Conseil national des imams : les sénateurs demandent des précisions sur sa mise en œuvre

Conseil national des imams : les sénateurs demandent des précisions sur sa mise en œuvre

Encouragé par le président de la République, le Conseil français du culte musulman (CFCM) instaurera un conseil national des imams, chargé de labelliser les imams sur le territoire français. Les sénateurs saluent un « premier pas » mais demandent des précisions sur sa mise en œuvre.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

L’islam de France s’organise. A la demande d’Emmanuel Macron, qui les a reçus, ce mercredi, les dirigeants du Conseil français du culte musulman (CFCM) ont présenté les grandes lignes d’un conseil national des imams. Cette nouvelle instance sera chargée de labelliser les imams sur le territoire, et détiendra la possibilité de retirer à ces derniers leur agrément en cas de manquement à la charte et à un code d’éthique qu’elle devra élaborer. Le CFCM et les neuf fédérations qui le composent devront également présenter, d’ici une quinzaine de jours une « charte des valeurs républicaines » sur laquelle ils s’engageront. Une incitation du chef de l’Etat qui intervient alors que, selon l’Elysée, trois des fédérations composant le CFCM, dont le Milli Görüs, d’obédience turque, n’ont pas une « vision républicaine ». Emmanuel Macron a d’ores et déjà averti ces fédérations que « des conséquences seraient tirées », si celles-ci ne signaient pas la charte.

« C’est une avancée extrêmement positive », réagit le sénateur socialiste Gilbert Roger, membre de la mission d'information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte. « Cela fait des années qu’on explique à tous ceux qui s’occupent des communautés religieuses dans nos communes qu’il faut une organisation de cette pratique. Il est impératif de vérifier que ces communautés sont toujours dans la République, et ce sera la vocation de ce conseil. Le fait d’agréer des imams permettra de mieux contrôler ce qui s’organise d’un point de vue de la déontologie et de la pratique religieuse. »

« Soit on fait partie de la République, soit on n’en fait pas partie »

Certains membres de la Haute chambre se montrent toutefois plus sceptiques devant cette nouvelle annonce. « C’est sûrement un premier pas », consent la sénatrice centriste Nathalie Goulet, co-rapporteure du rapport « De l'Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés ». « C’est aux musulmans de France de s’organiser, et pas à l’Etat d’interférer. Le CFCM doit prendre en main cette question de façon indépendante et le plus important, comme nous l’avons écrit dans le rapport, est qu’il faut casser la chaîne de l’islam des consulats. » La sénatrice Les Républicains Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure du rapport « Radicalisation islamiste : Faire face et lutter ensemble », va plus loin. « Si le CFCM ne fait pas le ménage en son sein, je m’interroge sur l’utilité de cette mesure », soutient-elle. « Dans les instances du CFCM, il y a des personnes qui ne sont pas d’accord pour rentrer dans les lois de la République. Je pense qu’il faudrait avant tout exclure de cette instance tous ceux qui sont proches des Frères musulmans. Il n’y a pas de politique du juste milieu sur ce sujet : soit on fait partie de la République, soit on n’en fait pas partie. »

La formation des imams en question

Convaincus ou pas par la mise en place de ce nouvel organe de contrôle, les sénateurs attendent d’en savoir plus sur son organisation fonctionnelle et sa mise en place dans les faits. « J’attends des précisions », affirme Jacqueline Eustache-Brinio. « A qui va-t-on confier la mise en place de cette mission ? Qui seront les formateurs ? ». Car la question est intrinsèquement liée au sujet de la formation des imams sur le territoire français, et de la difficulté d’empêcher que ces formations n’aient lieu à l’étranger. « Ce conseil ne règle pas le problème de la formation », assure Nathalie Goulet. « Il faut que la France soit en mesure de proposer un cursus de formation, pour pouvoir former des imams en France. On a donc, avant tout, besoin d’un corpus de formation, d’un bloc de formateurs, et de moyens financiers pour ensuite pouvoir donner un statut à ces imams. Il ne faut pas qu’on se retrouve à nouveau avec des problèmes d’interférence de pays étrangers. »

Si pour Gilbert Roger, sénateur PS de la Seine-Saint-Denis, le conseil national des imams pourrait permettre, à terme « de régler le problème des imams radicalisés », il ne faudra pas, pour autant, mettre de côté les services de renseignement de proximité. « Je ne crois pas qu’on puisse mettre tout le poids de la responsabilité de la radicalisation sur le dos du CFCM, comme on ne pourrait pas le faire pour une autre religion. C’est de la responsabilité de l’Etat de s’assurer que ces questions ne dégénèrent pas sur son territoire », affirme l’élu socialiste.  

