Chirac, grand fauve et phénix de la droite française
L'ancien président Jacques Chirac, décédé jeudi à l'âge de 86 ans, était un des grands fauves de la droite française dont la longévité, entre...
Par Corinne DELPUECH
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L'ancien président Jacques Chirac, décédé jeudi à l'âge de 86 ans, était un des grands fauves de la droite française dont la longévité, entre succès brillants et échecs cuisants, a démontré une exceptionnelle capacité de rebond.
Celui qui fut 12 ans président, deux fois Premier ministre, trois fois maire de Paris, créateur et chef de parti, ministre à répétition, s'est éteint "au milieu des siens. Paisiblement", a déclaré à l'AFP son gendre Frédéric Salat-Baroux, époux de Claude Chirac.
Affaibli par différents problèmes de santé, M. Chirac n'apparaissait plus en public depuis cinq ans. Ces ennuis de santé auront finalement eu raison de ce battant de haute taille, chaleureux, débordant d'énergie, toujours en mouvement - omniprésent dans le paysage politique français depuis le début des années 60.
Loin des idéologies, ce grand pragmatique, créateur en 1976 du RPR, se rêvait héritier du gaullisme mais se revendique surtout de Georges Pompidou. Il a, entre libéralisme et foi en la puissance publique, entre "travaillisme à la française" et conservatisme ponctué de coups d'audace bonapartistes, incarné une synthèse des droites françaises.
Le président Jacques Chirac, mort le 26 septembre 2019, regarde des photos de victimes de la Shoah le 27 janvier 2011, lors de l'inauguration d'un mémorial dédié aux enfants juifs raflés et amenés au Vel D'Hiv en juillet 1942
AFP/Archives
Ses mandats élyséens resteront marqués par son "non" à la deuxième guerre d'Irak, la fin de la conscription militaire, la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans les crimes nazis, le passage au quinquennat, le cri d'alarme ("notre maison brûle") face à la dégradation de l'environnement, une première victoire importante sur l'absurde mortalité routière.
Mais aussi une ardente polémique sur sa reprise des essais nucléaires, une dissolution calamiteuse, un "non" retentissant au référendum constitutionnel européen de 2005, des accusations d'immobilisme (Nicolas Sarkozy allant jusqu'à parler de "roi fainéant"), des déficits creusés, le chômage invaincu.
Il a connu l'enfer de l'impopularité et de la moquerie médiatique ("supermenteur") mais était remonté au zénith de la sympathie populaire depuis son départ de l’Élysée en 2007.
- L'Elysée, rêve d'une vie -
Comme maire de Paris pendant 18 ans (dont deux grands chelems des 20 arrondissements), il laisse notamment deux vastes parcs qui ont contribué à restructurer la capitale. A son passif, des accusations de clientélisme et de corruption avec des décennies de prolongements judiciaires. Il restera ainsi comme le premier président condamné par la justice pénale.
Jacques Chirac, maire de Paris et président du RPR, lors d'un congrès du parti le 23 janvier 1983 à Paris
AFP/Archives
Jacques Chirac était parvenu à conquérir l’Élysée - rêve d'une vie pour ce fils unique - après deux défaites (1981 et 1988). A la seconde, François Mitterrand, septuagénaire et malade, le bat de 8,04 points.
On le dit essoré. Troisième tentative en 1995. Énarque ancré en rude terre corrézienne - comme le socialiste François Hollande venu l'y défier dès 1981 - il est distancé des mois durant par son "ami de trente ans", le très posé Édouard Balladur, à Matignon depuis 1993.
D'aucuns, comme son "fils politique" Sarkozy, rêvent de voir "le grand" jeter l'éponge. Insubmersible, porté par son thème de la "fracture sociale", Chirac force le destin.
Il l'emporte de haute lutte, éliminant son rival RPR au premier tour, battant le socialiste Lionel Jospin au second. Une des grandes illustrations de la volonté en politique.
Il n'aura cependant pas la force de pardonner aux balladuriens. La blessure restera béante à droite, à ses plus grands dépens.
