Conseil national LR : où en est Laurent Wauquiez ?

Conseil national LR : où en est Laurent Wauquiez ?

À la veille du conseil national LR et au lendemain de son passage sur France 2 qui n’a pas réuni les foules, le nouveau patron des Républicains a encore fort à faire pour s’assurer un statut d’opposant numéro 1.
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Sa rentrée politique en tant que nouveau patron de la droite française n’a pas attiré les foules. Invité de l’Émission politique sur France 2, Laurent Wauquiez n’a rassemblé que 1,49 million de téléspectateurs, 6,8% de part d’audience, soit le plus mauvais résultat de l’émission, derrière Benoît Hamon (1,72 million) invité le 8 décembre 2016.

Sondage : pour les Français, Wauquiez n’est pas honnête, pas compétent et pas sympathique

Avant même le début de l’émission, sur les réseaux sociaux, on s’amusait d’un sondage réalisé par Odoxa-Dentsu Consulting pour France Info et le Figaro. Le patron des Républicains y est perçu pour la majorité des Français comme  « pas compétent » (57%), « pas sympathique » (61%) et « pas honnête » (64%). « Les Français ont un doute sur sa sincérité. Ils ont du mal à cerner le personnage. Avant la campagne pour la présidence des Républicains, ce qui ressortait, c’était une grande indifférence à son égard » précise Céline Bracq, directrice générale de l’institut Odoxa. Invité de l’émission Parlement hebdo, sur les chaînes parlementaires, le député LR, Damien Abad tempère : « Aujourd’hui, Laurent Wauquiez est moins connu qu’Emmanuel Macron, donc cela a un impact sur les sondages, mais je ne crois pas qu’il y ait une adhésion populaire des Français à Emmanuel Macron ». Il est vrai que les résultats s’inversent chez les sympathisants LR, qui le jugent le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, sympathique (66%), honnête (71%) et compétent (73%).

Province contre Paris

Plutôt discret dans les médias depuis son élection à la tête de LR dès le premier tour avec 75% des voix, Laurent Wauquiez a déjà  posé les bases de sa stratégie politique. Surjouant l’opposition de la province contre le pouvoir central parisien censé être incarné par Emmanuel Macron, Laurent Wauquiez en a remis une couche, mardi, lors de sa visite au groupe LR du Sénat en arguant que « les élus de terrain avaient une parole de bon sens ». Ce qui manquait au gouvernement et au président de la République « à l’approche trop parisienne » à son goût.

« Ça fait trop d'années que la droite a capitulé »

Sur France 2, Laurent Wauquiez a  appuyé sur ses thèmes de prédilection : l’immigration et l’identité française, avec comme objectif affirmé de « diminuer au moins de moitié le niveau d'immigration actuel pour  le ramener au-dessous de la barre des 100.000 » annuels. Et de remettre « tout à plat »: regroupement familial, instauration de quotas, droit du sol. « Ça fait trop d'années que la droite a capitulé, qu'elle a renoncé à aborder un certain nombre de thèmes » a-t-il regretté.  

« Laurent Wauquiez est clairement sur l’idée qu’il faut arrêter de jouer au poker menteur sur l’Europe »

Sur l’Europe, l’ancien ministre des affaires européennes de novembre 2010 à juin 2011,  a réaffirmé ses positions souverainistes. « Il faut aussi dire à un moment aux Allemands: ça n'est pas possible que vous soyez les seuls à profiter du système économique européen », a-t-il estimé, en préconisant de « donner la priorité à nos entreprises », notamment pour les marchés publics. « Laurent Wauquiez est clairement sur l’idée qu’il faut arrêter de jouer au poker menteur sur l’Europe. D’autant que si Alain Juppé a finalement un rôle à jouer pour La République en Marche aux prochaines Européennes, cela validera le positionnement de l’actuel leader des Républicains. C'est-à-dire une droite moins européenne mais plus populaire » analyse Bruno Cautrès, chercheur au centre d'études de la vie politique française (Cevipof).

Wauquiez a-t-il soutenu l’entrée de la Turquie en Europe en 2010 ?

Néanmoins, Laurent Wauquiez, dont le premier mentor en politique n’était autre que le très européen Jacques Barrot, ancien vice-président de la commission européenne, n’a pas toujours été sur cette ligne. Et le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, s’est engouffré dans cette brèche en affirmant que Laurent Wauquiez avait soutenu l’entrée de la Turquie dans l’Europe lorsqu’il était en fonction. « Vous plaisantez ou quoi? Je veux bien que plus c'est gros plus ça passe. Mais alors vraiment vous pouvez prendre la totalité de tous les propos que j'ai toujours tenus. J'ai toujours dit avec la plus grande netteté que la Turquie n'avait pas sa place à l'intérieur de l'Union européenne » lui a-t-il répondu. Comme l’a rappelé le site checknews de Libération, pendant la période où a été ministre Laurent Wauquiez, aucun chapitre de négociation sur l’entrée de la Turquie n’a été ouvert.

Le leader de la droite s’est posé en défenseur des classes populaires et des retraités. « Votre politique n'est pas juste », « 40% des cadeaux fiscaux vont aux 5% Français les plus riches », a-t-il lancé à Benjamin Griveaux. Il a aussi pris l’exemple d’un « couple de retraités qui va se retrouver à payer plus » à cause de l'augmentation de la CSG.

« Sur les thèmes économiques, Laurent Wauquiez a une carte à jouer si Emmanuel Macron peine à réaliser la réduction des 130 000 emplois publics qu’il avait promis durant la campagne. Ça redonnerait du grain à moudre à l’angle traditionnel de la droite. Sur les sujets sociétaux, la droite est plus divisée. Sa stratégie consiste à passer par pertes et profits le soutien du centre. Mais d’une manière générale, depuis la défaite de François Fillon, Laurent Wauquiez a acté qu’il fallait mieux avoir une assise moins large dans l’électorat mais avec une base plus cohérente »  explique Bruno Cautrès

À noter qu’il y a un an pratiquement jour pour jour, lors du conseil national LR, Laurent Wauquiez s’était opposé publiquement au candidat de la droite François Fillon. Le premier reprochant au second le « sang et des larmes » de son projet présidentiel, incarnés notamment par le refus de François Fillon de défiscaliser les heures supplémentaires. À la tribune du conseil national, Laurent Wauquiez avait interpellé le candidat à la présidentielle par cette formule : « Tu n’as pas besoin de clones autour de toi. C’est cette diversité qui fera notre force ».

Une première fronde chez Les Républicains

Cette phrase, depuis qu’il est à la tête du parti, Laurent Wauquiez aurait plus de mal à l’appliquer. C’est ce qu’estiment en tout cas ses adversaires malheureux à la présidence LR, Florence Portelli et Maël de Calan qui lui ont écrit une lettre pour contester la composition du prochain bureau politique (80 membres désignés dont 50 parlementaires) qui sera soumis à l’approbation du conseil national samedi. Ils estiment que leurs proches sont sous représentés au sein du bureau et lui demande le « respect de sa parole donnée » en décembre en leur accordant « une vingtaine de membres » pour eux deux. « Si Laurent Wauquiez est le premier stalinien de l'histoire de la droite, ce sera sans moi » a prévenu Florence Portelli qui menace comme Maël de Calan de quitter le parti s’ils n’obtiennent pas gain de cause.

Ce week-end, un « cabinet fantôme » pour contrer le gouvernement d’Édouard Philippe devrait également voir le jour avec « de jeunes talents » et « des députés compétents sur un certain nombre de sujets techniques » a dévoilé Damien Abad.

 

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