En marge de l’ouverture du Congrès des maires de France, le gouvernement s’est engagé à porter devant l’Assemblée nationale en janvier une proposition de loi déjà adoptée par le Sénat, et qui vise à améliorer les conditions d’exercice du mandat d’élu local.
Clap de fin pour le Conseil scientifique
Publié le
Ce serait une première depuis mars 2020. Le nouveau projet de loi de loi de lutte contre l’épidémie de covid-19, actuellement en débat au Parlement, ne prolonge ni le cadre de l’état d’urgence sanitaire, ni le régime de sortie de crise. En l’absence de prorogation, ces régimes juridiques d’exception vont donc expirer au 31 juillet. Par ricochet, une instance bien connue des Français s’éteindra au même moment : le conseil scientifique. Du moins, il cessera d’exister sous sa forme actuelle, et son travail d’information n’est plus requis au regard de la loi. Le professeur Jean-François Delfraissy souhaite d’ailleurs ne plus en assurer la présidence après la fin juillet.
Installé officiellement le 11 mars 2020, à la demande du président de la République, ce comité de scientifiques (c’est son appellation officielle) a vu son existence consacrée dans la loi d’urgence du 23 mars 2020. Cette structure a, pendant près de deux ans et demi, tenu un rôle de conseil dans la lutte contre le coronavirus, notamment à travers la publication périodique d’avis sur la situation sanitaire et sur les moyens de limiter la circulation du virus. Avec toujours l’idée de guider les élus dans leurs décisions. Les statistiques livrées par son président Jean-François Delfraissy donnent une idée de l’activité de ses membres. Depuis mars 2020, le conseil scientifique a enchaîné « plus de 300 réunions » et publié 85 avis ou notes, parfois avec beaucoup de retard, sur le site du ministère de la santé, alors que la loi prévoyait une communication « sans délai ». L’exécutif n’a pas toujours suivi non plus les recommandations, comme l’a montré la stratégie choisie en janvier, la décision restant à la main du politique.
Un nouveau comité pour la surveillance du covid-19, mais également pour les menaces sanitaires au sens large
En pleine septième vague, causée par l’émergence du variant BA.5, le gouvernement entend toujours disposer d’une expertise scientifique, qui l’éclairerait sur ses choix. Il envisage la création d’un « comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires », placé auprès des ministres de la santé et de la recherche. Selon l’étude d’impact adossée au projet de loi, cette nouvelle commission aurait vocation à prendre le relais du conseil scientifique et du conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, dans un premier temps, avant « d’élargir ses interventions à l’ensemble des risques sanitaires d’importance ». Comme le conseil scientifique, il aurait pour objectif de rendre périodiquement des avis et de formuler des recommandations.
Selon le ministre de la santé et de la prévention, François Braun, auditionné à l’Assemblée nationale, la composition du comité « n’est pas encore arrêtée », mais elle devra intégrer « les professionnels qui suivent cette problématique, en particulier les vétérinaires ». L’ancien urgentiste plaide notamment pour une approche globale, celle de la méthode « une seule santé » (One Health), sur laquelle s’appuie l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette démarche transversale entend réunir plusieurs secteurs de recherche, qu’il s’agisse de sécurité sanitaire des aliments, de la lutte contre les zoonoses (maladies susceptibles de se transmettre de l’animal à l’homme et vice-versa) et de la lutte contre la résistance aux antibiotiques.
Initialement, l’acte de naissance du futur comité figurait dans le projet de loi, à l’article 3. Mais l’article en question a été retiré, après que le Conseil d’Etat a rappelé que la création de cette instance relevait du domaine réglementaire, et non de la loi. La composition, comme la liste de ses missions, doit être prise par décret. À l’Assemblée nationale, la députée NUPES Marietta Karamanli (ex-PS) avait demandé, durant l’examen en commission, de « définir dès aujourd’hui le cadre du comité de scientifiques ».
Le Conseil d’Etat identifie un risque de doublon
Dans son avis, le Conseil d’État n’a pas émis d’objection sur le principe de ce nouveau comité. La plus haute juridiction administrative, chargée d’examiner en amont les projets de loi, dresse cependant un constat : la création du futur comité « n’a pas été précédée d’une analyse de son articulation avec les instances existantes ». Les juristes notent que le rôle du « comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires », voulu par le gouvernement, recoupe en partie les attributions du Haut Conseil de la santé publique.
Ce HCSP a notamment pour mission de « de fournir aux pouvoirs publics, en liaison avec les agences sanitaires et la Haute Autorité de santé, l’expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires ainsi qu’à la conception et à l’évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire ». Une définition guère éloignée de l’instance d’experts qu’il reste à construire. Santé publique France, qui a absorbé entre autres feu l’institut de veille sanitaire, joue également un rôle dans la vigilance sanitaire et la gestion des situations de crise sanitaire.
La commission d’enquête sénatoriale dubitative sur le conseil scientifique, « aux contours mal définis »
La création du comité de veille n’aurait pas non plus que des amis au Sénat. « On n’aurait pas voté cet article », nous explique Catherine Deroche, présidente (LR) de la commission des affaires sociales au Sénat. La commission d’enquête sur la gestion de la crise sanitaire, dans ses conclusions en décembre 2020, avait été très critique sur ces structures d’experts nées dans la précipitation durant la crise, et « aux contours mal définis ». Les rapporteurs, Catherine Deroche (LR), Bernard Jomier (apparenté PS) et Sylvie Vermeillet (Union centriste) plaidaient pour « une instance nationale d’expertise scientifique unique capitalisant sur l’apport de l’ensemble des agences sanitaire ». Selon eux, une telle structure doit être capable de s’autosaisir, et son « indépendance et la transparence de ses travaux » doivent être garanties par des « moyens humains et financiers nécessaires ». Autre souhait exprimé : la présence de parlementaires. Selon le rapport sénatorial, l’intégration de représentants de l’office parlementaire d’évaluation des risques scientifiques et technologiques (Opecst) « apporterait un éclairage bienvenu ».
Ironie de l’histoire, dans les derniers paragraphes de son avis, le 23 juin, le Conseil scientifique s’est exprimé sur sa propre disparition. L’équipe de Jean-François Delfraissy « prend acte » du passage de relais à un comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires et annonce qu’elle « mettra fin à ses activités le 31 juillet 2022 ». Le conseil scientifique espère que la « multidisciplinarité » restera l’une des caractéristiques de son successeur et que les avis seront rendus publics « dans les meilleurs délais ». Il ajoute enfin qu’il favorisera « au maximum les échanges » avec les différences agences sanitaires et le nouveau comité cet été, « pour que l’aide à la décision des autorités sanitaires (elles-mêmes récemment renouvelées) reste optimale ».