Coronavirus: la gauche entre critiques et volonté d’union nationale
La crise du coronavirus place la gauche face à un dilemme: comment se faire entendre, y compris dans la critique du gouvernement, sans...
Par Nadège PULJAK
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Publié le
La crise du coronavirus place la gauche face à un dilemme: comment se faire entendre, y compris dans la critique du gouvernement, sans apparaître en rupture avec l'union nationale dans un contexte particulièrement anxiogène ?
Reprocher au gouvernement sa façon de conduire une "guerre" qui cause chaque jour la mort de plusieurs centaines de Français lui fait courir le risque de paraître opposée aux appels à l'union sacrée contre le virus que repète le président Emmanuel Macron.
Sur le fond, et face à l'aggravation attendue de la situation dans les quinze jours à venir, les principaux leaders de gauche continuent à juger sévèrement l'exécutif.
Le premier secrétaire du PS Olivier Faure dénonce ainsi un "décalage croissant entre les discours martiaux du président et le terrain". Jean-Luc Mélenchon (LFI) accuse Emmanuel Macron de vouloir "confiner la pensée critique". Fabien Roussel (PCF) pousse "un coup de gueule" devant la pénurie de masques et autre matériels de protection.
Mais la ligne de crête est étroite, d'où la volonté des mêmes de rester modérés sur la forme - d'autant plus que, comme l'explique le politologue Jean-Daniel Lévy (HarrisInteractive), "les Français ne pensent pas que les choses seraient mieux gérées si la gauche était au pouvoir".
Jean-Luc Mélenchon à l'Assemblée nationale le 22 mars 2020
AFP/Archives
"Nous serons toujours au rendez-vous de l'intérêt général" mais resterons "une opposition, sans acrimonie", prévenait le 21 mars à l'Assemblée M. Mélenchon, député des Bouches-du-Rhône. Pas question pour lui de "jouer les béni-oui-oui", a insisté dimanche son entourage auprès de l'AFP.
Depuis le début du confinement, l'ancien candidat à la présidentielle multiplie les propositions: planification de la mobilisation sanitaire, nationalisation de Luxfer -une usine auvergnate de fabrication de bouteille à oxygène médical fermée depuis des mois-, versement de 100% de leurs salaires aux travailleurs réduits au chômage...
- "C'est urgentissime" -
"Gérer une crise comme celle-là est très compliqué" et "on ne veut pas se poser en donneurs de leçons", a affirmé dimanche à France Inter et au Monde M. Faure, qui demande lui aussi la nationaliation de Luxfer et 100% des salaires aux chômeurs, "plafonnés à 2,5 Smics".
Fabien Roussel à l'Assemblée nationale le 21 mars 2020
POOL/AFP/Archives
Sans vouloir "affaiblir le gouvernement", ajoutait-il, "en tant que parlementaire, mon devoir est de contrôler l'action du gouvernement. La démocratie ne peut pas être mise en quarantaine".
"L'unité nationale, il faut avoir la volonté de la construire. Or, ce n'est pas du tout le cas. A trois reprises, le Premier ministre a convoqué les chefs des partis politiques... sans jamais nous consulter sur la stratégie ou sur les scénarios de sortie de crise", avait-il affirmé samedi à l'AFP.
"On ne sous-estime pas la difficulté de la tâche" pour le gouvernement, affirme également Boris Vallaud, porte-parole du PS. "Mais on demande de la transparence, de la constance. Or, ça manque de clarté. Une démocratie exigeante est l'une des conditions de la victoire contre le coronavirus", affirme-t-il. "Après la crise, il sera temps de réfléchir à ce qui n'a pas fonctionné", ajoute Valérie Rabault, présidente des députés PS.
Dimanche, au lendemain de l'intervention d'Edouard Philippe promettant l'arrivée prochaine d'un milliard de masques, Fabien Roussel affirmait à l'AFP être "très en colère". "Pour freiner l'épidémie, il faut stopper les activités essentielles. Le Premier ministre n'en a pas parlé. Quand aux masques, c'est tout de suite qu'il les faut. C'est urgentissime! Dans les Ehpad, on va vers une situation catastrophique".
Chaque jour, M. Roussel organise une visio-conférence avec les autres responsables de son parti. "On fait le point sur les besoins et on sollicite les entreprises en mesure d'y répondre. On bricole localement", explique-t-il. Pour remédier à la pénurie de masques par exemple, il a fait appel aux entreprises de textile du Valenciennois, dont quatre ont commencé à fabriquer des masques en tissu.
"Pourquoi la pénurie? Non, on ne peut pas comprendre", s'emporte le communiste. "Mais on n'est pas à l'heure de l'opposition, on est à l'heure de trouver des solutions. Après, le temps viendra de demander des comptes", promet-il également.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.
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