Comprendre la crise catalane en 6 dates clés

Comprendre la crise catalane en 6 dates clés

Le 21 décembre prochain auront lieu les prochaines élections du parlement catalan. À cette occasion, les indépendantistes comptent bien une nouvelle fois montrer leur désir d’indépendance. Une revendication ancienne qui ne se résume pas à l’histoire d’une province riche qui voudrait faire sécession. La généralité de catalogne qui s’est opposée à la dictature a été durement touchée par la répression franquiste. Des blessures toujours vivaces 40 ans après la fin de la dictature.
Public Sénat

Par Priscillia Abereko

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1936, la Catalogne s’oppose à Franco

Le 11 septembre 1936, les Catalans célèbrent « la Diada », la fête nationale catalane. Forces de l’ordre de la première généralité de Catalogne, miliciens et militants du parti politique Frente popular, défilent dans les rues de Barcelone et devant le Président de la généralité de Catalogne de l’époque, Lluis Companys. Une figure marquante pour les Catalans, au destin bien funeste comme le souligne l’historien Benoît Pellistrandi : « Lluis Companys sera livré par Vichy à Franco et sera fusillé début octobre 1940. Lluis Companys qui représente vraiment la résistance de la generalidad pendant la guerre civile, apparaît bien comme un martyr de la cause catalane, incontestablement. chaque année le président de la generalidad va au mois d’octobre, déposer une offrande florale devant l’endroit où il a été fusillé ».

Si Barcelone, n'est pas la dernière ville à tomber face à Franco, les républicains catalans vont payer un lourd tribut. Mais pour l’historien Benoit Pellistrandi « la Catalogne comme le reste de l’Espagne est divisée par la guerre civile », et au sein même de la région s'affronte partisans et adversaires des nationalistes.

1942, Franco à Barcelone

En 1942, le général Franco se rend en Catalogne. Accueilli en fanfare, il est acclamé par la foule tel un libérateur. Une ferveur et un enthousiasme en réalité très fabriqué selon Ignasi Fortuny qui rappelle, « on sait pertinent comme cela se passait à l’époque de Franco. On obligeait tous les ouvriers à quitter les usines et on les transportait à la manifestation où ils faisaient le salut fasciste et chantaient l’hymne de la phalange. Dès l’entrée des troupes franquistes, ils ont tout de suite compris que la répression s’abattait sur ce pays ».

Dans un tel contexte, que devient le statut de la Catalogne dans l’Espagne franquiste ? La Catalogne est-elle autonome ? L’historien Benoit Pellistrandi est formel, à cette période « la generalidad n’existe plus. Il y aura une generalidad en exil, mais qui n’a aucune autre fonction que symbolique et politique ».

1961, le Barça, une équipe catalane ou espagnole ?

En 1961, en pleine période franquiste, une institution sportive prend le relais des luttes catalanes : le Barça. Un club de football, devenu progressivement le symbole et le lieu de l’identité catalane. Ignasi Fortuny souligne à ce titre que « le président du Barça a été exécuté par Franco pendant la guerre civile, il ne faut pas l’oublier. Le Barça est resté le seul lieu de manifestation de l'identité catalane sous le franquisme alors que tout était interdit, les manifestations étaient interdites et les gens se manifestaient à travers le football club Barça. C’est la raison pour laquelle on dit que le Barça est plus qu’un club parce qu’au-delà du football lui-même il y a tout un aspect politique ».

Plus qu’un club de football national, c’était un club des Barcelonais pour l’historien Benoit Pellistrandi puisqu’il « y a même une équipe concurrente qui est créée, l’Espagnol de Barcelone, qui représente plutôt ceux qui viennent à l’occasion des migrations pour l’emploi et qui ne sont pas catalans d’origine. Ce sont eux qui vont soutenir le club, l’Espagnol […] On va beaucoup donner au Barça une identité politique mais nous sommes sous une dictature, donc il n’y a pas de politique, et le sport est une manière de faire de la politique ».

#IDLR - En 1961, "le Barça est plus qu'un club, il a tout un aspect politique" pour ce membre de l'Assemblée nationale Catalane
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1970, Picasso contre la dictature

En 1970, Pablo Picasso prend position, il refuse toute inauguration officielle du musée qui porte son nom à Barcelone tant que la démocratie n'est pas rétablie. Pour l’historien Benoit Pellistrandi, aucune inauguration n’aurait pu avoir lieu « tant que la République n’a pas été réinstallée » d'ailleurs l'une de ses plus célèbres toiles, Guernica, ne rejoindra le musée qu'au moment de la chute du régime, et encore au prix d'une polémique puisque la dictature a laissé la place à la monarchie parlementaire, pas une république.

1978, le roi signe la Constitution

En 1978, trois ans après la mort du général Franco, la première Constitution espagnole est adoptée. Approuvée par référendum le 6 décembre, la signature du roi Juan Carlos acte la fin des lois franquistes et vise à réconcilier les deux Espagne. L’historien Benoit Pellistrandi explique que cette Constitution « est rédigée par 7 membres dont deux sont catalans […] c’est très important parce que la Catalogne a participé de ce pacte démocratique fondamental et le 6 décembre 1978, en Catalogne, 91% des électeurs apportent leur soutien à cette Constitution et on est à 88% dans le reste de l’Espagne ».

Un acte majeur qui est en partie source d’acceptation du nouveau régime. Mais pour Ignasi Fortuny : «  il faut préciser que la rédaction de la Constitution espagnole concernant des articles sur l’unité nationale, les régions, les nationalités a été rédigé sous la tutelle de l’armée », et que l’héritage de Franco subsiste dans l'organisation actuelle de l'Espagne. Une affirmation contestée par l’historien Benoit Pellistrandi, qui met en lumière avant tout un processus de négociation.
En 1977 la loi d'amnistie qui est votée empêche d'ailleurs que les bourreaux soient jugés, laissant béantes les plaies du franquisme.

1981, Juan Carlos

En 1981, le roi Juan Carlos est reçu en grande pompe dans la cité catalane. L’objet de cette visite ? Un défilé militaire. Pour autant, cette armée est-elle admise par les Barcelonais ? Ignasi Fortuny est formel, « l’armée n’a jamais été admise, ni la guardia civile, ni la police nationale. On juste changé les costumes mais ces hommes avaient servi sous Franco […] il faut resituer ce défilé, on est juste après le coup d’État d'Antonio Tejero donc on a présenté le roi comme le sauveur de l’Espagne, celui qui a arrêté le coup d’État ».

Une perception que ne partage pas l’historien Benoit Pellistrandi : « il y a une construction du catalanisme politique contre la monarchie, mais il y a un sentiment en Catalogne qui est beaucoup plus divers et il y a une vraie popularité de Juan Carlos jusqu’à quasiment la fin de son règne ». Une divergence d’opinions qui pourrait s’expliquer par le fait que c'est le général Franco qui est mis sur le trône Juan Carlos : le catalanisme contre la monarchie.

 

Bibliographie :

  • Histoire de l'Espagne, des guerres napoléoniennes à nos jours, Benoit Pellistrandi, éd Perrin

Retrouvez l'intégralité de l'émission présentée par Fabrice d'Almeida, samedi à 8h30 et 15h30, dimanche à 12h et lundi à 23h.

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