Clé d’étranglement : le patron de la police « préfère renoncer » à l’interpellation plutôt que de provoquer « une catastrophe »

Clé d’étranglement : le patron de la police « préfère renoncer » à l’interpellation plutôt que de provoquer « une catastrophe »

Auditionné par la mission d'information du Sénat sur les méthodes d'intervention de la police et de la gendarmerie, le directeur général de la police nationale a indiqué qu’il avait proposé lui-même au ministre de l’Intérieur, l’abandon de la technique dite de la clé d’étranglement.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Du haut de ses quarante années d’expérience au sein de la police, Frédéric Veaux, « n’oublie rien de ces moments exposés aux risques physiques et juridiques ». Devant la mission d'information du Sénat sur les méthodes d'intervention de la police et de la gendarmerie, le directeur général de la police nationale, en poste depuis le 3 février dernier, a longuement exposé dans quelles conditions les forces de police pouvaient faire usage de la force. « Fort heureusement, l’usage de la force n’est nécessaire que pour maîtriser des individus menaçants, récalcitrants, agités ou se trouvant en état de crise (…) en faisant toujours preuve de gradation et de proportionnalité » a-t-il résumé en préambule.

Suite aux nombreuses polémiques sur les violences policières, la commission des Lois du Sénat avait décidé le 16 juin de mettre en place cette mission d’information. Les sénateurs s’intéressent tout particulièrement aux conséquences de l’abandon de la technique de la clé d’étranglement, annoncé par Christophe Castaner, alors qu’une méthode de substitution n’est pas encore définie. La fin de cette technique réglementaire enseignée jusqu’ici dans les écoles de police et en formation continue avait provoqué l’inquiétude et la colère des syndicats.

« J’ai pris la responsabilité de proposer au ministre de l’Intérieur d’abandonner le recours à la technique dite de l’étranglement »

Dès le 23 janvier 2020, le ministre de l’Intérieur avait demandé aux directeurs de la police et de la gendarmerie de procéder à une revue des gestes techniques enseignés et utilisés sur le terrain. « J’ai pris la responsabilité de proposer au ministre de l’Intérieur d’abandonner le recours à la technique dite de l’étranglement. Je n’ai pas soumis cette proposition pour priver les policiers d’un moyen d’agir (…) J’ai fait ce choix avec uniquement le désir de protéger les policiers physiquement mais aussi et surtout juridiquement » a-t-il rapporté. Si la technique n’est désormais plus enseignée, la clé d’étranglement peut « toujours être appliquée avec mesure et discernement » jusqu’à son remplacement.

Pressé par le président LR du Sénat, Philippe Bas sur les conséquences pour les policiers d’une telle décision, Frédéric Veaux lui a assuré qu’il existait des techniques permettant aux policiers de ne pas intervenir sur « des points particulièrement sensibles du corps humain ». Un groupe de travail composé de composé de médecins, formateurs, représentants syndicaux remettra son rapport sur les nouvelles techniques le 1er septembre.

« Dans la police, ça nous arrive d’attendre et de choisir un moment plus favorable pour opérer »

« Entre mettre en œuvre un geste qui peut conduire à une catastrophe et une interpellation à tout prix (…) Je préfère qu’on renonce plutôt qu’on prenne un risque supérieur à l’objectif poursuivi » (…) Dans la police, ça nous arrive tous, à un moment ou à un autre, d’attendre et de choisir un moment plus favorable pour opérer » (...) « Ça nous arrive tous d’attendre et de choisir un moment plus favorable pour opérer » a-t-il expliqué à la sortie de son audition. Le patron de la police a, aussi, rappelé que ce geste n’était pas pratiqué par les forces de gendarmerie.

