Collaborateurs parlementaires : où en est le dispositif de lutte contre le harcèlement au Sénat ?
Deux articles parus dans Libération et Marianne font état « d’une omerta » qui régnerait au Sénat autour de la gestion des cas de harcèlement de collaborateurs parlementaires. Après la mise en place, en 2018, d’une cellule anti-harcèlement, la Haute assemblée a récemment déployé un plan de sensibilisation à destination des sénateurs.
« Sur le harcèlement, il y a une législation, il y a du droit et c’est à la justice de trancher ». C’est la réponse de Gérard Larcher, interrogé ce mardi sur France Inter sur une enquête de Libération faisant état de plusieurs suspicions de harcèlement de collaborateurs parlementaires par des élus au sein de la Haute Assemblée.
Un autre article paru le même jour dans l’hebdomadaire Marianne parle également d’une « omerta » qui régnerait sur ce sujet au sein de l’administration du Sénat.
Au mois de juillet, c’est Mediapart qui révélait, documents à l’appui, des accusations de harcèlement de la part d’une dizaine de collaborateurs parlementaires à l’encontre d’Esther Benbassa, la sénatrice écologiste de Paris.
« C’est souvent vécu par le collaborateur comme un moyen de les faire taire »
« C’est un sujet très sensible. On comprend que les sénateurs veulent traiter en interne les cas de suspicions de harcèlement avant que cela soit rendu public. Mais c’est souvent vécu par le collaborateur comme un moyen de les faire taire. Toutes les avancées sur ce sujet ont été obtenues dans ce contexte parlementaire où l’on craint la mauvaise presse », observe Barbara Gomes ancienne collaboratrice parlementaire, maître de conférences en droit social et élue de Paris.
En effet depuis 2018, le Sénat a mis en place une « cellule d’accueil et d’écoute » à destination des victimes de harcèlement. Elle est composée d’un psychologue du travail, d’un représentant des salariés et d’un haut fonctionnaire. « Cette cellule peut transmettre au Président du Sénat une évaluation de la situation avec l’accord exprès du collaborateur. « Le président du Sénat pourra, si nécessaire, faire un rappel à l’ordre, engager une procédure disciplinaire ou décider de saisir le Procureur », peut-on lire dans le compte rendu du Bureau du Sénat en date du 9 décembre 2017.
Depuis le 4 novembre 2020, une nouvelle procédure de traitement des situations de harcèlement a été mise en place. Elle fait intervenir le comité de déontologie parlementaire. Il est en charge d’émettre « une véritable instruction contradictoire », avant de faire des recommandations au Président du Sénat.
Interrogé par Public Sénat, Éric Bocquet, sénateur communiste, membre du comité de déontologie confirme avoir été saisi de deux cas de harcèlement depuis l’année dernière. « Nous débattons, nous échangeons et nous émettons des avis sur les situations qui nous ont été soumises. Ces avis sont ensuite transmis au Bureau du Sénat, qui lui, a la latitude pour statuer ».
Le 25 mai dernier, pour la première fois, le Bureau du Sénat a été amené à se prononcer sur une suspicion de harcèlement dénoncée par un collaborateur de la sénatrice LR, Joëlle Garriaud-Maylam. Si le Bureau a considéré que les faits n’étaient pas constitutifs de harcèlement, il a enjoint la sénatrice à s’engager « pour une durée minimale d’un an dans une démarche d’accompagnement individualisé en matière de management ».
Le 13 juillet, le Bureau du Sénat a été une nouvelle fois saisi pour une « suspicion de faits de harcèlement commis par un sénateur à l’égard de l’une de ses collaboratrices parlementaires ». Suivant l’avis du comité de déontologie, le Bureau n’a pas donné suite à ce signalement, ni par une sanction disciplinaire, ni par une saisine du parquet.
Interrogée dans le journal Libération, une victime présumée indique aujourd’hui regretter cette saisine de la cellule d’accueil et d’écoute. « J’ai fait confiance aux institutions, je n’aurais pas dû. Mes malheurs viennent de là », estime-t-elle.
« Je n’ai pas jugé bon de transmettre le dossier auquel il est fait référence […] J’ai estimé en mon âme et conscience que je n’avais pas à le faire. Mais, il y a des voies de justice […] L’immunité parlementaire ce n’est pas l’impunité parlementaire. Des parlementaires peuvent répondre en justice », s’est justifié, ce matin, le président du Sénat qui rappelle que la cellule d’écoute « sert à écouter, à entendre, à transmettre, à accompagner ». « Elle fait, me semble-t-il un travail extrêmement important », conclut-il.
« Jusqu’ici, la cellule n’a pas convaincu de son efficacité »
« La cellule ne se substitue pas à une procédure judiciaire. Et depuis sa mise en place, Gérard Larcher l’a toujours rappelé », confirme Yseline Fourtic-Dutarde, membre de CGT collaboratrices & collaborateurs parlementaires. « Jusqu’ici, la cellule n’a pas convaincu de son efficacité. Mais c’est un process encore très récent qui évolue au fur et à mesure », ajoute-t-elle. Depuis le 15 juillet, le syndicat CGT collaboratrices & collaborateurs parlementaires à créer une boîte mail sécurisée temoignagesenat@protonmail.com afin de recueillir de façon anonyme les témoignages des assistants parlementaires.
Un plan d’action pour sensibiliser les sénateurs à leur qualité d’employeurs
« Ce qui a été mis en place au Sénat, c’est quand même une avancée conceptuelle. Cette cellule d’écoute tend à reconnaître que les pratiques parlementaires ne sont pas à l’avant-garde du droit du travail. Mais sera compliqué d’avancer plus loin sur ces questions sans une intervention législative destinée à créer une véritable structure représentative des collaborateurs parlementaires », relève Barbara Gomes.
« Le Sénat, c’est 348 TPE (très petites entreprises). L’Association pour la gestion des assistants de sénateurs (AGAS) gère une instance de dialogue social mais elle n’a pas les prérogatives d’un CSE (Comité social et économique) », complète Yseline Fourtic-Dutarde.
Éric Bocquet, sénateur communiste, insiste quant à lui sur la qualité d’employeur des élus. « Je ne suis pas convaincu que l’ensemble des sénateurs et sénatrices mesurent à quel point, cela induit des obligations. On a été sensibilisé à cette question par un cabinet spécialisé. Nous avons été formés à cette problématique du harcèlement ».
Effectivement, depuis le printemps dernier, un plan d’action destiné à sensibiliser les sénateurs à leurs responsabilités d’employeurs, a été lancé. Il comprend notamment la mise en place d’une offre de formation en matière de management, de recrutement et de la gestion de leurs équipes.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.