Deux ans plus tard, Chirac se fracasse sur une piteuse dissolution de l'Assemblée à laquelle il a été poussé par son vibrionnant secrétaire général de l’Élysée Dominique de Villepin, pour sauver le Premier ministre de son cœur Alain Juppé, réduit à l'impuissance.
Le président François Mitterrand et le Premier ministre Jacques Chirac le 18 juin 1987 au Mont Valérien
AFP/Archives
Il semble alors donner raison au vieil adversaire Mitterrand, qui avait prédit un septennat "pittoresque"...
Humiliation majeure, assortie de cinq ans de cohabitation belliqueuse avec Jospin qu'il a été contraint de nommer à Matignon.
En 2002, nouveau coup de théâtre: celui que son adversaire et Premier ministre qualifie de "vieilli, usé, fatigué", devient, face au FN Jean-Marie Le Pen, le président le mieux élu de la Ve république. Un record de 82,21% des voix, pas près d'être battu.
- Batailleur -
Ses deux séjours à Matignon avaient déjà été batailleurs: Chirac remet à Valéry Giscard d'Estaing, qu'il a contribué à faire élire contre le gaulliste Jacques Chaban-Delmas, une retentissante démission en 1976. Il se bat pied à pied avec Mitterrand de 1986 à 1988.
(FILES) In this file photo taken on July 15, 2006 French President Jacques Chirac and his wife Bernadette (L) arrive at an informal dinner for G8 leaders and their spouses at Peterhof Palace in St Petersburg. Former French President Jacques Chirac has died at the age of 86, it was announced on September 26, 2019.
AFP/Archives
En 2007, affaibli par un accident vasculaire cérébral qui l'a frappé deux ans plus tôt, il doit voir triompher Nicolas Sarkozy pour lequel il est loin de manifester la ferveur indéfectible de son épouse Bernadette.
Jusqu'à sortir de son silence de retraité à l'automne 2014 pour proclamer son soutien à Alain Juppé en vue de 2017, taclant de facto celui qui lui a succédé à l’Élysée. Il avait déjà lancé en juin 2011 qu'il voterait Hollande à la présidentielle. Ses proches avaient plaidé "l'humour corrézien" là où beaucoup ont entendu un cri du coeur.
Diminué par son AVC, il ne pourra assister à son procès - procédure inédite pour un ex-locataire de l’Élysée - dans une interminable affaire d'emplois fictifs.
"Perte de mémoire", "absences", surdité. Jacques Chirac apparaîtra de plus en plus rarement en public, la démarche saccadée, agrippé à l'épaule d'accompagnateurs.
Jacques Chirac, le 31 janvier 2002 à Provins
AFP/Archives
Très loin de l'image du séducteur infatigable, beau comme un acteur, crédité de nombreuses conquêtes féminines ("les filles, ça galopait", avait admis son épouse).
Loin du vorace engloutissant les têtes de veau sauce gribiche, les bières Corona, capable de marathons record au salon de l'agriculture, à l'aise au cul des vaches.
Loin de l'amoureux des bains de foule, qui se vantait d'avoir serré tant de mains qu'il lui fallait des seaux de glace pour soulager ses paumes enflammées.
Pour ses ennemis, Jacques Chirac était versatile, capable de tous les coups de Jarnac, admirable dans la conquête du pouvoir, déplorable dans son exercice.
Pour ses amis, c'était un homme "attentif aux autres", plein de charme, un citoyen du monde familier des grands de la terre. Un père adorant ses deux filles dont l'aînée, Laurence, a été frappée d'une terrible anorexie et dont la seconde Claude, experte en communication, l'a accompagné, conseillé et rendu grand-père d'un petit Martin.
Une personnalité en tout cas beaucoup plus complexe que l'image rustique qu'il affichait : connaisseur de l'Asie, amoureux du Japon (expert es sumo), russophone, artisan d'un dialogue des cultures incarné par "son" musée du quai Branly, écrin des "arts premiers" dont il était féru.
Il avait intitulé le premier tome de ses mémoires : "Chaque pas doit être un but".
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.