Conseil national des imams : les sénateurs demandent des précisions sur sa mise en œuvre

Conseil national des imams : les sénateurs demandent des précisions sur sa mise en œuvre

Encouragé par le président de la République, le Conseil français du culte musulman (CFCM) instaurera un conseil national des imams, chargé de labelliser les imams sur le territoire français. Les sénateurs saluent un « premier pas » mais demandent des précisions sur sa mise en œuvre.
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L’islam de France s’organise. A la demande d’Emmanuel Macron, qui les a reçus, ce mercredi, les dirigeants du Conseil français du culte musulman (CFCM) ont présenté les grandes lignes d’un conseil national des imams. Cette nouvelle instance sera chargée de labelliser les imams sur le territoire, et détiendra la possibilité de retirer à ces derniers leur agrément en cas de manquement à la charte et à un code d’éthique qu’elle devra élaborer. Le CFCM et les neuf fédérations qui le composent devront également présenter, d’ici une quinzaine de jours une « charte des valeurs républicaines » sur laquelle ils s’engageront. Une incitation du chef de l’Etat qui intervient alors que, selon l’Elysée, trois des fédérations composant le CFCM, dont le Milli Görüs, d’obédience turque, n’ont pas une « vision républicaine ». Emmanuel Macron a d’ores et déjà averti ces fédérations que « des conséquences seraient tirées », si celles-ci ne signaient pas la charte.

« C’est une avancée extrêmement positive », réagit le sénateur socialiste Gilbert Roger, membre de la mission d'information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte. « Cela fait des années qu’on explique à tous ceux qui s’occupent des communautés religieuses dans nos communes qu’il faut une organisation de cette pratique. Il est impératif de vérifier que ces communautés sont toujours dans la République, et ce sera la vocation de ce conseil. Le fait d’agréer des imams permettra de mieux contrôler ce qui s’organise d’un point de vue de la déontologie et de la pratique religieuse. »

« Soit on fait partie de la République, soit on n’en fait pas partie »

Certains membres de la Haute chambre se montrent toutefois plus sceptiques devant cette nouvelle annonce. « C’est sûrement un premier pas », consent la sénatrice centriste Nathalie Goulet, co-rapporteure du rapport « De l'Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés ». « C’est aux musulmans de France de s’organiser, et pas à l’Etat d’interférer. Le CFCM doit prendre en main cette question de façon indépendante et le plus important, comme nous l’avons écrit dans le rapport, est qu’il faut casser la chaîne de l’islam des consulats. » La sénatrice Les Républicains Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure du rapport « Radicalisation islamiste : Faire face et lutter ensemble », va plus loin. « Si le CFCM ne fait pas le ménage en son sein, je m’interroge sur l’utilité de cette mesure », soutient-elle. « Dans les instances du CFCM, il y a des personnes qui ne sont pas d’accord pour rentrer dans les lois de la République. Je pense qu’il faudrait avant tout exclure de cette instance tous ceux qui sont proches des Frères musulmans. Il n’y a pas de politique du juste milieu sur ce sujet : soit on fait partie de la République, soit on n’en fait pas partie. »

La formation des imams en question

Convaincus ou pas par la mise en place de ce nouvel organe de contrôle, les sénateurs attendent d’en savoir plus sur son organisation fonctionnelle et sa mise en place dans les faits. « J’attends des précisions », affirme Jacqueline Eustache-Brinio. « A qui va-t-on confier la mise en place de cette mission ? Qui seront les formateurs ? ». Car la question est intrinsèquement liée au sujet de la formation des imams sur le territoire français, et de la difficulté d’empêcher que ces formations n’aient lieu à l’étranger. « Ce conseil ne règle pas le problème de la formation », assure Nathalie Goulet. « Il faut que la France soit en mesure de proposer un cursus de formation, pour pouvoir former des imams en France. On a donc, avant tout, besoin d’un corpus de formation, d’un bloc de formateurs, et de moyens financiers pour ensuite pouvoir donner un statut à ces imams. Il ne faut pas qu’on se retrouve à nouveau avec des problèmes d’interférence de pays étrangers. »

Si pour Gilbert Roger, sénateur PS de la Seine-Saint-Denis, le conseil national des imams pourrait permettre, à terme « de régler le problème des imams radicalisés », il ne faudra pas, pour autant, mettre de côté les services de renseignement de proximité. « Je ne crois pas qu’on puisse mettre tout le poids de la responsabilité de la radicalisation sur le dos du CFCM, comme on ne pourrait pas le faire pour une autre religion. C’est de la responsabilité de l’Etat de s’assurer que ces questions ne dégénèrent pas sur son territoire », affirme l’élu socialiste.  

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