Débattu depuis le début de l’après-midi de ce 20 mars, le projet de loi de finances rectificatives a été adopté très largement au Sénat ce soir, sans modifier d’une virgule le texte transmis par les députés la veille, accélérant ainsi son entrée en application. Le Parlement l’a donc définitivement adopté par ce vote « conforme ». « On le fait dans un esprit de responsabilité », a insisté Bruno Retailleau, le président du groupe LR, majoritaire au Sénat. « Le pays a besoin d’une réponse d’extrême urgence ». 327 sénateurs ont voté pour. On ne recense aucun vote contre. Le groupe communiste s’est abstenu car il a estimé que ses questions étaient restées « sans réponse ».
Le texte, présenté en urgence ce mercredi en pleine épidémie de coronavirus, prévoit la mise en place d’un plan de soutien de 45 milliards d’euros pour sauvegarder le tissu économique, en très grande difficulté depuis l’instauration du confinement et la fermeture des commerces jugés non essentiels. Ce plan va permettre de financer des annulations et des reports de charges pour les entreprises, et le financement d’un chômage partiel prenant en charge 100% du salaire. Il prévoit également la création d’un fonds de solidarité d’un milliard d’euros pour mettre sous perfusion les artisans, commerçants et très petites entreprises victimes d’un effondrement de leur chiffre d’affaires.
L’État s’engage également avec ce projet de loi à garantir 300 milliards d’euros de BPI France pour assurer les prêts bancaires des entreprises.
Ce projet de loi de finances rectificative est basé sur des prévisions budgétaires très dégradées : une baisse des recettes fiscales de 10,7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale votée fin 2019, et un déficit public de 3,9% du PIB (contre 2,2% attendus).
Retrait d’un amendement pour favoriser le recours aux heures supplémentaires
Au cours des six heures d’examen, l’hémicycle s’est résolu à retirer les deux amendements soutenus par le rapporteur général, le sénateur LR Albéric de Montgolfier, après avoir obtenu des garanties du gouvernement. C’est ainsi que l’amendement, exonérant les heures supplémentaires de l’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, pendant l’état d’urgence sanitaire, a été retiré par son auteur, malgré l'unanimité politique sur ce sujet, de la gauche à la droite.
Pas opposé sur son principe, le gouvernement a expliqué que la discussion devait se poursuivre, notamment dans le cadre d’un prochain texte. La majorité sénatoriale entendait soutenir les salariés qui font face à un surcroît d’activité dans des secteurs en tension ou exposés sanitairement.
Un prochain projet de loi de finances rectificative avant juin
Le Parlement et le gouvernement se retrouveront prochainement pour un prochain projet de loi de finances rectificative, car les données macroéconomiques, et donc budgétaires, seront amenées à évoluer dans cette crise mondiale inédite. « Au plus tard avant la fin du premier semestre. Peut-être dans un mois ou deux », a précisé Olivier Dussopt. Présent au plateau, Gérard Larcher gardera en mémoire cette promesse. « Nous suivrons avec beaucoup d’attention pour que les semaines ne deviennent pas des mois. Parce qu’il y a urgence, nous y serons extrêmement attentifs. »
Le rapporteur général, et la majorité sénatoriale de droite et du centre, ont également fait une concession en retirant un amendement réclamant un contrôle périodique sur les mécanismes instaurés par le projet de loi de finances rectificative. Le texte en restera à la modification apportée par l’Assemblée nationale, à l’initiative du groupe LR : l'installation d’un comité de suivi auprès du Premier ministre, composé de parlementaires, de représentants des collectivités territoriales et d’entreprises, pour suivre l’évolution des garanties d’État et de l’utilisation du fonds de solidarité. « Mon souhait ce soir, c’est d’apporter la réponse la plus réactive possible, en votant ce projet de loi d’urgence. Si nous pouvions nous orienter vers un vote conforme [avec l’Assemblée nationale] … ça ne veut pas dire pour autant un blanc-seing », a mis en garde Albéric de Montgolfier.
« Merci de nous éviter des déplacements à Bercy »
« Merci de nous éviter des déplacements à Bercy », a-t-il ajouté. En effet, le contrôle sur pièces et sur place des commissions des Finances du Parlement aurait été malvenu en période épidémique. Le rapporteur général a également souligné que le risque aurait été de trouver des bureaux « vides ». Les données du gouvernement seront bien transmises. « L’engagement est pris », a solennellement annoncé Olivier Dussopt.
Les débats ont également tourné autour du soutien à apporter à des acteurs en souffrance bien précis. À travers plusieurs amendements, la gauche a tenté de mettre en place des fonds de soutiens pour le spectacle vivant, les associations d’aide alimentaire, les collectivités territoriales ou encore les librairies indépendantes, victimes de la concurrence de la vente en ligne d’Amazon.
Ces amendements n’ont pas été retenus mais le début qui s’est tenu est peut-être le point de départ d’autres réponses. Ou d’un futur plan de relance. Mais le rapporteur général a considéré que le présent texte d’urgence, pour sauver les entreprises d’une faillite imminente, n’était pas le bon véhicule législatif. « Faut-il créer des fonds sectoriels ? On peut les multiplier à l’infini », a-t-il rétorqué, peu convaincu.
En réponse aux communistes qui s’interrogeaient sur la réalité des deux milliards d’euros annoncés en urgence pour le matériel hospitalier et le personnel médical, Olivier Dussopt a confirmé cet engagement, pourtant absent du texte. Tout simplement car ces crédits relèveraient d’une loi de financement de la Sécurité sociale rectificative. Le ministre n’a pas exclu la présentation d’un tel texte dans les mois futurs. Ni la modification de l’Ondam, l’objectif national des dépenses de l’Assurance maladie.