Convention climat : « Il faut respecter le travail des 150 citoyens », plaide Laurence Tubiana

Convention climat : « Il faut respecter le travail des 150 citoyens », plaide Laurence Tubiana

Les sénateurs de la commission du développement durable, auditionnaient ce mercredi, la coprésidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne pour le climat, ainsi que Jean-Pierre Cabrol, coprésident de l’association « Les 150 ».
Public Sénat

Par Pierre Maurer

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

Alerter, défendre, expliquer. Alerter sur l’urgence climatique, défendre le bilan de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) et expliquer son fonctionnement à des élus parfois sceptiques sur la démarche. Ce sont les objectifs que s’étaient fixés Laurence Tubiana et Jean-Pierre Cabrol face aux sénateurs de la commission du développement durable, qui les auditionnaient ce mercredi. La Haute Assemblée pourrait examiner en juin prochain le projet de loi qui découle de la Convention, reprenant bon nombre de ses propositions. Mais certains conventionnaires estiment déjà que le texte du gouvernement « détricote » leurs propositions et les amoindrit alors que le président de la République avait promis de reprendre 146 propositions sur 149 « sans filtre ». Le CESE a d’ailleurs regretté ce mercredi que des mesures de la loi Climat soient « souvent limitées » et « différées ». En attendant les débats au Parlement, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de soumettre à référendum l’intégration de la préservation de l’environnement et de la biodiversité dans l’article 1 de Constitution. Or, la majorité sénatoriale a déjà annoncé son hostilité à une telle réforme.

Laurence Tubiana a d’abord rappelé l’urgence climatique « très préoccupante », qui doit signifier « un changement très profond de nos sociétés », objet de travail de la Convention. « Les émissions françaises de gaz à effet de serre ont baissé de 0,9 % par rapport à 2018. Il va falloir qu’on accélère. Il y a un grand décalage entre les objectifs pris au niveau politique et la réalité des changements sur le terrain », a alerté la coprésidente du comité de gouvernance de la Convention. Si l’accord de Paris génère un « effet domino positif » puisque beaucoup de pays émergents se fixent désormais un objectif « qui était avant hors de portée », elle ne l’estime pas suffisant.

« Il y a peu de responsables politiques français qui ont passé autant de temps à travailler sur le climat »

L’intérêt de la convention citoyenne face à cette urgence ? « Partager les choix ». Explications : « Il y a un consensus dans la société sur la perception du risque climatique. Mais en même temps les changements sont si profonds qu’une décision seulement par le haut, ne va pas fonctionner. On voit qu’on ne doit pas reporter les choix mais qu’ils doivent être partagés. D’où l’intérêt de la Convention citoyenne », a défendu l’universitaire devant les parlementaires. D’autant que, selon elle, le principe de la Convention permet de savoir « où en est la société française ». Elle relève : « Je suis toujours frappée de ce qui vient tout de suite dans la bouche de nombreux responsables politiques : ‘Les citoyens ne sont pas prêts’ ».

Laurence Tubiana a donc tenté de déminer l’épineux sujet de la représentation démocratique d’une telle Convention composé de citoyens tirés au sort. « On peut comprendre l’émotion des élus. Mais ces conventions citoyennes n’ont pas vocation à remplacer l’exercice démocratique représentatif, sinon on marcherait sur la tête », a-t-elle expliqué. D’après l’économiste, de telles conventions permettent d’instaurer un « dialogue » entre les citoyens et les élus et sont un « instrument » pour rétablir la confiance dans les institutions de la République. « Une fois l’exercice fini, il faut un grand respect pour le travail de ces citoyens. Il ne faut pas les traiter à la légère. Après la Convention citoyenne j’ai beaucoup entendu que les citoyens étaient manipulés par des écologistes fondamentalistes », a-t-elle regretté. Et de tancer : « Il y a peu de responsables politiques français qui ont passé autant de temps à travailler sur le climat ».

À l’écouter, la Convention a eu le mérite de prouver que « les citoyens français s’intéressent à la chose publique et sont prêts à prendre des décisions difficiles. » Autrement dit, ce qui n’est parfois pas le cas des politiques… Dont les ambitions climatiques sont encore trop prudentes à ses yeux. Ainsi, « 14 % des ménages français sont concernés par la précarité énergétique ». Laurence Tubiana plaide donc pour une politique écologique priorisant les mesures sociales : « L’accès à l’alimentation saine, aux transports bas carbone, ce n’est pas juste pour les bobos parisiens. Oui ça coûte de l’argent mais peut-être que c’est un très bon investissement ». Elle pense aussi qu’il faut réfléchir « à quoi ressemblerait un Green deal français »

Pour l’heure, que manque-t-il à la France sur le volet écologique ? « Un plan de relance précis dans les 5 ans pour atteindre l’objectif fixé de -50 % d’émissions de gaz à effet de serre », répondent-ils.

« Nous sommes pour la majorité, arrivés non écolo, et nous sommes repartis de la même façon de cette Convention »

Même triptyque pour Jean-Pierre Cabrol, coprésident de l’association « Les 150 ». Chef d’entreprise en Haute-Savoie, il a d’abord alerté sur la situation climatique : « Si rien n’est fait, en 2050, la température moyenne augmentera de 3 à 5 degrés. Si rien n’est fait à la fin de ce siècle, près de la moitié de la surface de la planète ne sera plus habitable ». Il ajoute : « Emettre du gaz à effet de serre, ce n’est pas anormal. Mais il faut moins en émettre et avoir des capacités de stockages. On détruit tous les deux ans l’équivalent d’un département au niveau de la pollution des sols. »

Puis il a défendu les « 150 ». « Nous sommes pour la majorité arrivés non écolo, et nous sommes repartis de la même façon de cette Convention. C’était une véritable représentativité de la population française : de tout âge, de tout bord, de tout milieu social », a-t-il affirmé, ajoutant que ce qui est « formidable » avec cette Convention, c’est « d’avoir eu la capacité de nous écouter tous ».

Il a enfin expliqué longuement le travail de la convention et ses objectifs. « Nous devions identifier les principaux pollueurs. Le premier secteur pollueur est celui du transport (30 % des émissions de gaz à effet de serre), le deuxième l’agriculture (27 %), et enfin l’habitat (25 %). » Ils ont également livré des solutions : l’électrification dans le secteur du transport, la rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment. Mais rien ne va assez vite. « Pour être dans les clous il faut rénover 500 000 logements par an pour un coût de 150 milliards en dix ans. On en est loin », a souligné Jean-Pierre Cabrol.

Il a également attiré l’attention des sénateurs sur le manque d’information des citoyens sur le réchauffement climatique. « Pour avoir discuté avec mes voisins, les gens ne sont pas informés de ce qu’il se passe. Le dérèglement climatique c’est un peu comme le tabagisme : un jour le diagnostic va tomber et là, ce sera un peu tard ». Il propose donc de développer des « carbones scores » et de la publicité audiovisuelle à destination du public.

Et le référendum dans tout ça ? « Ça m’importe peu. C’est un symbole et je ne m’attache pas aux symboles. Je ne vois pas l’intérêt du sujet », a cinglé Jean-Pierre Cabrol.

Dans la même thématique

Paris: French Government Weekly Cabinet Meeting
5min

Politique

Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement

Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.

Le

Convention climat : « Il faut respecter le travail des 150 citoyens », plaide Laurence Tubiana
4min

Politique

Retraites : « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », dénonce Ian Brossat

C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».

Le

Convention climat : « Il faut respecter le travail des 150 citoyens », plaide Laurence Tubiana
4min

Politique

« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure

Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.

Le