutif précise qu’en parallèle de la préparation des hôpitaux, 200 millions de masques supplémentaires ont été commandés. Le discours d’Emmanuel Macron est tout aussi confiant, dans la même matinée, face aux soignants de la Pitié Salpêtrière à Paris.
« Le gouvernement fait le travail », considère Bruno Retailleau (LR)
Face aux journalistes, les différentes figures de l’opposition expriment un même parfum d’unité nationale. L’initiative du gouvernement est appréciée chez les parlementaires, particulièrement chez les sénateurs. « Il n’est pas question d’utiliser ce risque-là pour faire de la politique politicienne. Je pense qu’il y a besoin d’unité nationale, sans pour autant que le Parlement perde les moyens de contrôler l’action du gouvernement », résume, satisfait, Bruno Retailleau. Le chef de file de la droite sénatoriale estime que « le gouvernement fait le travail ».
Même état d’esprit chez son homologue, Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat. « Le coronavirus n’est ni de gauche, ni de droite, ni du centre. C’est un défi qui nous est collectivement lancé. Et nous devons avoir une réponse collective avec le gouvernement […] C’est une question d’unité nationale. »
Au sein des autres oppositions davantage représentées à l’Assemblée nationale, Jean-Luc Mélenchon témoigne au gouvernement sa confiance. « Si on a besoin de notre aide face au péril, on sera là », assure-t-il. Seule Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, fait figure de voix discordante ce 27 février. La députée affiche ses « divergences » avec la stratégie du gouvernement, principalement sur la gestion des frontières. La décision de les laisser ouvertes « relève plus de l’idéologie que du pragmatisme nécessaire », selon elle. La venue, la veille, de supporters italiens à Lyon pour un match de Ligue des champions, a fait l’objet de critiques.
A deux semaines et demi du premier tour des élections municipales, le sujet d’une éventuelle menace sur le scrutin a aussi été évoqué. Là aussi, l’exécutif est face à une matière inflammable avec les oppositions. Julien Bayou, le patron d’Europe Ecologie-Les Verts, pose la question de leur maintien. Édouard Philippe – partie prenante dans ce scrutin puisqu’il est tête de liste au Havre – lui assure qu’il n’est ni question de les annuler, ni de les repousser. François Baroin, au nom de l’Association des maires de France, demande comment les nombreuses réunions peuvent s’organiser, avec la menace du covid-19.
L’augmentation marquée du nombre de cas
En fin de soirée, la pointe émergée de l’iceberg se fait plus menaçante. « Nous faisons face à une augmentation sensible du nombre de cas sur notre territoire », détaille le ministre Olivier Véran, aux côtés du directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, lors d’un nouveau point de situation journalier. 38 cas sont recensés en France, soit 20 de plus que la veille. Mais le ton se veut toujours confiant. Le gouvernement considère qu’il conserve un « temps d’avance » sur le virus, grâce à 138 établissements en capacité d’accueillir des patients covid-19. « Notre système de santé est prêt. Nous ne sommes pas en réaction, puisque nous sommes depuis des semaines dans l’anticipation », martèle le ministre de la Santé.
Le foyer le plus important de contamination se trouve dans l’Oise, avec l’existence d’une « chaîne de transmission », en lien avec la base aérienne. Environ 200 agents hospitaliers de l’hôpital de Compiègne et de celui de Creil sont placés à l’isolement. De 38 cas le 27 février, la France passe à 57 le lendemain. Un bond de 50 %. Au cours du week-end, un Conseil de Défense et un Conseil des ministres sont réunis pour faire le point. Le stade 1 de l’épidémie (sur une échelle de 3) vit ses dernières heures, la confiance et la bienveillance des oppositions parlementaires vont, elles aussi, progressivement s’effriter.
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