Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Climat : les 50 mesures de la Convention citoyenne dévoilées
Par Sandra Cerqueira
Publié le
Réunis en visioconférence les 3 et 4 avril derniers pour une session de travail, les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat devaient répondre à une question : « Pouvons-nous contribuer utilement à l’élaboration d’un plan de sortie de crise du coronavirus ? Si oui, comment ? »
Et la réponse a fait débat : « De quoi se mêle-t-on ? Cette session hors Convention n’est pas dans notre mandat », a-t-on pu entendre au cours des échanges. « Tâchons d’être utiles et d’être à la hauteur. Si nous ne présentons pas nos mesures, ce sont les industriels et les banques qui auront la main sur la sortie de crise. »
Ne pas « arriver après la bataille »
Alors, les citoyens qui planchent depuis plus de six mois ont décidé de s’adresser directement à Emmanuel Macron (Matignon, Bercy et le ministère de l’Ecologie sont aussi destinataires de leur tribune). Une lettre a été envoyée le 9 avril par courriel pour ne pas « arriver après la bataille » et inciter le gouvernement à mettre en place un plan de relance qui ne fasse pas repartir à la hausse les gaz à effet de serre.
« Un rebond des émissions de CO2 est observé après chaque crise depuis les années 60. Ce fut encore le cas en 2008 », explique l’économiste Patrice Geoffron en guise d’introduction. « On nous parle de centaines de milliards d’euros mis sur la table pour sauver l’économie, pour relever le pays. L’argent existe », répond Hugues-Olivier, l’un des citoyens de la Convention. « Tout ce qu’on a fait est parfaitement cohérent avec la crise actuelle. »
« Ne pas reproduire les erreurs du passé »
Les citoyens ont travaillé en petits groupes pour rédiger ensemble leur tribune. On peut y lire : « Nous demandons de ne pas reproduire les erreurs du passé (…). Que les financements mobilisés dans le cadre de la sortie de crise soient socialement acceptables, fléchés vers des solutions vertes et que les investissements se concentrent dans des secteurs d’avenir respectueux du climat… »
« C’est un message politique ! » résument bon nombre de citoyens.
Malgré le report des conclusions à cause de la crise du Covid, « la Convention est bien vivante et continue de travailler », assure Thierry Pech, coprésident du comité de gouvernance de la Convention.
« Ne laissons pas passer le train, avec le risque d’avoir moins de ressources budgétaires dans quelques mois pour les financer », précise Corinne. « On attend un engagement fort de l’Etat et on le met face à ses responsabilités. Bercy est déjà en train de préparer le plan de relance. C’est maintenant que ça se joue ! »
Fallait-il rendre les mesures publiques ?
Ce constat, une majorité le partage. Il était évident pour eux de s’exprimer publiquement sur la crise du Covid-19, mais les citoyens sont restés divisés à l’idée de dévoiler en parallèle de leur tribune des propositions détaillées dans un tel contexte (voir les principales mesures ci-dessous). Les débats se sont prolongés jusqu’à mercredi soir. Fallait-il rendre publiques ces mesures ou ne les transmettre qu’au gouvernement ?
Pour certains, « les mesures sont indispensables tout de suite ! » Pour d’autres : elles ne sont pas « prêtes, pas amendées et pas votées. » Leur crainte ? « Que la dernière session ne soit plus audible en dévoilant publiquement des mesures avant la fin. Nous avons fait un travail de fond, assumons le processus jusqu’au bout ! »
William, lui, aurait préféré une modification du calendrier. « Je ne sais pas ce qu’on attend. On aurait pu voter maintenant nos mesures et les remettre à tous. Les propositions qui fleurissent avec le ‘jour d’après’, peuvent venir supplanter nos travaux. En septembre, on arrivera trop tard. »
« On espère que ça ne tombera pas aux oubliettes »
Ainsi, faute de consensus, les citoyens ont décidé que seul le gouvernement devait avoir connaissance de la cinquantaine de propositions adossées à leur lettre. « On espère que ça ne tombera pas aux oubliettes », craignent quelques-uns.
Mais les propositions ont « fuité » dans la presse. L’un des citoyens de la Convention en serait à l’origine. « C’était prévisible, le vote était serré et n’a pas été accepté par ceux qui voulaient rendre publiques les mesures », explique l’un des membres de l'organisation.
« Certains citoyens sont dans un sale état et ne comprennent pas comment les mesures se retrouvent en détail dans la presse. Il y a un gros travail maintenant pour maintenir la cohésion au sein d’un groupe divisé. Le temps joue contre nous, plus la Convention dure, plus il y a un risque d’éclatement du collectif. » Le comité de gouvernance a écrit aux 150 participants pour tenter d’apaiser les choses.
