Chacun veut avoir son mot à dire. Au tour de l’Association des maires de France (AMF) de prendre position sur la révision constitutionnelle, présentée en conseil des ministres le 9 mai prochain. Assemblée nationale et Sénat se sont déjà exprimés. L’exécutif a présenté les grandes lignes de sa réforme. Mais les communes ne veulent pas être oubliées.
François Baroin, maire LR de Troyes et à la tête de l’AMF, présente ce jeudi, en fin d’après-midi, les propositions de l’association d’élus à Gérard Larcher, président de la Haute assemblée. Elles seront bien sûr transmises au gouvernement. L’ancien sénateur de l’Aube a certes annoncé son retrait de la vie politique. L’ancien ministre de l’Economie rejoint la banque d’affaires Barclays. Mais il n’a en réalité pas encore totalement raccroché et sert encore la cause des communes.
Constitutionnaliser la place des communes
« Avant toute chose », l’AMF veut constitutionnaliser la place des communes, rappeler « l’action du maire au nom de l’Etat » et surtout inscrire dans la loi fondamentale la clause de compétence générale. Elle permet aux communes d’intervenir sur tous les sujets. Un pouvoir auquel les maires sont attachés. Mais il semble difficile que le pouvoir accepte de figer cette situation. Sous François Hollande, la clause de compétence générale a été supprimée en 2015 pour les départements et régions. On pourrait imaginer qu’un pouvoir futur veuille le faire pour les communes, et pourquoi pas, comme le proposait un rapport en 2015, transférer cette clause de compétence générale des communes aux intercommunalités.
La proposition surprend quelque peu Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine. « Je ne pensais pas que la clause de compétence générale relevait de la Constitution » affirme-t-il sur Public Sénat (voir la vidéo). Mais il comprend la position des maires, « qui se disent, "ils nous ont réduit les dotations, alourdi les charges". Les maires veulent ceinture et bretelle et rêve de la Constitution ». Globalement, Roger Karoutchi estime que les propositions de l’AMF « vont dans le bon sens ». De quoi inspirer les sénateurs LR : « Nous les soutiendrons et nous en ferons des amendements », lors de l’examen du texte.
Karoutchi : "Je ne pensais pas que la clause de compétence générale relevait de la Constitution"
L’association d’élus a aussi dans le collimateur le non-cumul dans le temps, que le gouvernement veut limiter à trois mandats successifs pour les parlementaires et présidents d’exécutif locaux. La majorité sénatoriale, opposée à l’origine à la mesure, a déjà obtenu qu’elle ne s’applique pas aux communes de moins de 9.000 habitants. Surtout, elle ne serait pas rétroactive et ne devrait entrer en vigueur que lors des municipales de 2038. C’est encore trop pour les maires. L’AMF ne veut tout simplement pas de ce seuil ni de la mesure, qui « n’est pas acceptable pour l’AMF car elle porte atteinte à la liberté de choix des électeurs ».
L’AMF veut inscrire noir sur blanc l’autonomie financière, déjà reconnue
L’aspect financier préoccupe aussi les maires. Surtout dans un contexte de baisse des dotations de l’Etat, depuis des années. L’AMF aimerait profiter de la réforme pour inscrire noir sur blanc dans la Constitution le « principe d’autonomie financière et fiscale des collectivités » afin qu’elle ait leur « ressource propre ». Cette autonomie financière est pourtant déjà reconnue par l’article 72-2 de la Constitution. Il dit que « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi » et « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine ».
Mais au moment où Emmanuel Macron veut étendre la suppression de la taxe d’habitation à tous, la question de la fiscalité locale est un enjeu crucial pour les villes. Elle sera au cœur de la prochaine conférence des territoires. Pour remplacer les recettes issues de la taxe d’habitation, la piste d’une part d’un impôt national est évoquée. Mais au risque de mettre à mal l’autonomie fiscale des communes. On comprend mieux la volonté de l’AMF d’insister sur ce point.
Loi de finances spéciale pour les collectivités
L’AMF ressort aussi deux propositions que l’association avait déjà formulées : la mise en place d’une loi de finances annuelle spécifique aux collectivités locales et que l’article 40 de la Constitution leur soit appliqué. Selon cet article, il n’est pas possible d’adopter un amendement à un texte qui aurait pour conséquence de diminuer les ressources publiques ou d’aggraver les dépenses.
L’AMF fait encore une autre demande… déjà dans le texte de 1958. « La création ou l’extension d’une compétence ou d’une mission par l’Etat augmentant les dépenses des collectivités doit s’accompagner de compensations strictement proportionnées » demande encore l’AMF. L’article 72-2 de la Constitution assure pourtant déjà que « tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».
Sur le droit à l’expérimentation, que prévoit la réforme, « l’AMF est favorable à ce que la loi ou le règlement permette un exercice différencié des compétences des collectivités territoriales (dérogation ou adaptation) qui serait pérennisé sans pour autant être généralisé. L’évolution constitutionnelle du droit à l’expérimentation ne doit pas remettre en cause le principe de non-tutelle entre collectivités » demande l’association. Enfin, l’AMF en profite pour en remettre une couche sur la « lutte contre la prolifération et l’instabilité des normes », sujet qui revient régulièrement en haut de la pile des doléances.