Dans la même thématique

Paris : illustrations of assize court of Paty s trial
5min

Société

Procès de l'assassinat de Samuel Paty : tous les accusés ont été reconnus coupables

Les deux amis de l’assassin du professeur Samuel Paty, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, ont été reconnus coupables de complicité d’assassinat et condamnés à 16 ans de réclusion criminelle. Le verdict a été accueilli par des cris et des pleurs de la part de la famille de Naïm Boudaoud, âgé de 22 ans. « Ce soir, c’est la République qui a gagné », s’est félicité Thibault de Montbrial, avocat de Mickaëlle Paty, une des sœurs du professeur assassiné. La cour a également déclaré coupables d’association de malfaiteurs terroriste les deux auteurs de la « campagne de haine « qui ont fait de Samuel Paty une « cible » : Brahim Chnina, 52 ans et le prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, ont écopé respectivement de 13 et 15 ans de réclusion criminelle. « J’ai compris que vous avez fait de la politique, pas de la justice », s’est exclamé depuis son box Abdelhakim Sefrioui avant d’être sèchement interrompu par le président, tandis que la famille de Brahim Chnina, très nombreuse sur les bancs du public, éclatait en sanglots et cris de désespoir. Vincent Brengarth, un des avocats d’Abdelhakim Sefrioui, a annoncé aussitôt que son client faisait appel de sa condamnation. Ouadie Elhamamouchi, autre avocat du prédicateur, a estimé que son client était désormais « un prisonnier politique ». « Je me désolidarise de ces propos-là », a cependant nuancé Me Brengarth, montrant des failles dans la défense du prédicateur. Avocat de la compagne de Samuel Paty et de leur fils, présent à l’audience, Francis Szpiner s’est félicité d’un « verdict équilibré ». Le fils de Samuel Paty, âgé seulement de 9 ans, a compris que « justice a été rendue pour son père », a-t-il ajouté. Si le quantum des peines n’est pas très différent de ce que réclamait le parquet, la cour présidée par Franck Zientara a choisi de maintenir l’infraction de « complicité » pour les deux amis d’Abdoullakh Anzorov, un islamiste radical tchétchène de 18 ans, abattu par la police peu après son acte. Les quatre autres accusés, dont une femme, appartenant à la « jihadosphère » qui était en contact avec Anzorov sur les réseaux sociaux, ont également tous été condamnés à des peines de prison ferme ou avec sursis. Pour deux d’entre eux (Ismaël Gamaev et Louqmane Ingar) la cour a retenu l’association de malfaiteurs terroriste tandis qu’elle a déclaré coupable Priscilla Mangel de provocation au terrorisme et Yusuf Cinar d’apologie du terrorisme. La veille de l’attentat, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov avaient accompagné Anzorov à Rouen pour y acheter un couteau (pas celui qui a servi à décapiter Samuel Paty) qui sera retrouvé sur la scène de crime. A l’audience, Boudaoud et Epsirkhanov ont répété qu’Anzorov leur avait expliqué que ce couteau était « un cadeau » pour son grand-père. Le jour de l’attentat, le 16 octobre 2020, Boudaoud, le seul sachant conduire, avait accompagné le tueur dans un magasin de pistolets airsoft puis l’avait déposé à proximité du collège où enseignait Samuel Paty. « Volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers » Les deux jeunes gens « avaient conscience de la radicalité » d’Anzorov et qu’il « avait la volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers », a estimé la cour. Cependant, a souligné le président Zientara, « il n’est pas démontré que (les deux jeunes gens) étaient avisés de l’intention d’Anzorov de donner la mort à Samuel Paty ». Les magistrats du Pnat avaient requis 14 ans de réclusion assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Boudaoud et 16 ans de réclusion également assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Epsirkhanov. La cour n’a cependant pas retenu la période de sûreté des deux tiers à leur encontre. Brahim Chnina, père de la collégienne qui a menti en accusant le professeur d’avoir discriminé les élèves musulmans de sa classe lors d’un cours sur la liberté d’expression où il a présenté une caricature de Mahomet, avait lui posté des messages et une vidéo hostile au professeur dès le 7 octobre. Quant à Abdelhakim Sefrioui, fondateur de l’association (aujourd’hui dissoute) pro-Hamas « Collectif Cheikh-Yassine », il avait qualifié Samuel Paty de « voyou » dans une autre vidéo. Mais rien ne prouve qu’Anzorov avait vu la vidéo d’Abdelhakim Sefrioui, avaient mis en avant ses avocats, ajoutant que leur client n’avait pas rencontré l’assassin de Samuel Paty. « La cour a considéré que (MM. Chnina et Sefrioui) avaient préparé les conditions d’un passage à l’acte terroriste », a indiqué M. Zientara. (Avec AFP)

Le