« La réussite de la Convention dépendra de la réponse d’Emmanuel Macron »
Il y aura bien une session finale pour clôturer cette Convention citoyenne pour le climat, « idéalement avant l’été » ou en septembre prochain. « Il faut continuer à maintenir une dynamique, tout dépendra de la durée du confinement, mais la réussite de la Convention dépendra de la réponse d’Emmanuel Macron », assure Gilles-Laurent Rayssac, l’un des animateurs de la Convention.
« Soit il répond de façon précise et c’est encourageant, soit il nous dit qu’il attend la fin de nos travaux…et là on ne peut que douter encore de la suite », confie Corinne. Certains ne cachent pas leur inquiétude. Si le président ne les écoute pas maintenant, il y a un risque que leurs travaux tombent « dans l’oubli ».
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Public Sénat suit depuis le début les travaux de la Convention citoyenne pour le climat. Nous détenions donc les propositions envoyées le 9 avril à Emmanuel Macron. Puisqu'elles ont été publiées, nous décidons également de les rendre publiques et vous proposons ci-dessus les principales.
- Rénover 20 millions de logements
Les citoyens réclament tout d’abord de rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici à 2040, et d’ici à 2030 pour les « passoires thermiques, tous ces logements étiquetés F et G pour leurs faibles performances énergétiques. « Notre ambition, écrivent-ils, est de passer d’une rénovation par petits gestes et à petits pas à une rénovation globale (toit, isolation, fenêtres, chauffage et VMC), en multipliant par trois le rythme des rénovations. »
- Favoriser les circuits-courts
Les 150 demandent aussi un plan d’investissement pour l’agriculture avec une priorité donnée aux circuits courts, qui privilégierait la production locale, durable, à faible coût environnemental, et limiterait le transport de produits alimentaires. Pour les citoyens, la crise sanitaire et le confinement donne de la force à cette mesure. « Cela existe déjà avec la Loi Egalim mais on ne va pas encore assez loin », estiment les citoyens. Ils souhaitent promouvoir la création de fermes municipales et de plateformes de regroupement des productions.
- Contenir l’étalement urbain
Lutter contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain « de manière beaucoup plus efficace », afin d’agir en faveur de la biodiversité et de réduire les consommations d’énergie liées aux déplacements, est également l’une des mesures fortes proposées. Il s’agirait notamment de limiter, entre 2021 et 2030, le nombre d’hectares artificialisés par commune au quart de ce qui a été artificialisé entre 2000-2020, de stopper « immédiatement » les aménagements de nouvelles zones commerciales périurbaines « très consommatrices d’espaces » ou encore d’autoriser les réquisitions de logements et de bureaux vacants.
- Réduire la place de la voiture
Les citoyens veulent aussi réduire la place de la voiture individuelle, qui représente 16 % des émissions de gaz à effet de serre du territoire. Comment ? Avec la mise en place d’un plan d'investissement pour les transports en commun et pour les voitures sans essence et la relocalisation de certaines activités stratégiques pour éviter le transport de marchandises sur des milliers de kilomètres et garantir une plus grande autonomie alimentaire, énergétique et sanitaire. Pour encourager d’autres modes de transport, ils proposent de rendre obligatoire et d’augmenter (entre 500 et 1 800 euros par an) la prime de mobilité durable prévue par la loi d’orientation des mobilités.
- Lutter contre la surconsommation
Autre mesure importante : « une sorte de loi Evin sur le climat » qui vise à interdire dès 2023 la publicité sur les produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre » mais aussi, de manière plus générale, de « limiter fortement les incitations quotidiennes et non choisies ». Aller vers des modes d’alimentation et de production plus sains en éduquant et en formant le consommateur aux pratiques de « sobriété numérique » et à l’environnement. Les membres de la convention proposent en ce sens de décliner « mini conventions citoyennes pour le climat » pour élaborer au niveau local des propositions.
- Aller vers une économie moins carbone
L’objectif est d’accélérer la transition vers une économie décarbonée (objectif européen et français fixé à 2050). Pour l’atteindre, les citoyens proposent que « d’ici à 2025, tout soutien à l’innovation s’inscrive dans une logique de sortie d’un modèle basé sur le carbone ». La recherche publique doit être financée dans les secteurs de l’innovation ayant un intérêt environnemental et écologique. Il faut « sortir de l’innovation pour l’innovation » précisent enfin les citoyens.
Pour eux, « la sortie de crise devra être l’occasion de revisiter les modes de production et de travail (…) pour porter l’espoir d’un nouveau modèle de société. » Ces mesures transmises doivent encore amendées et votées en assemblée plénière.