Les projecteurs sont braqués sur l’Assemblée nationale depuis début février mais la réforme des retraites se joue aussi à Matignon. Ce jeudi 13 février, les partenaires sociaux étaient conviés par le Premier ministre pour faire le point sur l’état d’avancement des discussions sur quatre thèmes annexes à la mise en place du futur régime universel de retraite par points. Quatre piliers sur lesquels s’accorder pour offrir une compensation à l’allongement de la durée de travail, que le gouvernement souhaite encourager par le système de l’âge d’équilibre.
Les aménagements liés à la pénibilité et la retraite minimum n’ont pas permis d’aboutir à une même vision entre organisations syndicales et organisations patronales. Sur les modalités de la transition entre les régimes actuels et le système universel, ou encore sur la retraite progressive, les partenaires sociaux se sont accordés sur des réponses, que le gouvernement proposera sous forme d’amendements au projet de loi dès demain.
Retraite progressive : la barre des 60 ans préservée, les fonctionnaires accueillis dans le dispositif
Pour éviter favoriser le maintien des seniors dans l’emploi, des discussions sur l’avenir de la retraite progressive ont été menée. Cette disposition permet de percevoir une partie de sa pension lorsque le salarié exerce une ou plusieurs activités à temps partiel. Comme dans le régime actuel, cette possibilité sera ouverte dès l’âge de 60 ans. Il a été une fois de plus confirmé que la fonction publique en bénéficierait. S’agissant des reconversions, Édouard Philippe a annoncé qu’une « réflexion » serait engagée au ministère du Travail sur les comptes épargne temps
Transition entre l’ancien et le nouveau système de retraite : un scénario « à l’italienne »
Sur la transition entre l’ancien et le nouveau système de retraite, un consensus a émergé : éviter que les Français situés en début ou en milieu de carrière soient désavantagés par la bascule entre les deux régimes, au moment de la conversion de leurs droits en points. L’exécutif se montre finalement favorable à se calquer sur les modalités choisies par l’Italie. Plus longue, et moins brutale : la conversion au 1er janvier 2025, privilégiée jusqu’ici, n’aura pas lieu.
Pour les fonctionnaires, les droits acquis dans l’ancien système seront convertis sur la base des six derniers mois de la carrière. Pour les salariés du privé à cheval sur les deux systèmes, même logique : leurs droits acquis dans l’ancien régime seront convertis sur la base de leurs 25 meilleures années. « C’est de l’avis général, le mode de calcul le plus respectueux de la réalité des carrière réalisées par ceux qui vont basculer vers le système universel », a expliqué le Premier ministre. Satisfaction de l’Unsa, qui en avait fait une « revendication majeure » ces dernières semaines. « La transition va être très en douceur entre 2037 et 2055 », a applaudi Laurent Escure, son secrétaire général.
Tout est loin encore d’être tranché dans les correctifs à apporter aux agents de l’État pour éviter toute perte dans le futur système. « Il y a quand même un sujet qui reste sur la question des politiques de rémunérations dans les fonctions publiques », peste Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT.
Du côté de Force ouvrière, opposé sur le principe de cette grande réforme systémique, Yves Veyrier considère que ces prises de parole pour rassurer les actifs n’est pas de bon augure. « Il y a
Interrogé par la presse sur le coût de cet arbitrage au profit de la solution italienne, le Premier ministre a botté en touche, renvoyant aux échéances de la conférence de financement. C’est cette même instance qui a été régulièrement mise en avant, notamment par le patronat, au moment d’aborder deux autres chapitres, beaucoup moins consensuels.
Minimum de retraite : pas de geste supplémentaire
La déception des syndicats était palpable sur la question du minimum de pension, porté à 1000 euros dès 2022, puis à 85% du Smic à partir de 2025 (environ 1150 euros). « ll n’y a pas eu d’effort supplémentaire, comme nous le demandions », a déploré Laurent Berger. « Le gouvernement est disposé à en discuter » », a précisé le chef du gouvernement : ces discussions « pourront avoir lieu dans le cadre de la conférence de financement ». Néanmoins, on image mal l’exécutif accéder à la demande de la CFDT de parvenir, à terme, à une pension minimum voisine du Smic. « Il est légitime, dans notre société, de conserver un écart entre un revenu d’activité et un revenu lié à la retraite », a mis au point Édouard Philippe. Une assurance a été donnée : le seuil de 50 heures minimum par mois devra être atteint pour bénéficier de ce minimum.
Impasse sur le champ de la pénibilité au travail
Le vrai point de blocage est apparu sur la pénibilité. Comment ne pas pénaliser les métiers où l’espérance de vie est plus faible, dans un contexte de raccourcissement de la retraite, avec un âge d’équilibre à 64-65 ans ? Les syndicats réclamaient la réintégration de quatre critères de pénibilité retirés en 2017 (postures pénibles, port de charges lourdes, vibrations mécaniques, exposition aux produits chimiques) : ce qu’a refusé le patronat. « On a réaffirmé qu’il n’y a pas de retraite juste si y’a pas prise en compte de la réparation pour les salariés exposés à des pénibilités », a réaffirmé Laurent Berger, appelant le gouvernement à « prendre ses responsabilités » ou les députés de la majorité à prendre les devants au Parlement. « Le gouvernement peut aussi fixer les règles ! » a ajouté Laurent Escure. « Ça n’avance pas beaucoup : tout le monde se renvoie la balle », s’indigne François Hommeril, président confédéral de la CFE-CGC. Sur les risques psycho-sociaux, on n’a pas de réponse », renchérit Angéline Barth, de la CGT.
François Asselin, de la CPME, se demande comment tenir compte de ces situations « sans pour autant mettre le bazar au niveau de l’entreprise, avec une comptabilité individuelle qui est intenable ». Le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, demande une véritable cartographie des métiers à risque et un système mutualisation pour assumer les coûts. Toutes les organisations patronales sans exception ont tiré la sonnette d’alarme sur les avancées sociales qui sont nées de la concertation. Le numéro 2 du Medef, Patrick Martin, a pointé un « black-out » sur le financement et a « exigé » un chiffrage précis.
Le gouvernement n’a pas voulu trancher. « Le dialogue va se poursuivre et les décisions devront être envisagées en cohérence avec les traductions de la conférence sur l’équilibre et le financement », a simplement précisé Édouard Philippe. Cette conférence, ce sera « le juge de paix », résume François Asselin. L’instance devait initialement se concentrer sur l’équilibre budgétaire du futur régime de retraites. Là, « on charge un peu plus la barque de la conférence », a fustigé Yves Veyrier de FO. Ce nouveau temps fort, la semaine prochaine, s’annonce animé.