La formation « très en deçà de nos attentes »

En ce qui concerne le recours aux armes intermédiaires et notamment le pistolet à impulsion électrique, évoqué pour remplacer la clé d’étranglement, le directeur général de la police nationale est prudent : « Si on veut pouvoir (les utiliser) il faut pouvoir satisfaire la formation avant de pouvoir les utiliser (…) C’est un aspect incontournable de la formation mais qui n’est pas comptabilisé dans les 12 heures (annuelles) ». « J’ai bien conscience que le respect de cette obligation de formation (par les policiers) est très en deçà de nos attentes (…) Sans doute nous n’accordons pas toujours des facilités nécessaires à la formation continue » a-t-il reconnu après rappeler « la charge de travail très importante » des fonctionnaires

Frédéric Veaux s’est, par ailleurs, dit opposé à la suppression des LBD estimant que « son usage est très encadré ».

Les caméras-piétons défectueuses

La généralisation des caméras-piétons était une demande forte émise par la commission d’enquête du Sénat sur le malaise des forces de sécurité intérieur. 10 400 caméras équipent actuellement les policiers. Malheureusement, comme l’a rappelé le DG de la police nationale, « c’est un matériel qui ne satisfait pas les policiers qui y ont recours » a-t-il appuyé expliquant qu’il était difficile de les accrocher sur les uniformes, de les déclencher et que les batteries étaient déficientes. La police française est liée à ce marché public jusqu’en 2022.

1600 sanctions disciplinaires en 2019

Enfin, au moment où une compagnie de sécurisation et d'intervention (CSI) de Seine-Saint-Denis est dans le collimateur de la justice pour des faits de violences, de vols, de falsifications de procès-verbaux et de délits liés au trafic de stupéfiants, le patron de la police nationale a rappelé « le comportement tout à fait digne et responsable de la quasi-totalité des policiers de ce pays ». Néanmoins, comme il le rapportait lors de l’audition, au premier semestre de cette année, la plateforme de l’IGPN a recensé 2671 signalements de particuliers. « Les reproches essentiellement faits par les citoyens sont sur les violences policières pour 32%, ensuite un manque de respect et de courtoisie pour 20% et les refus de prendre une plainte pour 13% ». Pour ce qui est des procédures disciplinaires, 1600 sanctions allant du blâme à la révocation ont été prononcées en 2019.

Dans la même thématique

Tondelier 2
8min

Politique

Malgré des critiques, Marine Tondelier en passe d’être réélue à la tête des Ecologistes

Les militants du parti Les Ecologistes élisent leur secrétaire national. Bien que critiquée, la sortante Marine Tondelier fait figure de favorite dans ce scrutin où les règles ont été changées. La direction s’est vue accusée par certains de vouloir verrouiller le congrès. Si les écolos ne veulent pas couper avec LFI, le sujet fait débat en vue de la présidentielle.

Le

SIPA_01208671_000002
5min

Politique

Prisons attaquées : vers une nouvelle loi pour permettre l’accès aux messageries cryptées par les services de renseignement

Après la série d’attaques visant plusieurs établissements pénitentiaires, coordonnées au sein un groupe de discussion sur Telegram, le préfet de police de Paris, Laurent Nunez regrette que la disposition de la loi sur le narcotrafic, permettant aux services de renseignement d’avoir accès aux messageries cryptées, ait été rejetée les députés. La mesure pourrait réapparaître dans une nouvelle proposition de loi du Sénat.

Le

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six
4min

Politique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six

La question d’un report des élections municipales de 2032 est à l’étude au ministère de l’Intérieur, en raison de la proximité d’un trop grand nombre de scrutins, notamment la présidentielle. Si le calendrier devait être révisé, et avec lui la durée du mandat des maires élus l’an prochain, cela nécessiterait une loi. Ce serait loin d’être une première sous la Ve République.

Le

FRA – ASSEMBLEE – 4 COLONNES
13min

Politique

Congrès du PS : les tractations se concentrent sur « Boris Vallaud, qui a des propositions de dates tous les jours »

Alors que les amis de Nicolas Mayer Rossignol, d’Hélène Geoffroy et de Fatima Yadani et Philippe Brun discutent pour fusionner, dans une union des opposants à Olivier Faure qui demandent la « clarté », le président du groupe PS de l’Assemblée, Boris Vallaud, se retrouve au centre des attentions. Mais « son but n’est pas d’être faiseur de roi, c’est de rassembler le royaume socialiste », soutient Rémi Branco, son porte-parole.

Le