Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Confinement : « On a perdu 6 semaines », déplore Bernard Jomier
Par Héléna Berkaoui
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« Freiner sans enfermer », c’est le sens voulu des nouvelles mesures de restrictions sanitaires présentées par le Premier ministre ce jeudi 18 mars. 16 départements sont concernés par ce confinement « souple » d’au moins quatre semaines : l’Île-de-France et les Hauts-de-Seine ainsi que les Alpes-Maritimes, l’Eure et la Seine-Maritime. « La progression de l’épidémie s’accélère nettement, nous avons enregistré 30 000 cas pour la seule journée d’hier, 35 000 cas aujourd’hui. Nous approchons du chiffre terrible des 100 000 morts », a appuyé le Premier ministre.
Dans la région parisienne, la plus touchée, « le taux d’incidence est de 446 nouveaux cas pour 100 000 habitants (+ 23 % en une semaine). La pression hospitalière est très élevée : plus de 1 000 patients sont en réanimation, soit davantage que le niveau atteint durant le pic de la deuxième vague, en novembre ». Pour les Hauts-de-France, le taux d’incidence s’élève à 381 nouveaux cas pour 100 000 habitants et devrait atteindre le seuil de 400 très rapidement. Comme l’a expliqué le Premier ministre, les critères pris en compte pour confiner ces départements se basent sur le taux d’incidence mais aussi sur la pression hospitalière observée.
Alors que la « troisième vague » est bien là, le Premier ministre a donc indiqué que ces départements seraient soumis à un confinement « souple ». Les écoles restent ouvertes, ainsi que les universités, et les lycées quant à eux basculent dans un système de jauge à 50 %. « Il sera possible de sortir de chez soi pour faire du sport, pour s’aérer, sans limitation de durée, mais avec une attestation, dans une limite de 10 km de chez soi », a indiqué Jean Castex. Les déplacements interrégionaux sont en revanche interdits, sauf motifs impérieux ou professionnels. Comme lors du deuxième confinement, les commerces de biens et services non essentiels devront rester fermés. « Les livres et la musique » sont compris dans les commerces essentiels, a-t-il précisé.
« Si on avait pris les bonnes décisions en janvier, on serait sans doute en train de sortir de la crise »
Des mesures qui arrivent trop tard pour le sénateur socialiste, Bernard Jomier. Le médecin de formation déplore « 6 semaines de perdues », « on savait ce que ça nous coûterait, le président de la République n’a pas voulu franchir le pas en janvier et ça nous amène là, dans une situation où il va falloir attendre plus longtemps pour que ces mesures fassent effet ». Le chef du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, embraye : « si on avait pris les bonnes décisions en janvier, on serait sans doute en train de sortir de la crise ».
« Jean-François Delfraissy (le président du Conseil scientifique) avait prévu cette situation, il n’y a aucune surprise dans le scénario qui se déroule mais il a été dénigré par des conseillers et ses avis ont été ignorés », peste Bernard Jomier. Le sénateur de Paris note, par ailleurs, que la hausse de l’épidémie « est repartie sur l’ensemble du territoire, il y a très peu de départements avec un taux d’incidence à 100 ». Un constat qui lui fait se demander s’il n’est pas trop tard pour des mesures territorialisées qu’il a été un des premiers à demander. René-Paul Savary, sénateur LR et, lui aussi médecin de profession, pose la même question : « pour les départements où le taux d’incidence est en train de monter, est-ce qu’il faut attendre que les hôpitaux soient saturés ? »
Alors qu’il y a un an, jour pour jour, les sénateurs réagissaient au discours d’Emmanuel Macron et à son fameux « nous sommes en guerre », aujourd’hui la lassitude domine. Les sénateurs sont, en effet, exaspérés d’être suspendus aux annonces gouvernementales et de n’être consultés qu’à la marge. Patrick Kanner le déplorait encore hier à la suite d’une réunion avec le Premier ministre et les présidents des groupes politiques au Parlement (lire ici).
Au vu de la situation épidémique, ces mesures restent cependant saluées. Le sénateur LR, Alain Milon, rappelle qu’il faut tenir compte « des problèmes économiques, sociaux, psychiatriques, il y a une augmentation des suicides chez les jeunes » appuie-t-il. Selon lui, en janvier l’exécutif tablait aussi sur une campagne vaccinale plus rapide, ce qui peut expliquer que le renforcement des mesures sanitaires a été repoussé.
Reprise de la campagne vaccinale avec AstraZeneca
La présidente de la commission des Affaires sociales, Catherine Deroche, estime tout de même que la question de l’isolement des malades n’est toujours pas suffisamment bien prise en compte. Mêmes limites du côté de la vaccination, où la sénatrice de Maine-et-Loire appelle à une accélération. La suspension soudaine, pour quelques jours, du vaccin AstraZeneca a, par ailleurs, ralenti la campagne. « Pour ce vaccin, je comprends cette décision, il fallait qu’on examine les cas de thromboses », nuance Catherine Deroche.
L’Agence européenne des médicaments (AEM) a rendu un avis, peu de temps avant l’allocution du Premier ministre, concernant le vaccin AstraZeneca. L’agence européenne assure que ce vaccin est « sûr et efficace » et que « ses avantages sur la protection des personnes contre le covid-19, avec les risques associés de décès et d’hospitalisation, l’emportent sur les risques possibles ». L’AEM juge cependant qu’il est impossible d’exclure entièrement un lien entre le vaccin et de rares thromboses graves qui ont conduit plusieurs pays européens à suspendre ce vaccin.
Le Premier ministre a annoncé que la France reprendrait vendredi après-midi son programme de vaccination avec le sérum d’AstraZeneca tout en précisant qu’il se ferait vacciner « demain après-midi pour montrer que nous pouvons avoir toute confiance ». Sur la question des vaccins, Alain Milon regrette néanmoins que le gouvernement n’ait pas réorienté la vaccination sur une partie des départements concernés par le confinement.